Pourquoi l’armée US n’est (mal)heureusement pas préparée pour un conflit conventionnel majeur
Analyse écrite par l’équipe de South Front : Brian Kalman, Daniel Deiss, Edwin Watson
Seule une nation qui envisage d’envahir et d’occuper d’autres pays, et qui se retrouvera toujours dans un environnement hostile, aura besoin de tant de véhicules de transports blindés. Aucune autre armée majeure dans le monde n’a décidé de suivre ce nouveau modèle américain. C’est peut-être dû au fait que le principal devoir de leurs forces armées est de se défendre. Les armées de défense nationale n’ont pas besoin de se préparer à combattre une population autochtone hostile.
Sommaire
Armée US : état des lieux [1/3] Introduction et Contexte impérial
Armée US : état des lieux [2/3] Contre-insurrection et déboires de l’US Navy
Armée US : état des lieux [3/3] Catastrophe du JSF et Corruption institutionnelle
L’avion de chasse monoplace – « couteau suisse »
Après un bref examen de la décision de l’US Navy de tabler sur une seule structure d’avion pour remplir tous les rôles de la flotte aéronavale, il ne devrait guère surprendre que le Pentagone ait pris une décision similaire à une échelle beaucoup plus large.
Une étude sommaire de l’histoire de l’aviation de combat a montré qu’il n’existait pas de solution unique aux nombreuses fonctions assumées par l’aviation militaire. Il semble que la décision d’introduire un chasseur polyvalent utilisant de nombreuses nouvelles technologies – et fortement tributaire de la furtivité, pour être efficace dans la guerre aérienne moderne – pour équiper l’US Air Force, la Marine et le Corps des Marines était davantage une affaire de profits mirifiques pour l’industrie de la défense, et de création d’emplois pour les travailleurs américains, que la volonté de doter l’armée américaine d’un outil supérieur.
L’histoire du développement du Joint Strike Fighter (JSF) est le récit édifiant d’un programme de développement d’armes mal conçu et devenu rapidement incontrôlable. En plus d’être probablement le plus controversé et le plus scandaleux de ce type de programme, le JSF est aussi le plus coûteux dans l’histoire universelle. Les estimations récemment révisées du Pentagone évaluent à $406,1 milliards le coût de développement et d’achat des 2 056 chasseurs demandés par le Pentagone. Le coût total de l’achat et de l’entretien de ces appareils sur une durée de vie de vingt ans dépasse $1 500 milliards.
Alors que le F-35A a volé pour la première fois en 2006, la seule branche militaire américaine à avoir déclaré le F-35 opérationnel et à l’avoir [soi-disant, NdT] utilisé au combat est le Marine Corps. Le F-35 a été développé dès le départ pour être exporté vers les pays alliés, et Israël aurait utilisé le F-35 pour des frappes contre des cibles en Syrie. Il est important de noter qu’Israël s’est fortement appuyé, depuis plusieurs décennies, sur ses escadrons de F-15 et F-16, pour supporter le plus lourd tribut dans les missions de combat. Environ 300 unités de toutes les versions du F35 ont été produites jusqu’à présent pour l’armée américaine et les armées étrangères, mais seuls Israël et le Marine Corps ont déclaré que l’avion était prêt au combat. Le problème majeur du programme est le fait que la fabrication des aéronefs a commencé des années avant que l’appareil ne soit jugé apte à un déploiement opérationnel, en grande partie parce que de nombreuses défaillances ont été identifiées et doivent être corrigées. Cela résultait de la concurrence [entre services internes, pour non respect des processus de validation industriels normaux, NdT], un processus d’approvisionnement qui permettait la production de l’aéronef avant l’approbation finale de sa conception. Il a été convenu que toutes les anomalies identifiées seraient finalement corrigées et feraient l’objet, ultérieurement, d’une mise à niveau sur les avions déjà construits afin de les rendre conformes.
Non seulement le F-35 n’a pas obtenu le statut opérationnel définitif dix-sept ans après son premier vol, mais il a absorbé un financement exorbitant au détriment d’aéronefs existants et éprouvés au combat. Qu’est-ce qui aurait pu être fait pour maintenir et améliorer les escadrons existants des F-15 Eagles, des F-16 Fighting Falcons, des A-10 Thunderbolt II et des F/A-18 Hornets, actuellement dans des états divers de délabrement et d’utilisabilité ? L’idée de remplacer tous ces avions de première ligne par le F-35 est risible. Quel genre d’hubris impérial et de vision institutionnelle étroite aurait pu conduire à une décision aussi peu judicieuse ? La réponse est la corruption institutionnalisée et le gaspillage du complexe industriel militaire américain. Celui-ci continue à affaiblir les défenses des États-Unis et à envoyer des soldats, des marins et des aviateurs américains au combat avec des armes de moins en moins performantes.
