A qui profite réellement le récit de l’« Arabie Saoudite attaquée par l’Iran » ?


Par Brandon Smith − Le 18 septembre 2019 − Source Alt-Market.com


Après le 11 septembre 2001, le concept d’« attaque au faux drapeau » a pris de l’importance dans la culture américaine et, depuis lors, de plus en plus de gens commencent à remettre en question le récit officiel chaque fois que de nouvelles crises surviennent. Il est possible que ce soit la raison pour laquelle il n’y a pas eu d’autre attaque du genre de celle du 11 septembre aux États-Unis depuis 2001 ; non pas parce que le gouvernement fait un meilleur travail en matière de sécurité (les mesures de sécurité en place le 11 septembre étaient largement suffisantes mais pour des raisons inexplicables, elle n’ont pas été utilisées), mais parce qu’il est plus difficile pour les organismes gouvernementaux de faire avaler des catastrophes fabriquées ou de faire passer les mauvaises personnes pour responsables.


Cela dit, les gouvernements n’ont parfois pas besoin de créer un faux drapeau à partir de zéro. Parfois, des catastrophes qui ne sont pas le fait du gouvernement peuvent être transformées en faux drapeaux, à condition qu’on puisse mettre le blâme sur la cible qu’ils veulent le plus attaquer.

Les élites n’ont besoin de faire avaler un faux drapeau tous les deux décennies pour pousser la population dans une guerre ou une crise culturelle qui puisse être exploitée. Telle était essentiellement la stratégie définie par le « Project For The New American Century« , un groupe de réflexion sur la politique étrangère dans les années 1990, composé de néoconservateurs et de goules du Council On Foreign Relations, qui appelait à un « nouveau Pearl Harbor » qui donnerait aux États-Unis une justification pour entrer militairement au Moyen-Orient et y changer tout le paysage politique. Comme l’a dit un jour Rahm Emanuel : « On ne doit jamais gaspiller une bonne crise … »

Bien sûr, ils ont eu leur Pearl Harbor, mais contrairement à l’opinion populaire, je pense qu’il est faux de supposer que le PNAC a été conçu pour ouvrir la porte à l’hégémonie américaine. Je pense plutôt que l’intention était de provoquer le contraire – la chute éventuelle de l’influence géopolitique américaine. Après tout, qu’est-il arrivé à l’Union soviétique après qu’elle se soit enlisée dans une guerre terrestre en Afghanistan ? Seulement un long et coûteux bourbier qui a finalement contribué à leur chute économique. C’est exactement ce qui arrive aux États-Unis aujourd’hui. Faut-il croire que les élites sont totalement ignorantes de ce résultat ?

En d’autres termes, l’objectif réel des efforts en faveur de l’hégémonie américaine est peut-être de saboter l’image des États-Unis au fil du temps, tout en nous faisant plonger vers la faillite ? Mais examinons un peu plus en détail les facteurs sous-jacents…

Jusqu’à présent, l’engagement des États-Unis au Moyen-Orient n’a abouti qu’à un désastre. Bien que les coûts financiers totaux fassent souvent l’objet de débats, les estimations générales des coûts combinés de la participation américaine en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au Pakistan sont de l’ordre de 5 000 milliards de dollars (une estimation prudente à mon avis). Selon iraqbodycount.org, le nombre de victimes civiles de la seule guerre en Irak s’élève à environ 208 000 personnes. Les agences secrètes américaines, israéliennes et saoudiennes impliquées en Libye et en Syrie ont formé, financé et armé les mêmes militants qui ont finalement donné naissance à ISIS dans le cadre d’un programme appelé Timber Sycamore. Et, bien que nous entendons continuellement parler des intentions de Trump de retirer les troupes américaines de la région, des dizaines de milliers de soldats et de mercenaires privés sont toujours présents en Irak, en Afghanistan et en Syrie à ce jour.

Aucune personne saine d’esprit ne peut prétendre que la politique étrangère américaine au Moyen-Orient a été couronnée de succès. En fait, les États-Unis ont, en grande partie, perdu la face et leur stabilité économique au cours de ces conflits, qui ont été perpétués par les DEUX administrations républicaine et démocrate. Et maintenant, le potentiel d’une guerre en Iran augmente ; une guerre qui pourrait dévaster l’économie américaine une fois pour toutes.

Je tiens à souligner ici que quoi qu’une personne puisse croire au sujet des détails entourant le 11 septembre, l’Irak n’a absolument rien à voir avec cela et les États-Unis ont envahi ce pays sous de faux prétextes. Les preuves étaient fausses, les seules armes de destruction massive dont disposaient les Irakiens étaient celles que les États-Unis leur avaient vendues dans les années 1980, et Saddam n’avait aucun lien vérifiable avec Al-Qaeda. Les prétentions des services de renseignement occidentaux ne peuvent être prises au sérieux après une telle farce, et nous devons appliquer le même scepticisme à toutes les accusations qu’ils portent contre l’Iran.

