Huit États indiens se préparent à sévir contre la communauté Sikh


Par Andrew Korybko − Le 27 juillet 2019 − Source eurasiafuture.com

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Les médias indiens signalent que New Delhi a accordé à huit États l’autorité de faire usage de loi dénommée « (prévention des) activités illégales », pour contrer l’influence de la campagne pour un référendum « Sikhs For Justice » en 2020. La voie est ouverte à des mesures répressives importantes contre ce groupe religieux minoritaire, en amont du plébiscite de l’an prochain sur l’indépendance du Penjab.


Résultat de recherche d'images pour "Punjab"De sombres nuages s’accumulent en Inde au dessus de la campagne du référendum de 2020 Sikhs For Justice, visant à mener un plébiscite pacifique sur l’indépendance du Penjab, l’an prochain. Cette perspective affole New Delhi, qui craint que la Résolution révolutionnaire sikh d’Anandpur Sahib de 1973 ne gagne en popularité, et qu’elle puisse faire monter en puissance cette vision, qui est la plus crédible face aux fascistes Hindutva au pouvoir. L’État s’est donc pour l’instant employé à salir l’organisation ainsi que son avocat, Gurpatwant Singh Pannun, les décrivant comme des « terroristes soutenus par le Pakistan », mais cela n’a pas suffi à renverser la vapeur : le soutien populaire reste important, au Penjab et ailleurs. La censure des réseaux sociaux, appliquée par les grandes sociétés technologiques, ciblant le mouvement Khalistani, n’a pas fonctionné non plus, si bien que le ministre en chef du Penjab indien a récemment demandé le déploiement de cinq compagnies de forces de sécurité centrales ; voilà qui constitue un mauvais présage quant à la probable et crainte imposition de la « Loi (de pouvoirs spéciaux) sur les forces armées » [Armed Forces (Special Powers) Act – AFSPA] dans tout ou partie de cette région avant le vote de l’an prochain.

New Delhi est si préoccupée quant aux conséquences stratégiques d’une défaite dans cette bataille pour les cœurs et les esprits sikhs qu’elle vient donc d’accorder à huit États la permission d’appliquer la « Loi (prévention des) activités illégales » [Unlawful Activities (Prevention) Act (UAPA)], afin de contrer l’influence que porte la campagne Sikh For Justice (SFJ) pour le référendum de 2020 sur les communautés Sikhs. L’organe de presse indien « Economic Times » a cité un dirigeant anonyme du ministère de l’intérieur affirmant que « Cette notification ne s’applique qu’aux États peuplés d’une communauté sikhs significative, et où des organisations comme SFJ peuvent mentir et essayer de laver le cerveau de la communauté Sikh pour qu’elle soutienne le mouvement du Khalistan, par divers moyens », ce qui laisse à penser que des moyens bien plus musclés, en matière « légale », informationnelle – lire propagandiste -, et peut-être même relevant de l’usage de la force, seront utilisés dans la lutte désespérée du gouvernement pour contenir la popularité croissante de la cause Khalistani. Il suffit de voir le niveau de censure s’appliquant déjà sur les réseaux sociaux vis à vis des comptes soutenant le mouvement, ou le seront bientôt à d’autres ; le risque existe que le reste du monde ne soit pas très bien informé quant aux abus de l’État vis à vis de cette minorité religieuse, de quoi encourager le gouvernement à faire usage de moyens excessifs.

Pire encore, le fait que la communauté Sikh toute entière se retrouve ainsi pointée du doigt par cette campagne répressive confirme que l’État pratique désormais ouvertement une politique partiale contre elle, ce qui est secrètement le cas depuis la constitution de l’Inde, chose qui fut longtemps également le cas à l’égard de la communauté des centaines de millions de musulmans indiens et des minorités ethniques rétives du Nord-Est. Cette nouvelle approche entre sans aucun doute en contradiction avec les proclamations de l’Inde de constituer la « plus grande démocratie du monde », et démontre qu’elle se transforme plutôt en « prison » des nations qu’en « mosaïque » que l’État se targue de constituer. La plus grande différence entre le ciblage par l’État des Sikhs et celui des nombreux musulmans d’Inde et des minorités ethniques du Nord-Est est que les premiers ont formé des communautés de diaspora influentes en Occident, et qu’ils se trouvent donc mieux positionnés pour attirer l’attention du monde – au travers de ces diasporas dans les pays les plus influents du monde – sur leur détresse en Inde. En fait, c’est en partie parce que que le mouvement Sikh For Justice est basé aux USA que l’Inde les cible aussi cruellement, par crainte qu’ils ne puissent peser sur la politique américaine.

Il reste à voir jusqu’où ira l’Inde dans ces mesures de répression qui semblent escalader à l’encontre de la minorité religieuse sikh, mais il faut s’attendre à ce que soient connus, en fin de compte, tous les abus à venir. Contrairement à ce que semble penser l’État indien, les problèmes politiques ne peuvent pas trouver de solution au travers de solutions militaires, et toute réponse employant la force en réponse à la campagne du SFJ pour le référendum de 2020 engendrera inévitablement un fort retour de flamme, en galvanisant la communauté encore plus autour de son soutien à la cause Khalistani. L’Inde semble s’employer à faire exactement le contraire de ce qu’il faudrait pour désamorcer la crise, c’est à dire permettre le déroulement pacifique du référendum, puis en discuter le dénouement avec l’ensemble des parties concernées. Au lieu de prendre la responsabilité de ses propres insuffisances, qui ont inspiré la quête du Khalistan au départ, l’Inde double la mise et ne fait qu’empirer la situation en faisant craindre aux Sikhs qu’ils ne connaissent une répétition au XXIème siècle des tristement célèbres émeutes génocidaires qu’ils avaient subies fin 1984 : New Delhi ne fait ici que perdre les cœurs et les âmes.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par Vincent, relu par jj pour le Saker Francophone

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