Arabie saoudite – Le « réformateur libéral » est un tyran impulsif


Moon of Alabama

Moon of Alabama

Par Moon of Alabama – Le 10 novembre 2017

Il devient de plus en plus difficile de dissimuler le bazar engendré par le prince clown saoudien Mohammad bin Salman. La propagande sur le « réformateur libéral » est trop éloignée de son comportement manifestement tyrannique.

Le prince clown de la Barbarie saoudienne a pratiquement enlevé le Premier ministre libanais, l’a obligé à démissionner de ses fonctions en lui faisant du chantage, et le maintient depuis en résidence surveillée. C’est une attaque sans précédent contre la souveraineté du Liban et de tous les autres pays. Pourtant, les États-Unis et certains dirigeants européens prétendent lâchement que Saad Hariri est libre d’aller où il veut.

Un responsable français a déclaré que le Premier ministre libanais, Saad Hariri, avait dit à des ambassadeurs étrangers qu’il n’était pas prisonnier en Arabie saoudite où il se terre depuis son étrange démission.

Un responsable du bureau du président français Emmanuel Macron a déclaré vendredi que les ambassadeurs français et américains en Arabie saoudite avaient rencontré Hariri, et que Hariri « dit qu’il n’est pas prisonnier, le prince (héritier saoudien) dit qu’il n’est pas prisonnier ».

Macron a effectué une visite surprise en Arabie saoudite jeudi soir et a rencontré le prince héritier, notamment au sujet de la montée des tensions au Liban, un ancien protectorat français.

Hariri n’est peut-être pas « prisonnier », mais il n’est pas plus libre de quitter sa résidence actuelle que Julian Assange, n’est libre de quitter l’ambassade d’Équateur à Londres.

Macron n’a même pas rencontré Hariri, il a filé tout droit aux Émirats arabes unis pour signer la vente inattendue de deux corvettes françaises. Le président des EAU, Mohammed bin Zayed, est le mentor du prince clown saoudien Mohammed bin Salman. Macron a encaissé les trente deniers et a abandonné Hariri et le Liban à leurs sorts.

Il est évident que Hariri ne s’est pas rendu en Arabie saoudite samedi dernier avec l’intention de démissionner de son poste :

« Hariri avait prévu des réunions à Beyrouth le lundi suivant – avec le FMI, la Banque mondiale, et une série de discussions sur l’amélioration de la qualité de l’eau ; ce n’est pas exactement le planning d’un homme qui a prévu de démissionner de son poste de premier ministre. »

La version ci-dessous de la rencontre de Hariri avec l’ambassadeur des États-Unis et de la France est différente de la version officielle citée plus haut :

« M. Hariri, qui est citoyen du Liban et de l’Arabie saoudite, a rencontré les ambassadeurs de Grande-Bretagne et de l’Union européenne et le chargé d’affaires de l’ambassade américaine, mercredi et jeudi, à sa résidence de Riyad. D’autres diplomates occidentaux, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ont déclaré que ces envoyés avaient eu, eux aussi, le sentiment  qu’il ne pouvait pas s’exprimer librement. »

Même le porte-parole du département d’État a laissé échapper que Hariri n’est pas libre d’aller où il veut :

« Nous l’avons vu. En ce qui concerne les conditions de sa détention ou les conversations entre l’Arabie saoudite et le Premier ministre Hariri il faut vous adresser au gouvernement de l’Arabie saoudite et au bureau de M. Hariri. »

Le parti politique de M. Hariri au Liban s’est joint à son ennemi, le Hezbollah, et au président chrétien Aoun pour demander à Hariri de revenir et de s’expliquer devant le peuple libanais :

« Le retour du chef du gouvernement libanais, du leader national et du chef du mouvement al-Mustaqbal, Saad Hariri, est nécessaire pour rétablir le respect de l’équilibre libanais à l’intérieur du pays comme à l’étranger, dans le plein respect de la légitimité libanaise incarnée par la Constitution et l’Accord de Taëf, et dans le respect des légitimités arabes et internationales », a déclaré Mustaqbal dans une déclaration publiée à l’issue d’une réunion d’urgence de son bloc parlementaire et son bureau politique.

