Par Mikhail Khazine − 18 juin 2015
Je rappelle que dans la crise qui a précédé la Grande Dépression, le système financier américain s’était effondré. Ce sont les mêmes logiques aujourd’hui, mais cette fois à l’échelle mondiale. Voilà un premier problème fondamental. Les premiers à l’avoir compris sont les «financiers» car évidemment ils connaissent l’état RÉEL de leurs bilans. Ce n’est que dans leurs rapports publics et pour la presse économique qu’ils nous disent être tous en bénéfice net. Mais dans leur état réel, ils savent bien qu’ils subissent de lourdes pertes et les «financiers» ont donc essayé d’achever la réforme de Bretton-Woods en 2011, c’est à dire de faire ce qui n’avait pas été fait en 1944. Ils ont décidé d’établir une monnaie mondiale DISTINCTE du dollar et un régulateur, lui aussi DISTINCT du système de la FED américaine, une institution qui aurait été transnationale. La décision avait été prise d’établir une Banque centrale des banques centrales, sur base du FMI. Fondamentalement il s’agit d’une réédition du schéma appliqué en 1913, quand a été établi le système de la Réserve Fédérale à l’échelle des États-Unis. Les «financiers» ont voulu refaire cela, mais à l’échelle mondiale.
Mais il y avait un gros problème. Cela aurait en pratique empêché les États-Unis d’émettre du dollar américain de manière autonome, car ils auraient alors été mis sous la tutelle d’un régulateur monétaire transnational : la Banque centrale des banques centrales.
À ce moment absolument critique, l’administration américaine a organisé l’affaire Strauss-Kahn. C’était au début de l’été 2011. La raison de l’affaire Strauss-Kahn est toute simple. Il fallait expliquer au FMI que les États-Unis ne permettraient pas la réalisation d’un tel projet. Il ne s’agit pas de Strauss-Kahn en tant que personne, c’était seulement un exécutant sacrifié. À ce moment a eu lieu, et c’est absolument capital, la fragmentation de l’élite occidentale et donc mondiale, unifiée depuis 1945 car il est devenu clair qu’il n’y a que DEUX scénarios possibles. Je rappelle : sauver la finance globalisée en détruisant au passage l’économie américaine ou sauver l’économie américaine en démantelant la finance globalisée.
Je ne vais pas entrer ici sur la question de savoir si la réalisation même de ces plans est possible. Est-il possible de sauver l’économie américaine, et que signifie exactement «sauver» ? Idem sur la question de la possibilité de sauver la finance globalisée. Il est important de comprendre qu’il s’agit des deux grandes factions de l’élite occidentale et qu’elles ne peuvent pas se mettre d’accord, comme avec l’URSS et les États-Unis vers la fin de la Guerre froide. Un seul restera et éliminera l’autre.
Et ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une opposition frontale entre ces deux factions qui, à son tour, induit des fractionnements à travers toutes les classes dirigeantes de la planète. Si la faction qui veut le sauvetage de l’économie américaine aux frais de la finance, qu’on pourrait surnommer les «isolationnistes», gagne les élections américaines de novembre 2016, les États-Unis devront alors faire leur retraite de toutes les régions du monde et ne plus consacrer leurs ressources à leur contrôle. Rappelez-vous de ce qui se disait en URSS avant la chute : «On en a assez d’entretenir les parasites de la périphérie.» C’est la même logique qui est à l’œuvre aujourd’hui aux États-Unis. Que doivent-ils faire pour leur retrait ? Permettre la création de grands pôles de puissance régionaux et/ou continentaux, avec qui ils négocieront leur retrait et qui seront responsables de leurs zones d’influence. Et nous voyons que le Secrétaire d’État John Kerry est très favorable à la Chine, et est aimable même avec l’Iran. Ce sont certains des pôles de puissance à venir.
L’autre faction majeure de l’élite occidentale, avec à sa tête le prédécesseur de Kerry, Hillary Clinton, est plutôt favorable à l’Arabie saoudite et à Israël, ennemis de l’Iran. Qu’est-ce qui différencie l’Iran de l’Arabie saoudite ? On penserait que leurs fondamentaux sont proches. Eh bien, l’Iran a été sous sanctions pendant 35 ans, mais il a procédé à une accumulation de puissance et a une économie autosuffisante. C’est un pays qui peut exister indépendamment des États-Unis. Israël et l’Arabie saoudite, sans soutien américain permanent, ne survivront pas longtemps. Ils ont besoin d’argent, de technologies, de soutien politique ou alors tous seuls, ils s’effondreront. Ce sont de grandes différences. En ce qui concerne la Chine, une partie de l’élite occidentale considère qu’il faut lui donner sa zone d’influence et ne pas l’ennuyer. L’autre partie considère qu’il faut l’affaiblir au maximum, car elle est devenue bien trop puissante. Nous voyons qu’aux États-Unis, se renforce considérablement la faction qui essaye de rompre le cordon ombilical qui lie économiquement la Chine et les États-Unis.
Dans les années 1980, pour stimuler la «révolution» des technologies de l’information, on n’a pas seulement prêté massivement aux gens. On leur a aussi donné des biens de consommation bon marché. De manière simplifiée : au lieu qu’un Américain achète des jeans made in USA à $100, on lui a vendu des jeans chinois à $20. Les $80 ainsi gagnés sont allés au remboursement des emprunts avec lesquels il s’était acheté les gadgets des technologies de l’information. En conséquence, si les USA venaient à casser aujourd’hui leurs liens avec la Chine, ils seraient obligés de produire de nouveau eux-même des quantité de biens courants, et alors les gens n’auraient plus d’argent pour acheter les gadgets technologiques.
Que faire ? Il faut remplacer la production chinoise bon marché par de la production bon marché venant d’ailleurs en Asie. C’est l’origine du Marché Trans-Pacifique (TPP) excluant la Chine, que les Américains essaient d’imposer. Parallèlement, il ne faut pas permettre à la Chine d’être autosuffisante. Aujourd’hui la Chine n’est pas autosuffisante, car si elle ne vend pas aux États-Unis, elle s’effondrera rapidement. La crise actuelle en Chine est due au fait qu’elle vend beaucoup aux États-Unis, or cette demande chute constamment. Donc il ne faut pas permettre à la Chine d’atteindre de nouveaux marchés. Le seul marché majeur, non encore partagé du point de vue des États-Unis et de la Chine, c’est l’Europe. La Chine, elle, avance vers l’Europe par son projet de Nouvelle Route de la Soie. Que font les États-Unis ? Ils amènent le chaos et des cataclysmes sur le chemin de la Nouvelle Route de la Soie.
La crise et la guerre en Ukraine s’inscrit dans ce cadre. Après, le Turkménistan et les autres pays d’Asie centrale pourraient suivre. Dans ces pays sont apparues des organisations ayant prêté allégeance à État Islamique. D’un autre côté, les États-Unis comprennent qu’une partie des industries délocalisées devra tout de même être rapatriée de Chine. Pour qu’il soit possible de vendre aux gens moins cher, il est indispensable d’avoir des marchés supplémentaires.
Quel serait dans le cas des États-Unis le marché optimal ? C’est l’Europe, d’où la poussée des États-Unis avec le Grand Marché Transatlantique. Beaucoup en Europe y sont opposés. Nous voyons que dans l’Union européenne, une partie de ses classes dirigeantes s’y oppose. Elles sont mêmes prêtes, si nécessaire, à lancer la désintégration de l’Union européenne. La Grande-Bretagne, par exemple, pose un véritable ultimatum, qui dit : si l’Accord du Grand Marché Transatlantique passe, alors le Royaume-Uni sort de l’UE [‘Brexit’ en juin 2016, NdT].
La réponse américaine n’a pas tardé. Dès que David Cameron a lancé le débat sur le Brexit, la presse-système a immédiatement révélé qu’il serait drogué et amateur de pratiques sexuelles déviantes, mais tout le monde comprend que Cameron n’agit pas de sa propre initiative personnelle. Ceux qui décident réellement des orientations stratégiques sont la Reine et son entourage. Et là, la même presse aux ordres a publié un vieux cliché de la Reine Elizabeth à 4 ans, quand son oncle était Roi, pas son père, mais bien son oncle. Je rappelle qu’en 1936, le partisan d’un rapprochement avec Hitler, Edouard VII, a été écarté de la Couronne d’Angleterre. Il a abdiqué en faveur de son frère, le père d’Élisabeth II, et voici comment elle est devenue Reine. Elle était d’une branche secondaire de la famille régnante. Donc, la presse a publié une photo de la petite Élisabeth de 4 ans faisant le salut fasciste. Nous voyons donc une violente bataille au niveau des élites.