John Bolton, un des principaux défenseurs du PNAC, était le conseiller en matière de sécurité nationale de Donald Trump jusqu’à il y a quelques jours seulement. Je trouve à peine fortuit que l’Iran, l’une des dernières cibles sur la liste des cibles du PNAC, soit maintenant blâmé pour la dernière attaque contre la production pétrolière saoudienne juste après que Bolton ait quitté la Maison Blanche. Il arrive souvent que des élitistes au sein d’une administration quittent le navire juste avant la mise en œuvre de leurs agendas afin de pouvoir réorienter tout blâme pour les conséquences.

Inutile de dire que ce n’est pas parce que John Bolton a quitté l’édifice que ses plans ont disparu ou que le prétendu « désaccord » entre Trump et Bolton était même réel. Bolton n’est qu’un des nombreux marionnettistes qui contrôlent l’administration Trump …

Les guerres ne sont pas toujours déclenchées par des embuscades de type Pearl Harbor sur le peuple américain – parfois elles sont déclenchées par des alliances et des affrontements organisés à l’autre bout du monde pour entraîner le peuple américain dans un conflit. L’attaque contre les usines de traitement de pétrole de Saudi Aramco, les plus grandes usines de traitement au monde, constitue une autre « linchpin«  potentielle, comme l’aurait appelé la RAND Corporation, un événement qui met en mouvement un effet domino qui mène à une crise mondiale. Dans ce cas, il s’agit probablement d’un « linchpin«  qui est exploité comme une crise d’opportunité. En d’autres termes, il s’agit d’un « linchpin«  parce que l’establishment en a décidé ainsi.

D’après les premiers rapports, l’attaque a été lancée par des rebelles yéménites Houthi à l’aide de drones. Les Houthis ont publiquement accepté la responsabilité des attaques. La rébellion Houthi a commencé comme un mouvement de protestation contre la ligne dure du gouvernement yéménite, qui a longtemps été un substitut des intérêts saoudiens dans la région. Les Houthis exigeaient le droit à la liberté d’expression et une plus grande représentation au gouvernement. Le gouvernement a réagi en essayant d’emprisonner les manifestants et de tuer leurs dirigeants.

Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec l’idéologie Houthi, mais je peux voir le raisonnement dans leur révolte. Les frappes de drones et les bombardements de drones saoudiens et américains au Yémen contre les Houthis ont été implacables et n’ont pas fait l’objet d’un large écho dans les grands médias. Les responsables américains prétendent que les frappes visaient à « combattre Al-Qaïda », mais Al-Qaïda est utilisé comme une étiquette pratique pour à peu près n’importe quel groupe qui s’oppose aux intérêts ou alliés américains.

Les frappes américaines sur les Houthis se sont accélérées sous l’administration Obama après une supposée « attaque ratée par des missiles«  sur le destroyer USS Mason. Les Houthis ont nié toute implication dans l’attaque, affirmant qu’elle ne provenait pas de leur zone de contrôle. Les frappes américaines au Yémen se sont poursuivies sous Trump.

Les opposants politiques au Yémen et les Saoudiens ont toujours accusé les Houthis d’être des mandataires de l’Iran, et bien que l’Iran ait publiquement soutenu la rébellion des Houthis, les Houthis ont ignoré les conseils iraniens à plusieurs reprises, indiquant qu’ils ne sont pas aussi fortement contrôlés que certains voudraient le faire croire au public occidental. Je note que les mêmes médias qui crient aujourd’hui au sujet de l’Iran en tant que cerveau de l’insurrection Houthi s’opposaient à cette affirmation il y a seulement deux ans.

Le récit des insurgés « contrôlés par un État » est communément utilisé par les gouvernements lorsqu’ils sont confrontés à une rébellion qu’ils ne peuvent pas vaincre aisément. Dans la guerre de propagande, la dernière chose qu’une dictature contrôlée par l’establishment veut, c’est que le public considère les rebelles qui les combattent comme des gens du peuple et des « opprimés héroïques ». Ainsi, ils évoquent une histoire dans laquelle la rébellion est en fait une conspiration maléfique forgée par une puissance étrangère. Beaucoup de conservateurs et de militants de la liberté pourraient s’en rendre compte, car de nombreux médias de gauche nous ont récemment accusés de n’être rien de plus qu’un mouvement d’« astroturfing«  créé par les Russes ou, à tout le moins, des dupes manipulés par les Russes, sans le savoir.

L’un des aspects les plus importants d’une rébellion contre l’establishment est la capacité de sensibiliser le public à ses crimes, mais une fois que ce dernier a réussi à les faire passer pour des proxys contrôlés par une puissance étrangère, peu de gens dans le public écouteront ce qu’ils ont à dire, peu importe les faits.

L’Arabie saoudite et les États-Unis ont été exposés pour avoir financé et formé des militants (ISIS) en Syrie afin de déclencher une révolution violente contre Bachar al-Assad, il est donc un peu hypocrite de leur part de diaboliser l’Iran pour toute influence qu’ils pourraient avoir sur les Houthis. La dernière fois que j’ai vérifié, au moins les Houthis ne sont pas coupables de génocide, de cannibalisme, ni d’attaques à grande échelle contre des cibles civiles (bien qu’il y ait beaucoup d’accusations non fondées d’attaques contre des civils contre le gouvernement saoudien). Franchement, s’ils sont responsables de l’attaque contre la production pétrolière saoudienne comme ils le prétendent, il s’agit d’une attaque contre un objectif militaire légitime et non d’une attaque terroriste.

Mais le vrai point ici, c’est qu’il importe peu que les Houthis soient légitimes, qu’ils aient de véritables griefs contre l’Arabie saoudite ou qu’ils s’attribuent tout le mérite de l’attaque contre Saudi Aramco – l’establishment va quand même réécrire le récit pour l’adapter à son agenda.

Actuellement, le secrétaire d’État Mike Pompeo a désigné directement l’Iran comme étant le coupable des frappes contre l’Arabie saoudite (aucune preuve tangible n’est encore disponible pour le confirmer). Même si les Saoudiens ont déclaré juste après l’attaque que 10 drones avaient été utilisés, ce qui corrobore ce que les Houthis ont dit, l’histoire est en train d’être rapidement « ajustée ». Aujourd’hui, les responsables américains affirment que l’attaque a été menée avec 17 « missiles de croisière » ou plus qui provenaient de la direction de l’Iran. Comment les Saoudiens ont-ils pu confondre missiles de croisière et drones ?

La nouvelle histoire officielle est mise à jour tous les jours pour contrer tout scepticisme prévisible. Par exemple, la nouvelle revendication des missiles de croisière « volant à basse altitude » aide à contrer quiconque se demande comment l’attaque a pu contrecarrer les systèmes anti-aériens américains Patriots valant des milliards sur le sol saoudien ?  Les Patriots ne sont pas spécialement conçus pour arrêter les missiles volant à basse altitude.

Toutefois, les Saoudiens ont également acheté aux États-Unis des systèmes radar à capacité de réaction rapide AN/TPQ-53. Il s’agit d’une technologie radar de nouvelle génération capable de suivre les missiles, les avions et les drones volant à basse altitude.  Mais quand même, le réseau radar saoudien a été en quelque sorte vaincu ?  Si c’est le cas et que les accusations sont vraies, il faudrait alors conclure que l’Iran dispose d’un matériel militaire capable de passer au travers de certaines des meilleures technologies de défense que les États-Unis ont à offrir.

En fin de compte, une attaque de drone Houthi ne suffit pas pour l’establishment. Même s’ils pouvaient prouver l’existence de liens militaires solides entre l’Iran et les insurgés au Yémen, ils ne seraient pas en mesure de justifier la guerre sur la seule base de cette relation. Ils doivent relier directement l’Iran à l’attaque.

De toute évidence, le but de ce récit est de créer une logique qui permette à l’administration Trump de s’engager dans une guerre avec l’Iran, probablement en commençant par des frappes aériennes limitées et en augmentant la dose à partir de là. Lorsque Trump fera enfin ses déclarations sur des preuves qui sont censées désigner l’Iran, je soupçonne qu’il ne dira pas grand-chose sur la réaction des États-Unis. Le public (et les marchés) seront laissés à supposer que rien de substantiel ne se produira et que tout s’effacera. Nous nous réveillerons simplement un matin pour découvrir que les premières frappes contre les cibles iraniennes ont été lancées et que la guerre a commencé. Le seul autre scénario sensé à ce stade est qu’une nouvelle frappe contre l’Arabie saoudite aura lieu dans les prochaines semaines et qu’elle servira de « goutte d’eau de trop ».

Ce n’était qu’une question de temps. Sous la forte influence des globalistes du cabinet de Trump, tous les événements majeurs de la région ont été en quelque sorte liés à l’Iran, des attaques contre des pétroliers au hasard à l’opposition palestinienne et libanaise à Israël, et ainsi de suite.