Atrophie et épuisement
L’armée américaine est engagée dans une guerre de contre-insurrection en Afghanistan depuis plus de dix-sept ans. L’invasion désastreuse de l’Irak, la destruction de la Libye et les opérations de contre-insurrection dans de nombreux pays, notamment le Yémen, la Somalie, le Niger et le Nigeria, ont toutes pesé sur l’armée américaine. Non seulement une grande partie du matériel militaire a été détruit, mais ce qui reste est usé et doit pour l’essentiel être retiré du service. Plus important encore, les déploiements constants ont usé les effectifs de tous les services, des milliers d’hommes ayant été tués ou mutilés physiquement et psychologiquement à vie. Des dizaines de milliers d’officiers et sous-officiers, parmi les plus qualifiés, ont quitté le service, dont beaucoup ont servi de multiples missions au combat.
Le fait que 62% des F-18 de l’US Navy ne peuvent pas aller en mission n’est pas une anomalie. En 2017, environ 72% de tous les avions de l’US Air Force n’étaient pas aptes au vol. Beaucoup de structures d’aéronef sont assez vieilles, bien qu’encore en deçà de leur durée totale prévue en service, elles ont pour la plupart besoin de maintenance. La Marine et l’Armée de l’air affirment que leurs budgets respectifs ne sont pas suffisants pour se procurer les pièces de rechange nécessaires à la poursuite de l’utilisation de ces avions. On pourrait se demander pourquoi, si c’est le cas, des dizaines de milliards de dollars sont investis dans de nouveaux aéronefs alors que les flottes existantes sont délabrées. Les décisions qui sont prises aux échelons supérieurs du Secrétariat à la Défense sont assez déconcertantes pour les milliers de soldats, marins et aviateurs qui luttent pour que leurs armes et leurs véhicules restent prêts à l’action.
L’armée recherche des acheteurs pour les véhicules blindés MRAP excédentaires, véhicules de peu d’utilité dans une guerre conventionnelle majeure avec un adversaire à parité, tout en manquant de pièces de rechange et de munitions pour les véhicules blindés et les systèmes d’artillerie. L’armée a certes progressé dans l’acquisition des premiers 49 099 JLTV qu’elle souhaite, mais elle est très en retard dans tous les autres programmes d’achat et de développement de véhicules blindés. BAE a livré le premier lot de 29 AMPV à l’armée américaine pour des tests approfondis avant que la décision ne soit prise de démarrer la production initiale à faible cadence. Une fois que la décision sera prise, on estime que BAE sera en mesure de produire environ 262 unités par an, à moins d’agrandir l’usine principale de fabrication de la société en Pennsylvanie. Le contrat initial représente $1,6 milliard. L’armée de terre veut au moins 3 000 AMPV de six variantes principales différentes pour remplacer les milliers de véhicules blindés M113 encore en service. Le M113 a été mis en service pour la première fois en 1962 et il fallait remplacer le vénérable véhicule depuis des décennies.
Dans sa stratégie de défense nationale, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a clairement indiqué que les États-Unis devaient reconstruire leurs capacités de guerre conventionnelle. Le budget 2019 proposé par l’armée américaine expose les nouvelles priorités d’un service confronté à une transition majeure. L’achat de véhicules de combat à chenilles, ainsi que de munitions d’artillerie, de roquettes et de missiles représente une grande partie de cette dernière demande de budget. Les achats sont en hausse de 18,4% par rapport à l’année précédente, les achats d’armes et de véhicules à chenilles ont augmenté de 84% en un an. Bien que la mise à niveau de l’obusier automoteur Paladin M109 au niveau M109A7 soit en baisse de 56% par rapport à 2018, les achats de munitions pour l’artillerie de 155 mm ont augmenté de 800%.
Au moment où l’armée américaine tente de reconstruire ses moyens en brigades blindées et en artillerie conventionnelle, la marine américaine et l’armée de l’air font face à leurs propres défis. La marine se trouve dans une position loin d’être enviable, mais très facile à prévoir. Après avoir versé $38 milliards dans deux nouvelles catégories de navires de guerre abandonnés, et $13 milliards supplémentaires dans un nouveau porte-avions qui ne sera probablement pas opérationnel avant 2022, la Marine est en train de réaligner ses priorités. Elle peine à se procurer les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque SSN de classe Virginia et SSBN de classe Columbia, nécessaires pour assurer la viabilité de la triade de dissuasion nucléaire du pays dans un avenir proche. Ces programmes d’armement défensifs, qui font partie intégrante de la sécurité nationale des États-Unis, auraient pu grandement profiter des $50 milliards gaspillés pour les programmes LCS, DDG-1000 et Gerald R. Ford. La Russie et la Chine ont passé le temps perdu par la marine américaine à mettre à jour et à moderniser leurs propres forces sous-marines, principalement leurs sous-marins antimissiles balistiques.
Corruption institutionnelle
Si il fallait identifier la raison principale derrière l’échec total de l’establishment politique et du leadership militaire américains, civils et en uniforme, pour identifier et hiérarchiser les programmes d’armes et les achats qui correspondaient vraiment aux besoins de défense nationale du pays, ce serait la corruption institutionnelle du complexe industriel militaire américain. Ce n’est pas la faute de l’un des partis, mais le résultat inévitable d’un système complètement corrompu qui génère et gaspille une grande richesse au détriment de la majorité pour le profit de quelques-uns.
Des budgets de défense massifs ne conduisent pas à de puissantes forces militaires, ni à une bonne stratégie de défense nationale. Les États-Unis sont l’exemple le plus frappant de la façon dont la richesse d’une nation peut être gaspillée, ses citoyens spoliés pour des générations, et ses processus politiques minés par une industrie qui veut maximiser sa rentabilité en encourageant et en exacerbant les conflits. À ce stade, il est douteux que les États-Unis puissent rester économiquement viables sans guerre. Une part importante de leur PIB est donc lié à la poursuite des conflits.
Il ne fait aucun doute que le département de la guerre a été renommé département de la défense dans un tour de passe-passe orwellien en 1947, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le complexe militaro-industriel est devenu un monolithe pendant la guerre, et le seul moyen de justifier l’expansion du complexe consistait à trouver un ennemi qui justifierait à nouveau le besoin d’une énorme armée permanente, ce que la Constitution américaine interdit expressément. Cet état de fait illégal a persisté et s’est enflé en un immense édifice pourri de gaspillage. Effort gaspillé, richesse gaspillée et vie gâchée de millions de personnes dans tous les coins de la planète. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes courageux, en uniforme, et des millions de civils de tant de nations ont été écrasés par les rouages de ce hachoir à viande immoral pendant des générations.
Le président Donald Trump était très fier d’annoncer, l’année dernière, le budget militaire américain le plus important dans l’histoire du pays. Les États-Unis ont dépensé – ou plus exactement emprunté auprès de générations à venir – pas moins de $874,4 milliards. Le budget de base déclaré pour 2017 s’élevait à $523,2 milliards. Cependant, il faut également tenir compte du budget des opérations contingentes à l’étranger, et de leur soutien, pour déterminer le coût total. Les coûts annuels totaux du Pentagone ont doublé de 2003 à ce jour. Pourtant, qu’est-ce que celui-ci a vraiment accompli avec autant d’argent et d’efforts ? Pour sûr, très peu d’avantages pour le contribuable américain, et paradoxalement, le gaspillage exorbitant de ces quinze dernières années a affaibli toutes les branches de l’armée américaine.
Le Congrès américain a le devoir et la responsabilité de régenter l’aventurisme militaire du pouvoir exécutif. Il a l’unique autorité pour déclarer la guerre, mais plus important encore, l’unique autorité pour approuver les demandes budgétaires de l’armée. Il est risible d’imaginer que le Congrès américain fera tout pour contrôler les dépenses militaires. Le Congrès et le Sénat sont tout aussi coupables que l’exécutif de promouvoir et de tirer profit du complexe militaro-industriel. Considéré comme un rempart contre le pouvoir exécutif, le Congrès américain fait désormais partie intégrante de ce complexe. Aucun sénateur ou représentant n’oserait s’opposer à l’industrie qui emploie tant d’électeurs dans son pays, ni laisser passer les avantages qui lui sont offerts par le biais du délit d’initié légalisé – qui lui est exclusif – ou les emplois lucratifs qui les attendent dans l’industrie de la défense et les nombreux groupes de réflexion qui encouragent la poursuite des guerres.
Réformes possibles
Il serait très simple pour le département de la défense des États-Unis de remédier aux problèmes endémiques actuels qui l’ont affaibli et moins préparé à un conflit conventionnel majeur avec un adversaire à parité. Le plus grand défi consiste à transformer les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des États pour qu’elles redeviennent celles prévues par la Constitution, et à dissoudre les pouvoirs de l’alliance actuelle, au sein du gouvernement fédéral, de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Cela compromettrait la capacité du complexe militaro-industriel de contraindre la nation à œuvrer contre les intérêts des États et des citoyens. Le complexe militaro-industriel et l’État profond qui le sert ne peuvent exister que lorsque le pouvoir est fortement concentré dans un système fédéral.
Pour asseoir encore l’argument, si l’on pouvait trouver la volonté politique de lutter contre le complexe militaro-industriel dans l’intérêt de la vraie défense nationale et de la responsabilité fiscale, les mesures suivantes pourraient être prises immédiatement pour remédier aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés les services armés des États-Unis.
L’US Army
Abandonner l’obsession de l’armée américaine avec la contre-insurrection et l’occupation et focaliser l’effort de l’armée sur la défense de la patrie et d’une poignée d’alliés historiques. Reconstruire l’armée comme une force de combat conventionnelle légère mais bien équipée. Les cadres les plus formés et les plus expérimentés des forces d’opérations spéciales devraient être conservés, les autres membres étant répartis dans des unités d’infanterie, aéroportées et de reconnaissance plus conventionnelles. La plupart de ces hommes seraient transférés dans la réserve. Le personnel devrait être réduit d’au moins 25%, la majorité des personnes conservées passant au statut de réserviste et beaucoup des nombreuses bases et opérations à l’étranger devraient être supprimées. L’accent devrait être mis sur la défense des territoires nationaux, tout en préservant les intérêts économiques et les voies du commerce maritimes qui sont vitales pour toute nation.
Tous les systèmes hérités qui se sont révélés capables et efficaces sur le champ de bataille moderne devraient être rénovés et mis à niveau aux normes les plus modernes. Le programme de modernisation du char M2 Bradley doit être poursuivi et le programme AMPV doit bénéficier d’une priorité accrue afin que les milliers de véhicules M113 puissent enfin prendre leur retraite à 56 ans. Les inventaires MRAP doivent être réduits au minimum et tous les excédents vendus pour récupérer une partie de leur coût, et utiliser le reste pour compenser les coûts d’achat des nouveaux AMPV et JLTV.
La plate-forme JLTV est un système tactique léger modulaire et facilement évolutif pour être adapté à la mission. Bien que la plupart des véhicules devrait être constituée par la version de base, il faudra en acquérir beaucoup d’autres pour remplir les rôles de reconnaissance blindée légère, de sécurité des convois et de véhicules légers d’opérations spéciales. Un véhicule de combat blindé aéroporté largable devrait être mis au point sur la base du JLTV. Les forces aéroportées américaines ont manqué d’un vrai véhicule de combat blindé qui puisse les accompagner dans les opérations de parachutage depuis la mise hors service du M551 en 1996. Un JLTV blindé équipé d’un canon automatique de 30 mm servirait de bon palliatif en attendant la réalisation d’un véhicule à chenilles spécialement conçu à cet effet. Le vénérable et omniprésent HMMWV devrait conserver son rôle utilitaire dans toutes les formations hors combat, ainsi que pouvoir porter le système de missiles antiaériens légers Avenger dans les années à venir.
Le plus important est le rajeunissement des unités blindées et mécanisées de l’armée américaine. La famille de véhicules blindés à roues Stryker M1126 ne peut supporter le poids d’un conflit classique avec la Russie ou la Chine. La mise à niveau du char M1A2SepV3, y compris l’ajout du Trophy APS, devrait bénéficier d’un financement adéquat, mais le plus grand besoin de l’armée de terre est le remplacement du M113 dans les unités de combat. L’achat de 3 000 unités d’AMPV proposé par l’armée américaine est un bon début.