Revenons plus proche de nous. Je ne sais pas si quelqu’un a remarqué qu’un nombre sans cesse croissant de publications occidentales majeures ont commencé à attaquer violemment Poutine. À la Maison Blanche, ils ont commencé à dire que Poutine est un corrompu. À Londres, ils ont ressorti la vieille affaire du meurtre de Litvinenko en 2006 ; sans doute qu’ici, vous avez même oublié qui est Litvinenko, mais je peux vous raconter les détails de l’affaire. Vous savez sans doute par contre qui est Berezovsky [oligarque vedette des années 1990 proche de Boris Eltsine, mort en exil à Londres, NdT]. Lorsque l’on m’a demandé ce que je pensais au sujet de l’affaire Litvinenko, j’ai répondu avec l’image suivante : lorsque des gens prennent chez eux un chien pouilleux, il ne faut point s’étonner que tous ceux qui sont dans la maison se mettent à se gratter. De deux choses l’une : soit vous (les Anglais) réglez le problème des poux, soit vous ne prenez pas le chien de Berezovsky et ses «casseroles». Quand la Grande-Bretagne a admis Berezovsky sur son territoire, un escroc notoire, un voleur et le commanditaire de meurtres – tout cela est prouvé – elle a alors accepté de fermer les yeux sur toutes les bêtises et autres affaires liées à Berezovksy et à ses amis proches ou lointains. Litvinenko était un homme de Berezovsky, les Anglais ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Revenons-en à Poutine. Pourquoi donc cette violente et systématique campagne médiatique ? Eh bien, contrairement à la situation des années 1990, où la Russie de Eltsine entrait dans le moule de l’ordre occidental, sans conditions, «vos désirs sont des ordres» aurait dit Eltsine à ses patrons occidentaux, la situation a changé dans les années 2000. La première fois, c’était lors du discours de Poutine à la Conférence sur la sécurité de Munich en 2007, la deuxième fois en 2008 quand la Russie a repoussé la Géorgie qui avait attaqué les casques bleus russes. Ce durcissement est allé crescendo et la tension a atteint son paroxysme avec la crise en Ukraine de 2014. À ce moment, la fraction oligarchique occidentale dominante à l’échelle planétaire, qui est la finance transnationale et qui cherche à contrôler directement l’entièreté du globe et de ses ressources, ces forces ont décidé qu’il fallait se débarrasser de Poutine.
En 2012, en Russie, il y a eu les manifestations de la place Bolotnaya, où on a tenté, sans succès, de faire sortir les gens dans la rue. Le niveau de détestation de Poutine par ces élites est très élevé, ensuite sont entrées en jeu les sanctions et autres futilités analogues. Mais une chose très importante est absolument décisive ; c’est que Poutine, jusqu’en 2013, était presque entièrement isolé. La Chine lui a proposé un rapprochement mais en Russie, dans les classes dirigeantes, il y a peu de gens qui savent dialoguer avec la Chine. Nous ne les comprenons pas bien, et nous les craignons d’une certaine façon et ce n’est pas seulement notre cas. Il est possible de travailler avec eux, mais pour cela, une autre conception de la vie est nécessaire.
Dans cette situation, l’élite financière mondiale, les «financiers» ont cru que Poutine ne tiendrait pas longtemps, que sa chute n’était plus qu’une question de temps, vu qu’il ne pouvait pas rester isolé longtemps. Il a été par exemple chassé du G8. Au G20, on a feint de l’ignorer, pas toujours de manière convaincante d’ailleurs. Et ainsi de suite. Et à ce moment, contre toute attente, on s’est aperçu que Poutine avait commencé à établir des passerelles avec les forces qui représentent le courant «isolationniste» [anti-globaliste dans la terminologie russe, NdT]. Nous voyons comment le candidat à la présidence des États-Unis, Trump, dit qu’il est indispensable d’avoir des bonnes relations avec la Russie de Poutine. Nous voyons comment le Premier ministre de la Hongrie, Orban, dit qu’il faut être amis avec Poutine. Nous voyons comment Marine le Pen, candidate majeure à la présidentielle en France, dit qu’il faut être amis avec Poutine [ainsi que Fillon, NdT]. Au niveau des classes dirigeantes occidentales, on comprend que le monde change. Poutine commence à gagner des alliés de premier plan.
Et pour contrer ces évolutions, cette campagne de diabolisation de Poutine a été lancée. Si vous observez qui, parmi des dignitaires de haut rang, s’est rendu en visite chez Poutine après cette campagne médiatique, il y a au le Premier ministre de la Bavière qui est le numéro deux dans le parti CDU de Merkel, le dirigeant de l’Autriche, l’éminence grise de tant d’administrations américaines, Henry Kissinger [et même Sarkozy, NdT]. Nous voyons que l’attaque contre Poutine a été provoquée par l’apparition de cette fraction dissidente des classes dirigeantes occidentales seulement en 2011, il y a à peine 5 ans. Cette faction se renforce très activement. Et si elle réussit à prendre le pouvoir aux États-Unis en novembre de cette année, nous verrons que cette force occidentale derrière les révolutions oranges chez vos voisins en Ukraine, derrière les tentatives de rattacher la Moldavie à la Roumanie, va commencer à reculer très rapidement et perdre son pouvoir.