Trump ne pouvait pas utiliser un drone abattu pour déclencher une guerre, ce n’était pas suffisant pour convaincre le public américain. Ceux qui ont applaudi Trump comme une sorte de pacificateur pour ne pas avoir lancé de frappes contre l’Iran pour un seul drone abattu n’ont pas vu le tableau d’ensemble. La guerre avec l’Iran est en train de cuire ; il s’agit simplement de trouver le bon déclencheur. Peut-être que la flambée des prix du pétrole en réaction au « terrorisme parrainé par l’Iran » sera exactement ce dont les globalistes ont besoin.

Est-ce une coïncidence si cet événement est présenté comme un programme iranien par l’establishment juste après le départ de John Bolton de la Maison-Blanche ? Est-ce une coïncidence qu’il soit mis en avant après que la Russie ait récemment averti que le prix du baril de pétrole pourrait chuter à 25 $ le baril en raison de la baisse de la demande mondiale ? Est-ce une coïncidence qu’il soit en train d’être monté en épingle juste après que l’Iran ait annoncé qu’il utilisait des centrifugeuses avancées pour l’uranium ? Est-ce une coïncidence que Trump ait maintenant une excuse pour ne pas rouvrir les négociations sur les sanctions contre l’Iran ?

Et, comme nous l’avons noté au début de cet article, si vous croyez comme moi que les globalistes cherchent à déstabiliser complètement les États-Unis avec Donald Trump à la barre afin de détruire l’image du mouvement conservateur et des militants de la souveraineté par association, alors une guerre avec l’Iran ferait certainement l’affaire.

Comme je l’ai mentionné dans mon article intitulé « Les globalistes n’ont besoin que d’un seul événement majeur de plus pour terminer le sabotage de l’économie« , publié en mai, un conflit avec l’Iran serait un catalyseur parfait pour une chute finale des marchés américains en pleine guerre commerciale et dans un contexte de tensions sur les marchés et de resserrement de liquidités par la Fed. En outre, une guerre en Iran entraînerait inévitablement la fermeture du détroit d’Ormuz, par lequel transitent environ 30% de l’approvisionnement mondial en pétrole, ce qui entraînerait une augmentation exponentielle des prix du pétrole et une colère internationale contre les États-Unis. La Chine et la plupart des pays du monde seraient ainsi davantage incités à se dissocier des États-Unis sur le plan économique et, à terme, à abandonner les bons du Trésor américain et le dollar comme monnaie de réserve mondiale.

Dans le même temps, les globalistes auront effectivement exploité l’Administration Trump, qu’ils n’ont peut-être pas l’intention de laisser en place après 2020, comme un outil pour lancer une guerre qu’ils voulaient depuis longtemps mais qu’ils ne pouvaient pas convaincre le public américain de soutenir. À l’heure actuelle, peu importe que le public américain soit d’accord ou non.

C’est là le véritable génie stratégique de l’utilisation de Trump comme président sous contrôle. Sous Trump, les globalistes peuvent prendre des mesures qu’ils ont toujours voulu prendre, puis en rejeter toute la faute sur les conservateurs. Avec Trump, ce n’est pas important si la Maison Blanche perd la face. Il s’est construit comme un « populiste » et un antiglobaliste, donc toute catastrophe qu’il supervise deviendra la faute des populistes et des antiglobalistes. C’est pourquoi les gens devraient s’attendre à une guerre en Iran à court terme. La tentation pour les globalistes d’allumer la mèche avec Trump comme président doit être écrasante.

Pour comprendre pourquoi les élites voudraient la chute des États-Unis, je suggère de lire mon article sur la fin du jeu globaliste. Bien que l’OPEP puisse bénéficier de la hausse des prix du pétrole face à la baisse de la demande mondiale et que les néoconservateurs puissent tirer profit de la réalisation de leurs plans de déstabilisation du Moyen-Orient, ce sont vraiment les globalistes qui ont le plus à gagner en reliant l’Iran à l’attaque de l’Arabie saoudite et en plongeant les États-Unis dans une guerre à laquelle notre pays ne peut survivre économiquement.

En termes simples, ils considèrent la crise et le chaos comme les stimulants les plus rapides de la peur et les moteurs les plus utiles du changement mondial. Ils cherchent à faire d’une pierre deux coups : briser l’ordre du vieux monde pour faire place à leur « nouvel ordre mondial » tout en enroulant autour du cou de leurs plus grands ennemis idéologiques les effets catastrophiques sur la population.

Brandon Smith

Traduit par Hervé, relu par Camille pour le Saker Francophone

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