Par Moon of Alabama − 13 janvier 2020
L’administration Trump a donné diverses explications pour justifier son assassinat du général de division Qassem Soleimani et du commandant Abu Mahdi al Muhandis. Elle a affirmé qu’il y avait une « menace imminente » d’incident qui rendait l’assassinat nécessaire, même si elle ne savait pas où, quand, ni même quel genre d’incident se produirait. Trump a ensuite déclaré que cette menace était un attentat à la bombe planifié contre quatre ambassades américaines. Son secrétaire à la défense a ensuite contredit cette déclaration.
Cela a fait naître le soupçon que la décision de tuer Soleimani n’avait pas grand-chose à voir avec les événements actuels mais qu’il s’agissait d’une opération planifiée de longue date. NBC News rapporte maintenant que c’est exactement le cas :
Le président Donald Trump a autorisé l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani il y a sept mois si l'intensification de l’agression iranienne entraînait la mort d'un Américain, selon cinq hauts fonctionnaires, anciens et en poste, de l'administration. La directive présidentielle de juin était liée à la condition que Trump donne l'approbation finale pour toute opération spécifique visant à tuer Soleimani, ont déclaré ces responsables.
L’idée de tuer Soleimani, un général officiel d’une armée avec laquelle les États-Unis ne sont pas en guerre, est venue, comme beaucoup d’autres mauvaises idées, de John Bolton.
Après que l'Iran eut abattu un drone américain en juin, John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale de Trump, a exhorté ce dernier à riposter en approuvant une opération visant à tuer Soleimani, ont indiqué des responsables. Le secrétaire d'État Mike Pompeo voulait également que Trump autorise cet assassinat, ont indiqué des responsables. Mais Trump a repoussé l'idée, disant qu'il ne prendrait cette mesure que si l'Iran franchissait sa ligne rouge : en tuant un Américain. Le message du président était que "ce n'est possible que s'ils frappent des Américains", selon une personne informée de la discussion.
Ensuite, des troupes non identifiées ont tiré 30 missiles à courte portée sur une base américaine près de Kirkuk. La salve n’était pas destinée à tuer ou à blesser qui que ce soit :
Les roquettes ont atterri dans un endroit et à un moment où le personnel américain et irakien n'était normalement pas là et ce n'est que par malchance que M. Hamid a été tué, ont déclaré les responsables américains.
Sans présenter aucune preuve, les États-Unis ont accusé le groupe Katib Hizbullah, une unité de la milice populaire irakienne, d’avoir tiré ces missiles. Ils ont lancé des frappes aériennes contre un certain nombre de positions du Katib Hizbullah près de la frontière syrienne, à des centaines de kilomètres de Kirkuk, et ont tué plus de 30 membres des forces de sécurité irakiennes.
Cela a conduit à des manifestations à Bagdad au cours desquelles une foule a franchi le mur extérieur de l’ambassade des États-Unis, mais s’est rapidement retirée. Trump, qui avait reproché à Hillary Clinton le raid sur le consulat et la station de la CIA à Benghazi, ne voulait pas être entraîné dans le même genre de situation.
Les médias affirment que c’est la violation de l’ambassade qui a conduit à l’activation d’une opération qui avait déjà été planifiée depuis un an avant que Trump ne la signe il y a sept mois. Comme le décrit le New York Times :
Au cours des 18 derniers mois, les responsables ont déclaré que des discussions avaient eu lieu sur l'opportunité de cibler le général Suleimani. Estimant qu'il serait trop difficile de le frapper en Iran, les responsables ont envisagé de le poursuivre lors de l'une de ses fréquentes visites en Syrie ou en Irak et se sont concentrés sur la mise en place d'agents dans sept entités différentes pour rendre compte de ses déplacements - l'armée syrienne, la Force Quds à Damas, le Hezbollah à Damas, les aéroports de Damas et de Bagdad et les forces Kataib Hezbollah et de mobilisation populaire en Irak.
C’est l’intrusion dans l’ambassade et un lobbyiste de l’industrie de la guerre qui ont convaincu Trump de presser enfin la gachette symbolique :
Le secrétaire à la Défense, Mark Esper, a présenté une série d'options de réponse au président il y a deux semaines, dont le meurtre de Soleimani. Esper a présenté les avantages et les inconvénients d'une telle opération, mais il a clairement indiqué qu'il était en faveur de l'élimination de Soleimani, ont déclaré les responsables.
Trump a donné son accord et l’opération s’est poursuivie à partir de là. Il n’y avait aucun renseignement sur une « menace imminente » ou quoi que ce soit de ce genre.
Il s’agissait d’une opération planifiée depuis 18 mois. Trump l’avait signée il y a plus de six mois. Ceux qui l’avaient planifiée n’ont fait qu’attendre l’opportunité de l’exécuter.
