Canons discordants…

Note du Saker Francophone

Voici une opinion peu ordinaire : après une description détaillée implacable, au scalpel, des actions de la coalition islamo-atlantique à Alep, et ailleurs, l'auteur pense que celle-ci aurait remporté une belle victoire médiatique contre la Russie, aux conséquences potentiellement dramatiques.

Pour notre part, nous pensons que pour avoir trop longtemps crié "Au loup !" la propagande occidentale a largement perdu de sa crédibilité.

Par Stratediplo – Le 20 décembre 2016 – Source stratediplo

Après avoir desserré, autour de la portion principale d’Alep, l’étau des milices islamistes supplétives de l’OTAN et du Conseil de coopération du Golfe, l’armée syrienne a pu renverser la situation et assiéger le réduit d’Alep-Est, progressivement rétréci à 10% de la population de la ville il y a un an puis à 2% début décembre, puisque des centaines de milliers d’habitants ont fui les quartiers encore occupés par les moudjahidines pour se réfugier dans ceux déjà libérés par l’armée régulière.

Mais parallèlement, pendant des mois, la progression du front anti-terroriste a été accompagnée d’une montée de la propagande visant à préparer les opinions occidentales à un bain de sang dès la libération de la deuxième ville de Syrie – à commettre par l’armée régulière contre ses propres familles –, une abomination qui ne pouvait naître que dans les fantasmes de propagandistes occidentaux détribalisés, déracinés et familialement sevrés.

Il serait fastidieux de recenser ici tous les articles de presse calomnieux présentant le gouvernement syrien comme un régime tyrannique installé illégalement par la force et envoyant des milices barbares à l’assaut d’une pauvre ville assiégée, et les terroristes islamistes comme une opposition civile démocratique et modérément équipée d’armes lourdes sans lien avec les quelques extrémistes qui postent des courts-métrages de décapitations sur internet et dont la presse occidentale s’acharne à occulter l’usage répété des armes chimiques qui leur ont été fournies ou enseignées.

Cette campagne médiatique a été renforcée dernièrement et crédibilisée par les nombreuses déclarations dramatiques de personnalités politiques qui font autorité, à un niveau ou à un autre, et en profitent pour influencer l’opinion sur une question parfois sans rapport avec leur mandat ou leur domaine de compétence. Et évidemment ont été mis à contribution tous les producteurs de témoignages, comme l’observatoire unipersonnel à distance des droits de l’homme en Syrie, ou les faux casques blancs, dont la dénonciation par l’ONU quelques heures après qu’ils avaient réussi à l’intoxiquer (le 30 septembre 2015) a été totalement ignorée dans les pays de l’OTAN, et qui ont failli être portés par la coalition islamo-atlantique jusqu’au comité Nobel, il y a quelques mois.

Pour finir, tous les blogueurs islamistes ont annoncé leur imminent massacre, et pris congé avec grandiloquence en envoyant des tweets dithyrambiques ou onomatopiques et posté des vidéos d’excellente qualité, dans des quartiers où les journalistes indépendants arrivés en même temps que l’armée nationale ont constaté qu’il n’y avait pas d’internet, plus de lignes téléphoniques fixes et que même le réseau de téléphonie portable présent dans la partie libre de la ville n’était pas accessible depuis les quartiers occupés et ravagés par les islamistes… au contraire par exemple de l’essentiel de la ville d’Alep, où aucun journaliste occidental n’a souhaité venir interroger le million et demi d’Alepins (98%) déjà sous la protection de l’armée gouvernementale ou les milliers de réchappés récents d’Alep-Est. Les trois agences de l’OTAN (Associated Press, Agence Française de Presse et Reuters) diffusaient plutôt les déclarations dictées des otages, familles et sympathisants des quelques milliers d’irréductibles moudjahidines auxquels on a interdit d’accepter la reddition et l’amnistie, vraisemblablement parce qu’on préfère les voir mourir que révéler (en anglais) leur origine, et forgeaient le mythe de cent mille personnes piégées lorsque les islamistes ne tenaient plus que 2 km², ce qui établirait certes un nouveau record mondial de densité de population, mais peut aussi préparer la déclaration d’un massacre de grande ampleur lorsque la libération et l’ouverture du dernier réduit permettra de constater qu’il y manque cent mille civils.

Au-delà de la publication systématique d’une fausse accusation de bavure par la Russie en Syrie au lendemain de chaque massacre de civils ou destruction d’hôpital par les États-Unis et leurs suppôts en Irak ou en Afghanistan, depuis déjà plusieurs semaines ce ne sont plus seulement les organisations crypto-gouvernementales mais ouvertement certains gouvernements de l’OTAN qui accusent la Syrie et la Russie de « crimes de guerre ».