Les Saoudiens ont dit à leurs citoyens de quitter le Liban. Leurs alliés, le Koweït, les EAU et Bahreïn ont suivi. Il y a eu quatre recommandations de ce type au cours des cinq dernières années et la décision n’est pas importante en soi. Si les Saoudiens se mettaient à bloquer le flux d’argent du Golfe vers le Liban ou autre chose de ce genre, les dommages économiques seraient bien plus importants pour le Liban. Si les pays du Golfe expulsaient les travailleurs libanais, les dommages économiques seraient énormes pour le Liban. Mais ces travailleurs libanais sont les gens qui dirigent les entreprises dans les États du Golfe. Sans les 160 000 comptables et gestionnaires libanais, l’économie saoudienne s’effondrerait probablement.

Tout cela ressemble comme deux gouttes d’eau à la grotesque campagne saoudienne contre le Qatar. Le Saoudien a mis en œuvre une décision impulsive et hostile sans avoir réfléchi à ses conséquences. Il s’est rapidement retrouvé à court de munitions, mais n’a pas trouvé le moyen de résoudre le problème sans perdre la face.

Dans leur lâcheté, les Français et d’autres pays couvrent aussi la famine causée au Yémen par le prince couronné. Les vols de l’ONU apportant au Yémen des fournitures médicales, de la nourriture et des produits de première nécessité sont bloqués par les autorités saoudiennes. Les ports d’expédition de nourriture sont bloqués. Les responsables de l’ONU ne cessent d’alerter sur l’imminence d’une famine de grande ampleur et implorent tout le monde d’intervenir. Mais ni Macron, ni aucun politicien « occidental », n’ont entendu leurs appels.

Pendant ce temps, la purge du tyran saoudien pour se débarrasser de toute éventuelle concurrence interne se poursuit. Quelque 500 personnes ont été arrêtées, les plus importantes étant détenus au Ritz Carlton de Riyad. L’hôtel a été « réservé » jusqu’à la fin du mois de janvier. Mais ses 300 chambres ne suffisent pas à contenir le tas croissant de déchets argentés. L’hôtel voisin de Mariott a également été réservé par les autorités saoudiennes. Les clients réguliers ont été invités à quitter l’hôtel. C’est le signe que la campagne de purge va se poursuivre.

Un aspect important de la purge est le vol sans foi ni loi qui en fait partie. Toutes les personnes arrêtées sont accusées de « corruption ». C’est un pays où on considère que c’est un droit héréditaire de la classe dirigeante de bénéficier de tous les contrats d’État. Selon le Wall Street Journal, les gens qui entourent Mohammed ben Salmane Al Saoud (MbS) s’attendent à voler jusqu’à 800 milliards de dollars d’actifs aux hommes d’affaires ultra riches et aux princes qu’ils ont maintenant sous leur contrôle. Ils auront probablement besoin de cet argent pour maintenir le pays à flot :

Même seulement une partie de ce montant pourrait aider les finances de l’Arabie saoudite. Une période prolongée de bas prix du pétrole a contraint le gouvernement à emprunter de l’argent sur le marché obligataire international et à entamer largement les réserves de devises du pays, qui sont passées de 730 milliards de dollars en 2014 à 487,6 milliards de dollars en août.

(…)

La banque centrale a envoyé une liste de centaines de noms à des prêteurs, leur demandant de geler tous les comptes qu’ils possèdent, selon des sources bien informées,

 (…)

Par mesure de précaution, les autorités ont interdit à un grand nombre de personnes de quitter le pays, parmi eux des centaines de membres de la famille royale et de personnes liées aux personnes arrêtées, selon des sources bien informées.

Qui voudra investir un sou en Arabie saoudite après un tel racket ? Le droit n’est pas respecté et il n’y a pas de tribunaux fiables. Tout est soumis aux caprices d’un seul homme. L’extorsion des riches pourrait remettre un peu d’argent dans les coffres de MbS, mais il ne trouvera plus de sponsors pour ses grandioses projets d’investissement.

Trump a exprimé son soutien total aux opérations saoudiennes. Mais il est clair que la purge intérieure et l’aventurisme belliciste à l’extérieur ne donneront rien de bon. Le secrétaire d’État Tillerson  tempère d’ailleurs un peu les envolées démagogiques de Trump. Il alerte MbS sur le traitement de ses prisonniers :

« Je crois comprendre que pour eux, ce ne sont pas vraiment des arrestations ; ils montrent aux gens des preuves de ce qu’ils considèrent comme des actes répréhensibles pour les inciter à s’amender. »

« Cela nous inquiète quelque peu et nous aimerions savoir comment ces individus sont traités au juste », a ajouté Tillerson.

Tillerson a mis en garde Israël contre toute intervention au Liban. Il se positionne dans le camp libanais sur la question de Hariri. Il n’entérine pas la « démission » forcée :

Les États-Unis observent « très attentivement » la situation [concernant Hariri], en « soutenant » le gouvernement légitime du Liban » et en « demandant à ceux qui n’y sont pas directement impliqués de ne pas s’en mêler », a-t-il ajouté.

« S’il veut démissionner, comme cela semble être le cas, il doit retourner au Liban pour officialiser son départ. J’espère qu’il le fera, si c’est toujours son intention de quitter le pouvoir, pour que le gouvernement libanais puisse fonctionner correctement », a déclaré Tillerson

Les deux décisions saoudiennes, concernant le Liban et la purge interne, semblent trop impulsives pour faire partie d’un plan global. Elles commencent à ressembler aux autres « aventures » dans lesquelles MbS s’est lancé au Qatar et au Yémen. Des campagnes sans objectif clair dont les effets secondaires et tertiaires finissent par se retourner contre l’agresseur. Tout cela causera d’énormes dommages à long terme à l’Arabie saoudite.

Le prince couronné va devenir roi d’Arabie Saoudite d’un jour à l’autre. En théorie, il pourrait alors régner pendant 50 ans. Mais il est peu probable que son pays survive à cinq années supplémentaires d’une gestion aussi impulsive et tyrannique. Il est probable qu’un de ses gardes sera assez miséricordieux pour résoudre le problème d’une seule balle.

Complément :

Un autre épisode illustre l’impulsivité de MbS. En 2016, Salman a acheté sur un coup de tête un yacht d’occasion pour 550 millions de dollars (500 millions d’euros) :

« En vacances dans le sud de la France, le prince bin Salman a repéré un yacht de 440 pieds flottant au large de la côte. Il a envoyé un assistant pour acheter le navire, le Serene, qui était la propriété de Yuri Shefler, un magnat russe de la vodka. L’accord a été conclu en quelques heures, au prix d’environ 500 millions d’euros (environ 550 millions de dollars aujourd’hui), selon un collaborateur de M. Shefler et un proche saoudien de la famille royale. Le Russe a quitté le yacht le même jour. »

Le bateau avait été construit en 2007 et lancé en 2011. Son prix était alors de 330 millions de dollars (300 millions d’euros).

« Le méga-yacht de 330 millions de dollars, dont on sait qu’il appartient an géant russe de la vodka, Yuri Scheffler, a été vu au large de la côte de Venise, en Californie. »

Après cinq ans de bons et loyaux services, il valait sans doute les deux tiers du prix initial. MbS a payé 250% de sa valeur réelle parce qu’il voulait le bateau tout de suite et parce qu’il en avait les moyens. Un homme de trente ans, qui n’a jamais travaillé pour gagner sa vie, a gaspillé 330 millions de dollars pour un achat impulsif. De l’argent qui appartenait légitimement aux peuples de la péninsule arabe. Et c’est ce type-là qui prétend aujourd’hui combattre la « corruption » !

Traduction : Dominique Muselet

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