Il faut comprendre que l’année 2016 est, comme on disait en URSS de l’année 1934, que 2016, c’est l’année de la Grande Rupture. Il est probable que cette année là, le monopole mondial de cette oligarchie occidentale à prétention hégémonique s’est cru autorisé à écraser n’importe quel récalcitrant, par n’importe quel moyen et, en termes de récalcitrant, comprenez-bien que votre république de Transnistrie, c’est le Donbass de 1992. Le mécanisme du soulèvement du Donbass en 2014 est le même que celui qui a eu lieu en 1992, ici en Moldavie. Sous pression extérieure occidentale, un changement de politique a été imposé et il s’est trouvé un groupe de gens qui ont dit non. Il s’est passé la même chose en Crimée et dans le Donbass, à la différence près qu’en Crimée, 96% des gens étaient pour. C’est pour cela que tout est allé rapidement, alors que dans le Donbass, on parle de 55% clairement pour, beaucoup d’autres étant indécis en 2014. Et aujourd’hui nous voyons qu’à Kharkov, en Ukraine de l’Est, et cela rend Kiev fou de rage, après tout ce qui s’est passé, la fraction de la population voulant quitter l’Ukraine a augmenté à 80%, voire 90%. Chez vos voisins d’Odessa, je pense que vous savez mieux que moi l’avis de la population.
Il y avait une époque où rien ne semblait pouvoir stopper l’Occident et sa prétention hégémonique. Personne ne comprenait comment enfin la contrecarrer. Aujourd’hui on comprend, à l’échelle stratégique, que l’Occident a perdu. Il est en train de craquer car, économiquement, le maintien de la finance globalisée et de tout ce qui vient avec, n’est structurellement pas possible. Elle est en crise profonde, elle est condamnée. Est-ce que Trump et les «isolationnistes» gagneront aux États-Unis ? Difficile à dire, je pense que c’est probable. Même tableau pour l’Union européenne. L’Union européenne est aujourd’hui dans la même situation que l’URSS en 1990. Il est clair aujourd’hui que l’Espace Schengen, c’est bientôt fini. Après, sans doute ce sera le tour de l’UE elle-même. Pourquoi ?
Il faut comprendre que l’UE se concevait et s’élargissait dans les conditions de la croissance économique rapide des années 1990. D’où est venue cette croissance rapide ? En s’emparant des marchés que contrôlait auparavant l’URSS. Comme je le disais auparavant, Airbus et Boeing ont augmenté d’une fois et demie leur marché d’un seul coup au détriment de l’URSS, et cela a été observé dans tous les domaines. En digérant cette zone, ils ont obtenu énormément de ressources excédentaires d’un seul coup et ils ont ainsi pu acheter la loyauté de leurs populations et celle des pays absorbés par l’expansion de l’UE. Ils leurs disaient en substance : «Les gars, nous allons vous donner plein d’argent», par le biais de divers programmes d’infrastructures, de la BERD (Banque européenne de reconstruction et du développement) notamment, par la construction de routes, par le crédit à la consommation accessible, etc.
Même si, en réalité, le niveau de vie des populations des anciens pays socialistes s’est effondré, le nombre de sans-abri dans les pays d’Europe de l’Est, par rapport à ce qu’il était à l’époque des démocraties populaires, a littéralement explosé. Mais, malgré tout, une classe de nouveaux riches est apparue, à fond pour l’occidentalisation dont elle profitait directement. Parallèlement, une propagande de masse s’est déchaînée contre l’ancien «ordre socialiste» et son «oppression» souvent fantasmée. Dans notre cas russe, je vois la différence entre maintenant et avant, et j’en conclus que globalement, en URSS, on vivait mieux qu’aujourd’hui en Russie. Du moins, sous de très nombreux aspects. La vie était plus calme, elle était plus prévisible. On savait que les enfants pourraient accéder aux études supérieures. On pouvait se faire soigner gratuitement à la polyclinique. En Russie, il n’y a plus de politique de santé. Si quelqu’un est vraiment malade, il lui sera presque impossible de se soigner.