La composante d’artillerie de l’armée américaine doit attirer l’attention qui lui manquait depuis la dissolution de l’Union soviétique et le succès de l’opération Desert Storm. Les planificateurs militaires américains et les dirigeants du Pentagone doivent prendre conscience de l’importance permanente de l’artillerie conventionnelle et des roquettes sur le champ de bataille moderne. L’armée américaine n’opère que deux systèmes d’artillerie automoteurs, le Paladin M109 et le M270 MLRS. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose tant que les deux systèmes sont maintenus, mis à niveau, et délivrés en nombre suffisant. Le programme de mise à niveau M109A7 doit bénéficier d’un financement plus important dans l’avenir immédiat.
L’US Navy
Les programmes LCS et DDG-1000 sont une honte nationale et doivent être déclarés comme tels. Les deux DDG-1000 existants devraient servir de bancs d’essai pour les futurs systèmes d’ingénierie et d’armement. Le troisième navire devrait être annulé immédiatement. En ce qui concerne le LCS, la flotte existante devrait être utilisée pour des tâches de patrouille littorale et toutes les unités en construction ou prévues devraient être annulées. On a gaspillé assez d’argent pour ces exemplaires horriblement conçus, et encore plus horriblement manifestes de la corruption monumentale et du gaspillage qui font partie intégrante de l’industrie de la défense américaine.
Le programme FFG (X) visant à concevoir une frégate polyvalente à la fois moderne et conventionnelle pour la marine américaine devrait être pleinement adopté. La nouvelle frégate devrait adhérer aux fonctions de guerre navale traditionnelles d’une frégate et devrait être conçue pour remplir suffisamment bien les missions de guerre au sol, de guerre antiaérienne et de surface. Parallèlement, la priorité devrait être accordée à l’achat du nouveau DDG-51 Arleigh Burke Flight III. L’Arleigh Burke est la colonne vertébrale de la marine américaine depuis son entrée en service. Il s’agit d’un combattant naval bien conçu, équilibré, flexible et puissant, d’un tonnage important. Il fait honte à tous égards au LCS et au Zumwalt et constitue depuis 1991 un symbole du pouvoir et de la présence de la marine américaine sur toute la planète.
Il est presque inconcevable qu’avec, à son actif, le passé le plus riche et le plus accompli dans la production de porte-avions, la marine américaine ne puisse pas proposer une meilleure conception pour la prochaine génération de porte-avions que la classe Gerald R. Ford. Peut-être le nom du vaisseau principal de la classe a-t-il été bien choisi, car le président Ford éponyme est loin d’être une figure mémorable. Cependant, la pertinence de l’ensemble du programme depuis sa création doit être remise en question. La marine américaine doit dépasser son obsession du « super porte-avion ». Les porte-avions ont un avenir, mais sur un modèle bien différent de celui utilisé par la marine américaine au cours des 50 dernières années.
Le principal sujet de préoccupation de la marine américaine est la faiblesse de la flotte aérienne embarquée, une faiblesse qui ne sera pas fondamentalement corrigée par l’introduction du F-35 dans la marine américaine et le corps des marines. Un nouvel avion de défense de flotte à longue portée, semblable à un Tomcat F-14 moderne, doit être mis au point. De plus, un nouvel avion d’attaque doit être développé avec une portée qui double celle du F-18 Super Hornet. Il est difficile de croire que le F-4 Skyhawk avait un rayon de combat opérationnel supérieur à 1 300 km (3 700 km au maximum), soit le double du Super Hornet. En outre, le S-3 Viking doit être réaffecté en tant que ravitailleur, et les nombreux avions à présent dans la naphtaline, mais avec des milliers d’heures d’utilisation restantes, doivent être réaffectés à cette tâche. La flotte aérienne actuelle du porte-avion, même avec l’introduction du F-35, est peu utile contre des adversaires tels que la Russie ou la Chine.
Les États-Unis doivent acquérir un SSN et un SSBN pour remplacer les navires de la classe Los Angeles et de la classe Ohio qui approchent de la fin de leur vie utile. Il n’y a pas de rôle défensif plus important pour la marine américaine que garantir la sécurité de la nation en maintenant ses forces sous-marines de défense antimissile balistique. La Russie et la Chine le comprennent bien et ont considérablement modernisé leurs propres forces sous-marines. Une grande partie de leur succès, en repoussant les limites de la conception des sous-marins, est due à la concurrence féroce avec une force américaine toujours à la pointe de la guerre sous-marine.