Certains hommes politiques, des plus fins renards comme Hillary Clinton aux plus grossiers grognards comme François Hollande, exigent dans des termes peu diplomatiques que le président russe Vladimir Poutine soit sommé de « rendre des comptes » et déclament publiquement leur intention de le traduire pour crimes de guerre devant un tribunal d’exception, c’est-à-dire leur dessein d’attaquer la Russie, de la vaincre, de renverser son gouvernement légitime et de soumettre ses dirigeants à des simulacres prohibés par le droit international.

On y reviendra, ces déclarations officielles, ès qualités, de personnalités investies de mandats suprêmes dans leurs pays respectifs, et non démenties ou démises conséquemment, sont lourdes de sens et de conséquences.

Afin de lever le moindre doute concernant son parti et son engagement dans la guerre contre la Syrie, la France a invité en visite officielle, début décembre – juste après l’exfiltration des commandants moudjahidines abandonnant leurs combattants dans le dernier réduit –, l’islamiste alepin Brita Hagi Hassan, présenté par toutes les autorités françaises comme « maire rebelle d’Alep » alors qu’il est en réalité le chef du conseil islamique civil chargé de la surveillance de la population d’Alep-Est au sein de la branche d’al-Qaïda pour la Syrie, rebaptisée récemment Fatah al-Cham mais encore généralement connue sous son appellation précédente al-Nosra. Cette visite, annoncée pour une dizaine de jours, étendue à une vingtaine et appelée à une prorogation indéfinie, a culminé par l’extinction largement médiatisée des lumières de la tour Eiffel, jeudi 15 décembre, en solidarité avec les milices moudjahidines d’occupation d’Alep-Est sur le point d’être pourtant amnistiées et transférées à Idlib par le gouvernement légitime de la Syrie, membre de l’ONU, en application du plan de paix de l’émissaire de l’ONU Stefan de Mistura. Ce symbole de la France [la tour Eiffel] aux yeux du monde entier n’a pas seulement été éteint en signe de solidarité avec ceux que le gouvernement français appelle djihadistes, mais aussi en signe de refus du plan de paix de l’ONU.

Au même moment l’ONU, justement, rapportait ce que certains de ses membres influents essayaient d’étouffer, à savoir que les milices dudit conseil d’Alep-Est, subordonnées ou protectrices de l’honoré invité des autorités françaises, bloquaient – comme lors des trêves précédentes – l’évacuation de la population d’Alep-Est, mitraillaient ou pilonnaient les corridors humanitaires et les convois civils, utilisaient deux nouvelles fois des armes chimiques – évidemment prohibées –, tenaient la population en otage et la répartissaient comme boucliers humains sur les hôpitaux qu’elle avait tous démontés et transformés en batteries fixes d’artillerie pour tenter d’y attirer des feux de contre-batterie comme à Sarajevo, affamaient la population en confisquant l’aide humanitaire syrienne et russe, exécutaient publiquement les familles qui avaient tenté d’emprunter les corridors humanitaires pour quitter le réduit islamiste et crucifiaient les enfants qui n’avaient pas été assez combattifs face à l’armée nationale ou assez coercitifs face à leurs familles.

Stratediplo refuse d’appeler terroristes les résistants à une occupation et les auteurs d’attentats ciblés, mais les légions étrangères qataries terrorisent véritablement les populations syriennes. En même temps les autorités et émissaires de l’ONU répétaient sans cesse qu’il n’y avait aucune trace sur le terrain des « atrocités systématiques » dont certains membres du Conseil de Sécurité – ceux appartenant aussi à l’OTAN – accusaient officiellement la Syrie et la Russie.

Les rapports des observateurs indépendants et des quelques organisations véritablement non gouvernementales n’ont pas empêché les médias des pays de l’OTAN d’occulter la vérité qui se faisait jour au fur et à mesure de la libération de nouveaux quartiers, et de ne pas diffuser la semaine dernière les images de foules en liesse, les larmes de joie, les embrassades avec les soldats et les fêtes spontanées sur le passage de l’armée nationale, et de choisir au contraire de blâmer les forces libératrices. Cinq pays majeurs, dont aucun n’a envoyé d’aide humanitaire en Syrie et dont certains ont interdit aux pays voisins de laisser passer l’aide humanitaire russe avec la même insistance qu’ils avaient tenté d’empêcher la livraison d’aide humanitaire au sud-est de l’ex-Ukraine il y a deux ans, accusent formellement la Syrie et la Russie d’intercepter cette aide humanitaire qu’ils n’envoient pas, au moment même où les télévisions indépendantes qui ont accepté d’accompagner l’armée syrienne montrent la découverte des caches où les islamistes accumulaient l’aide humanitaire qu’ils refusaient ensuite à la population – ou revendaient chèrement et parcimonieusement –, suivant les instructions qui leur avaient été données pour créer une crise humanitaire grave dans la portion occupée d’Alep.

Car on avait décidé non seulement de soumettre la population mais également de créer une crise humanitaire, dont on blâmerait ensuite la Russie, et qui donnerait du crédit aux évocations faussement horrifiées de Grozny, Sarajevo et Srebrenica, qui n’éveillent dans les opinions publiques le souvenir d’aucun fait spécifique mais un vague sentiment irraisonné de « plus jamais cette boucherie » contre de malheureux musulmans opprimés.

Grozny, c’était la Russie du chaos post-soviétique eltsinien, alibi pour que les caméras des pays qui entraînaient les moudjahidines dans les gorges de Pankissi ne montrent pas les images de l’armée russe entrant dans la ville par les avenues où des chrétiens avaient été pendus à tous les réverbères, images gravées à jamais dans la mémoire des soldats enfin victorieux qui descendaient des chars libérateurs pour aller vomir dans les fossés ; Comité Grozny, c’est aussi le groupe d’intellectuels juifs parisiens qui appelaient à bombarder Moscou comme ils avaient plus tôt appelé à bombarder Belgrade sous le nom de Comité Sarajevo.

Sarajevo, ville martyre dont la comparaison avec Alep-Est est la plus pertinente, c’est aussi une ville où les occupants islamistes confisquaient l’aide humanitaire, gardaient la population en otage quand des corridors d’évacuation étaient ouverts, et appelaient des feux de contre-batterie vers les hôpitaux où ils avaient invité les journalistes étrangers, en tirant sur les positions chrétiennes avec des mortiers placés sur ou dans ces bâtiments. Sarajevo c’est aussi l’un des symboles de la toute-puissance états-unienne qui a réussi à interdire à l’ONU de diffuser les rapports établissant que les milices islamistes tuaient des musulmans – boulangerie, marchés de Markale… – pour blâmer l’ennemi et faire intervenir l’Alliance atlantique, comme le confesserait sur son lit de mort le président Izetbegovic, des années après que son chef d’état-major Halilovic eut démissionné, dégoûté d’avoir dû massacrer sa propre population au lieu de combattre l’armée ennemie.

Srebrenica, surtout, c’est le mot qui restera, pour le profane, un synonyme de génocide – un mot si lourdement associé à ce nom dans la presse occidentale –, et pour l’expert en science politique ou en communication, un symbole de la manipulation médiatique. Srebrenica, c’était une ville déclarée démilitarisée mais jamais désarmée, où était basée une brigade islamiste d’extermination qui a dépeuplé dans d’atroces sévices les campagnes chrétiennes environnantes.

C’est une opération admirablement menée où l’armée victorieuse a fait venir des centaines d’autobus pour évacuer vers la république islamique ceux des civils musulmans qui ne souhaiteraient pas rester sous administration chrétienne, et où les hommes originaires d’autres régions ont été soigneusement examinés un par un pour distinguer les déplacés et réfugiés des moudjahidines en civil, même si la brigade s’était exfiltrée juste avant la chute de la ville, et où les prisonniers, en dépit de leurs exactions monstrueuses, ont été traités selon les conventions de Genève – pourtant non applicables aux combattants irréguliers déguisés en civils – dans des conditions que beaucoup d’armées occidentales devraient imiter, surtout la plus importante qui méprise et viole les droits élémentaires des captifs ennemis, les conventions, et plus généralement les us et coutumes de la guerre.

Mais Srebrenica c’est aussi une victoire de communication, le trucage des chiffres comme l’addition au lieu du recoupement des différents rapports concernant la même colonne enfuie dans les bois, la négation partiale de la réalité comme le refus de filmer et rapporter l’arrivée de cette même colonne en territoire musulman, l’abus de langage comme l’utilisation du mot de génocide pour un prétendu massacre de miliciens exclusivement masculins et le maintien de ce mot après le jugement contraire d’un tribunal multinational d’exception, l’intimidation du Conseil de sécurité de l’ONU par une grande puissance dont les représentants vocifèrent en brandissant des enveloppes cachetées de preuves qu’ils ne montrent jamais, la distorsion de l’Histoire imposée par la révocation arbitraire et anticonstitutionnelle, par l’autorité de supervision multinationale en violation de son mandat, de tout nouvel élu refusant de signer l’incohérente et mensongère confession de génocide.

Alep-Est, bien que moins peuplée, a effectivement souffert comme Sarajevo et Grozny du joug islamiste dont elle vient d’être libérée. Mais elle est surtout l’occasion d’une grandiose campagne de désinformation et de manipulation similaire à celle déployée depuis vingt ans autour de Srebrenica.

Ces grandes manœuvres politico-médiatiques plus violemment dirigées contre la Russie que contre la Syrie visent certainement, dans les pays sous régime démocratique, les membres du Parlement qui seront bientôt appelés à voter l’entrée en guerre de leur pays contre la Russie.

Dans les pays sous régime jacobin où la chambre d’enregistrement a été inféodée à l’exécutif, elles visent simplement la population, que l’on prépare psychologiquement à l’inéluctabilité de la guerre contre la Russie. Dans les deux cas et sur les deux publics ciblés, ces opérations sont largement victorieuses.

Sur le théâtre syrien, c’est contre la Russie que la coalition islamo-atlantique vient de remporter une victoire écrasante et incontestable.

Stratediplo

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