Voici l’exemple d’une amie, chez qui on a décelé un cancer. On lui a dit : «Vous devez vous faire opérer. Si c’est dans le courant du mois, vous allez sûrement vous en remettre, par contre si vous tardez, deux, trois mois là ce sera fini.» On l’a donc mise en priorité sur la liste des soins gratuits dans les deux semaines. Peu après, on l’a appelé pour dire : vous savez la situation ici a changé. Nos financements ont été réduits. On a décalé d’un mois la date de votre opération. Prise d’horreur, elle a dit : vous plaisantez, si on ne fait pas l’opération avant, je vais mourir. Les bureaucrates n’ont rien voulu savoir. Nous avons reçu de telles instructions d’en haut, point. Des gens comme vous on en a 200. Les financements couvrent les frais de 50 personnes, donc ce mois-ci, c’est absolument impossible en ce qui vous concerne. Mais venez tout de même chez nous, on trouvera peut-être une solution. Elle est allée au cabinet, une dame anonyme lui a chuchoté discrètement : «Ce sera trois cents mille. Vous mettez sur la table trois cents mille roubles [2000 euros, NdT] et l’opération se fera demain.» Voici, un exemple de notre système de santé actuel.
Pour en revenir à l’UE, son problème principal est que, du fait de son hyper légalisme typiquement libéral, toutes les relations sont codifiées juridiquement et le droit européen qui prime sur le droit national est obligatoire dans toute interaction entre États. En URSS, il n’y avait que quinze républiques et tous les accords étaient passés avec le centre, c’est-à-dire Moscou. C’était bien plus clair. Dans l’UE, avec ses 28 pays, il y a des accords entre chaque paire de pays, portant sur les échanges par exemple, sur des marchés dans différents domaines d’activités. Il y a des accords bien plus complexes entre des groupes de trois, quatre, cinq pays, dans différentes configurations. Il est extrêmement difficile de gérer et de faire fonctionner tout cela. Il y a énormément d’accords allant dans tous les sens et le plus important, c’est qu’il est en pratique impossible de les appliquer, car les ressources manquent pour forcer leur application.
On parle d’une Union européenne où, si tu ne remplis pas tes obligations, tu subis tout de suite des pénalités. En URSS, c’était bien plus simple. Les Premiers secrétaires du Parti dans les républiques disaient à Moscou : «Si vous ne remplissez pas vos obligations, nous ne remplirons pas les nôtres, point.» Et l’URSS s’est écroulée. Dans le cas de l’UE, c’est une agonie bien pire qui est en perspective. Le seul moyen d’y échapper, c’est d’éliminer purement et simplement l’appareil bureaucratique monstrueux de l’UE, c’est-à-dire in fine l’UE elle-même. Nous voyons que l’Accord Schengen est partiellement supprimé. Nous sommes dans une situation où l’UE n’a aucune issue en réalité. Ils réfléchissent en réalité déjà à comment divorcer, mais à l’amiable.
D’après ce que je crois comprendre, l’UE sera de facto divisée en deux, entre une «zone blanche» et une «zone noire». La «zone blanche» sera celle des «pays riches» pouvant placer beaucoup d’argent dans la lutte contre la crise, principalement l’Allemagne, la France, etc. Pour eux, les accords s’appliqueront toujours. Les autres serons sommés de mettre des sommes vertigineuse dans ce fonds, faute de quoi ils se verront exclus et sanctionnés. Les accords de l’UE ne s’appliqueront plus à eux, jusqu’à ce qu’ils acceptent de contribuer et, s’ils sont récalcitrants, ils seront exclus définitivement. La construction de l’UE va commencer à se fragmenter petit à petit [comme avec le Brexit en juin 2016, NdT].
Que vont faire les crétins qui sont allés sur le Maïdan à Kiev, je ne puis rien dire à ce stade, c’est leur problème. Je pense que certains commencent à comprendre toute la bêtise de ce qu’ils ont fait. L’ultranationaliste ukrainien Oleg Lyashko a récemment dit : «Pourquoi on attaque Poutine ? Est-ce lui qui vole tout à Kiev en ce moment ?» Qui aurait cru entendre cela d’un ultranationaliste ukrainien il y a peu ? Ce Lyashko est quand même un drôle de type, j’ai pu le voir de près une fois, d’ailleurs. Il m’a vraiment surpris. Il y a deux ou trois ans, il était sur un talk-show télévisé à Moscou. C’était étonnant de voir une personne parlant sans arrêt pendant deux longues heures sans laisser personne en placer une, une logorrhée mémorable.
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Traduit par Azimuth Azimuth