Conclusion
Les États-Unis sont à la croisée des chemins, et l’armée de la nation également. Tous les empires connaissent une période de sur-expansion militaire, économique et politique provoquant un déséquilibre. Les États-Unis ont suivi les traces de nombreuses tentatives impérialistes avant eux, avec apparemment peu de leçons retenues. L’impérialisme est le résultat inévitable d’un pouvoir dépourvu de sagesse et d’humilité. Une nation issue d’une révolution contre l’empire et l’absolutisme est devenue elle-même un avatar beaucoup plus dangereux et immoral que son ancien oppresseur. Cela doit changer.
Même si le secrétaire à la Défense, Mattis, a clairement reconnu la nécessité de transformer l’armée américaine et de la réorienter dans une direction plus axée sur la lutte et la victoire dans un conflit conventionnel avec des adversaires à parité qu’il a identifiés, la Russie et la Chine. On ne peut qu’espérer qu’il se rende compte de l’état déplorable dans lequel se trouve maintenant l’armée américaine dans laquelle il a servi pendant des décennies. Le plus grand ennemi contre lequel l’armée américaine se soit battu au cours des soixante-dix dernières années est sans aucun doute le complexe militaro-industriel dont il est partie intégrante. L’Union soviétique, la Corée du Nord, le Vietnam, la Yougoslavie, l’Irak, la Somalie, l’Afghanistan, le Yémen, la Libye et la Syrie n’ont jamais autant menacé les forces armées américaines que le complexe industriel militaire corrompu et l‘État profond qui en est le gardien
L’armée américaine est dans l’état le plus faible, en matière de force matérielle et de disponibilité opérationnelle, qu’elle ait connu depuis la fin de la guerre froide. Les forces terrestres conventionnelles de l’armée ont été transformées en une force axée sur l’occupation et la contre-insurrection. Ses formations blindées lourdes sont dans un état de délabrement et d’infériorité matérielle vis-à-vis de ses adversaires théoriques les plus compétents. La pierre angulaire de la projection du pouvoir américain et de l’intimidation, les groupes de frappe de porte-avions, ne sont que l’ombre triste de ce qu’ils furent. La flotte aéroportée, la raison principale pour laquelle un porte-avions existe, a été transformée en un outil de moins en moins utile, avec une portée de plus en plus réduite.
Le système militaro-industriel corrompu qui imprègne tous les aspects de la vie économique, politique et même culturelle du pays, a aspiré la force vitale de la nation, érodé sa moralité, mis en faillite son avenir économique et trompé une génération de ses fils et filles les plus patriotes et les plus désintéressés. Bien que James Mattis reconnaisse les défis auxquels est confrontée la sécurité nationale des États-Unis, il se trompe complètement dans son blâme et identifie de manière erronée le véritable adversaire. La Russie et la Chine ne constituent pas une menace existentielle pour le bien-être de l’État américain. James Mattis n’a qu’à se regarder dans le miroir pour voir la véritable menace, car il en est venu à représenter la cabale des intérêts particuliers qui asservissent la nation et la constitution qu’il s’est engagé à servir, et qui tient aussi le reste du monde en otage.
Il y a peu de chance que les réformes mentionnées dans cette analyse soient adoptées ou que les États-Unis se dirigent dans une direction qui les ramène aux origines de la république constitutionnelle. Les intérêts du complexe militaro-industriel dans la promotion des conflits et la maximisation du profit financier continueront de guider les forces armées des États-Unis et le pays dans son ensemble dans une impasse autodestructrice. Il ne fait guère de doute que si l’État profond pousse la nation à faire la guerre à la Russie ou à la Chine, et probablement à une alliance des deux, l’armée américaine sera toujours dans une position plus faible. Un tel conflit ne profiterait à aucun des pays concernés. Il existe pourtant de nombreuses sources potentielles de conflit pouvant mener à une déflagration, notamment en mer de Chine méridionale, en Syrie ou en Ukraine. Alors que les États-Unis jouent à essayer de rattraper leur retard après des décennies d’aventurisme militaire, la Chine et la Russie ont passé le même temps à rassembler patiemment et judicieusement leurs forces. Le scénario d’une victoire unilatérale des États-Unis est une pure fantaisie, n’existant que dans les rêveries de l’empereur nu.
Analyse écrite par l’équipe de South Front : Brian Kalman, Daniel Deiss, Edwin Watson
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
Ping : Ukraine – Porochenko a provoqué un conflit avec la Russie pour obtenir des pouvoirs dictatoriaux – Il a échoué – Le Saker Francophone – DE LA GRANDE VADROUILLE A LA LONGUE MARGE