Nous ne pouvons même pas être sûrs que ce soit l’attentat à la bombe contre l’ambassade qui a poussé Trump à donner l’autorisation finale. Il se pourrait que la CIA et le Pentagone n’aient attendu qu’une occasion de tuer Soleimani et Muhandis, le chef du Hezbollah Katib, en même temps. Leur rencontre à l’aéroport de Bagdad n’était pas secrète et leur a fourni l’occasion commode qu’ils attendaient.
Ensemble, Soleimani et Muhandis étaient le ciment qui maintenait les nombreuses factions chiites en Irak. Aussi bien les armées que les politiques. Le remplaçant de Soleimani à la tête de la brigade Quds, le brigadier général Ismail Qaani, est certainement un homme capable. Mais son précédent domaine de travail était principalement à l’est de l’Iran, en Afghanistan et au Pakistan, et il lui sera difficile de remplir le rôle de Soleimani en Irak :
Après la mort de Soleimani, l'Ayatollah Khamenei a nommé l'adjoint de Soleimani, Ismail Qaani, pour lui succéder. Qaani ne parle pas arabe, n'a pas une connaissance approfondie de l'Irak, ni la perspicacité de Soleimani et sa capacité à équilibrer les différentes positions des factions irakiennes avec les opinions de l'Ayatollah Khamenei et des autorités religieuses de Najaf. La question est de savoir comment le successeur de Soleimani va gérer sa nouvelle responsabilité, y compris les épineuses questions irakiennes. L'escalade du conflit irano-américain est, selon beaucoup, une escalade vers la guerre et la déstabilisation de la région dans laquelle les règles d'engagement ont changé. La question n’est pas de savoir si, mais comment, tout cela aura un impact sur la situation en Irak.
Aujourd’hui, l’ecclésiastique irakien Muqtada al-Sadr, qui a sa milice, et les dirigeants irakiens des PMU se sont rencontrés à Qom, en Iran, pour discuter de la manière dont les troupes étrangères peuvent être expulsées d’Irak. Le général Qaani sera probablement là pour leur donner des conseils.
Hier, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais, a prononcé un autre discours. Il a demandé aux Kurdes d’Irak de rembourser leur dette envers Soleimani et le Hezbollah, dette due à leur lutte contre EI, en les aidant à expulser les soldats étrangers d’Irak :
85-Nasrallah : Maintenant, le reste du chemin. 1) L'Irak : L'Irak est le premier pays concerné par ce crime, parce qu'il s'est produit en Irak, et parce qu'il a visé Abu Mahdi al-Muhandis, un grand commandant irakien, et parce que Soleimani défendait l'Irak. 86-Nasrallah : Je demande à Masoud Barzani de remercier Soleimani pour ses efforts dans la défense d'Erbil et de la région du Kurdistan, parce que Soleimani a été le seul à répondre à son appel. Soleimani et avec lui des hommes du Hezbollah sont allés à Erbil. 87-Nasrallah : Barzani tremblait de peur, mais Soleimani et les frères du Hezbollah vous ont aidé à repousser cette menace sans précédent ; et maintenant vous devez rendre cette aide en participant à l'effort pour expulser les Américains d'Irak et de la région.
La famille Barzani, qui gouverne la partie kurde de l’Irak, est depuis longtemps vendue aux sionistes et aux États-Unis. Elle ne soutiendra certainement pas l’effort de résistance. Mais la demande de Nasrallah est très embarrassante pour le clan et pour Masoud Barzani personnellement.
Jusqu’à présent, je n’ai trouvé que cette réponse plutôt déroutante de sa part :
Nihad N. Arafat @NihadArafat - 7:44 UTC - Jan 13, 2020 La réponse du gouvernement régional du Kurdistan au discours immoral prononcé par Hassan Nasrallah, par l'intermédiaire de l'appareil antiterroriste, est un message clair du gouvernement régional à ces terroristes que la réponse aux terroristes doit passer par l'appareil antiterroriste.
En tant que chef militaire, Soleimani et Muhandis sont certainement remplaçables. Les milices qu’ils ont créées et dirigées continueront à fonctionner.
Mais les deux hommes ont également joué un rôle politique important en Irak et il faudra un certain temps pour trouver des personnes capables de les remplacer. Il est donc probable que la situation politique qui couve déjà en Irak va bientôt basculer, car les factions chiites vont commencer à se battre entre elles pour le choix d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau gouvernement.
Les États-Unis s’en réjouiront, car ils tenteront d’installer un candidat qui rejettera la décision du Parlement irakien de retirer les forces étrangères des territoires irakiens.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone