Le délire vert anti-eurasien de Biden et la course de l’Amérique vers l’insignifiance


Par Matthew Ehret – Le 29 avril 2021 – Strategic Culture

Beaucoup de gens n’ont pas pu s’empêcher de rire lorsque Biden a déclaré à Boris Johnson, le 26 mars, que les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN devraient créer « un plan d’infrastructure pour rivaliser avec l’initiative des « Nouvelles Routes de la Soie » », et ce sans tarder. À quoi ressemblerait un tel programme ? Comment serait-il financé alors que les États-Unis sont si visiblement en faillite ? Qui, parmi les nations du monde, envisagerait d’acheter un billet sur un tel navire en perdition ?

Il a fallu quelques semaines pour que les détails émergent enfin, mais à la fin du sommet sur le climat organisé les 22 et 23 avril par Biden, John Kerry et Anthony Blinken, il est apparu très clairement quelles illusions possédaient le pauvre président.

Après avoir annoncé une politique de réduction des émissions de carbone de 52 % par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2050, Biden a rapidement engagé les États-Unis dans ce qu’il a nommé le plan d’infrastructure le plus complet de l’histoire, avec un programme d’investissement dans les infrastructures de 2 000 milliards de dollars s’apparentant à un Green New Deal conçu pour faire revivre la politique du 32e président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt. À l’instar du Civilian Conservation Corps de FDR, Biden a même prévu un Civilian Climate Corps, ainsi qu’une Green Climate Bank, à l’image de la Reconstruction Finance Corporation de FDR.

Le problème ? La version Biden a été écrite par les mêmes technocrates financiers contre lesquels FDR était parti en guerre, il y a 80 ans et, contrairement à la version FDR, cette version verte moderne du New Deal aura pour effet de détruire les capacités industrielles productives et le niveau de vie de la nation, une fois ces réseaux verts construits.

Comparons ces deux New Deal

Alors que le New Deal de Roosevelt était fondé sur la suppression de l’hégémonie de Wall Street sur la souveraineté nationale par le biais de la Commission Pecora, du Glass-Steagall et de la SEC, le Green New Deal de Biden est façonné par les pactes climatiques et les stratégies financières vertes des banques centrales, élaborées par les oligarques les plus riches de la planète, comme la Bloomberg-Carney Task Force on Climate-Related Financial Disclosures. En fait, ce n’est pas une coïncidence si le premier effort législatif visant à établir ce Green New Deal n’est pas du tout américain, mais a été soumis par le britannique Lord Adair Turner, en 2009, alors qu’il était le régulateur en chef par intérim de la City de Londres, qui reste le centre nerveux de la finance mondiale, aujourd’hui comme il y a un siècle. Jusqu’en 2019, Lord Turner était le président de l’Institute for New Economic Thinking de George Soros, une organisation qui s’efforce de faire du Brave New World de Huxley une réalité et dont il est toujours un Senior Fellow.

Alors que FDR a créé des mégaprojets d’infrastructure à grande échelle tels que la Tennessee Valley Authority, le projet d’électrification rurale, le barrage Hoover, les programmes du bassin du fleuve Colorado et la voie maritime du Saint-Laurent, qui ont tous eu pour effet d’accroître la puissance industrielle du pays comme jamais auparavant dans l’histoire, le Green New Deal de Biden prétend faire le contraire. Oui, des emplois seront créés pour isoler thermiquement quelques millions de maisons et construire des éoliennes et des panneaux solaires, mais ces emplois seront de courte durée. En effet, une fois qu’ils seront construits, il ne restera plus qu’à entretenir les panneaux solaires avec des raclettes syndiquées dans un monde imaginaire de non-évolution et de croissance technologique zéro qui peut sembler beau dans les modèles informatiques, mais qui correspond très peu aux besoins réels de l’humanité pour sa survie à long terme.

Les technocrates perchés dans leur tour d’ivoire qui gèrent l’administration Biden semblent croire sincèrement que le financement d’un programme d’infrastructure verte ne sera pas difficile. La pandémie de 2020-21 a montré à l’élite éclairée que l’on peut encore imprimer de l’argent à partir de rien. La dette américaine a déjà atteint 27 000 milliards, alors qu’est-ce que quelques milliers de milliards de plus ?

En cas d’échec, il suffira de compenser en imposant une taxe carbone à tous les pollueurs en carbone. De nombreux pays ont déjà pris le train en marche, la Suède, le Liechtenstein et le Canada étant en tête de la course avec des taxes respectifs de 129, 96 et 91 dollars par tonne d’émissions de carbone. À l’issue du sommet de Biden sur le climat, le Canadien Justin Trudeau s’est engagé à porter ce coût à 170 dollars la tonne d’ici à 2030, tandis que la conseillère nationale américaine pour le climat, Gina McCarthy, a annoncé qu’elle passerait bientôt à 56 dollars la tonne aux États-Unis (soit sept fois plus que le prix de 1 à 7 dollars la tonne pratiqué sous Trump).

En outre, les systèmes de plafonnement et d’échange sont toujours là pour que les pollueurs riches achètent les quotas de carbone inutilisés par les pollueurs plus pauvres, dans leur pays ou à l’étranger, donc les revenus peuvent certainement être trouvés de cette façon. Si tout le reste échoue, il suffira d’augmenter les impôts.

Au cas où les nations pauvres du monde auraient envie d’éviter ce bateau en perdition pour travailler plus étroitement avec la Russie et la Chine, Biden a eu l’amabilité d’annoncer une nouvelle stratégie internationale de financement vert pour aider le secteur en développement dans ses aspirations de décarbonisation.

Le problème de l’énergie verte

Ceux qui doutent que les États-Unis puissent atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone fixés pour 2035 ont de bonnes raisons de le penser. Tout d’abord, les États-Unis comptent actuellement 1 852 centrales électriques au charbon, ce qui signifie que 11 centrales devraient être fermées chaque mois jusqu’en 2035. Qu’est-ce qui compenserait cette perte de capacité énergétique ?

Évidemment pas le nucléaire, puisque cette option est devenue politiquement radioactive dans l’esprit de la plupart des électeurs libéraux de Biden.

Est-ce que ce l’énergie verte pourrait combler ce vide ? Quand l’on voit que l’énergie verte est beaucoup plus coûteuse et moins fiable que les combustibles fossiles, l’énergie hydraulique ou l’énergie nucléaire, c’est également peu probable. La vérité est que, comme l’Allemagne l’a découvert récemment, [et le Texas cet hiver, NdT] l’arrêt du charbon et du nucléaire dans le pays oblige simplement une nation à maintenir en service des centrales à combustibles fossiles pour soutenir ces réseaux d’énergie verte peu fiables, tout en augmentant les importations d’électricité produite à partir de charbon ou de gaz naturel en provenance d’autres pays. Dans le cas de l’Allemagne, les importations d’électricité d’origine nucléaire et charbonnière en provenance de Pologne et de la République tchèque ont augmenté de 60 % depuis que la base industrielle du pays a compris que les sources d’énergie verte ne pourraient jamais répondre à ses besoins. Dans le cas des États-Unis, le Mexique serait très probablement le premier fournisseur. Dans l’Union européenne, où la plupart des nations se sont entièrement soumises à la pression de la « décarbonisation » d’ici 2050, les importations de charbon, de gaz et de pétrole brut représentent désormais les deux tiers de toutes les importations d’énergie.

Sans oublier la source de carburant souvent négligée qu’est le bioéthanol, plus de 40 % de la production de maïs des États-Unis est actuellement brûlée sous forme de biodiesel et d’éthanol alors que des milliards de personnes meurent de faim et souffrent de pénuries alimentaires dans le monde. Tel est le coût élevé de l’écologie.

Incompétence géopolitique pour les nuls

Vous vous demandez peut-être maintenant : Pourquoi les États-Unis, qui ont choisi de se définir comme un rival existentiel de la Russie et de la Chine au point de risquer une guerre nucléaire à grande échelle, seraient-ils si déterminés à saper leurs propres fondements économiques au moment où la Russie et la Chine (et plus de 136 nations dans le monde) ont choisi d’évoluer vers un paradigme diamétralement opposé de croissance des infrastructures à grande échelle et de progrès scientifique ?

Si nous prenons le vieil adage disant que « les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent détruire » comme une lapalissade, alors les signes d’un avenir brillant pour la communauté occidentale du Green New Deal sont bien maigres.

Dès les premiers jours de Biden en tant que président des États-Unis, l’ensemble du tissu de la gouvernance américaine, de haut en bas, a été complètement remanié sous la forme de décrets omnibus conçus pour faire de l’urgence climatique mondiale la priorité absolue de toutes les branches et de tous les niveaux du gouvernement – économique, militaire, renseignement, santé et au-delà. Dans le cadre de ce paradigme géostratégique vert, les vastes famines, les mouvements migratoires et les guerres sont maintenant beaucoup moins dus aux abus impériaux qu’au réchauffement climatique.

Biden a créé de nouvelles directions de la politique climatique avec des bureaux à la Maison Blanche, a exigé que le directeur du renseignement national et le département d’État révisent leur gouvernance autour de la gestion de la crise climatique et a même fait passer des décrets interdisant tous les projets de forage et d’exploration de pétrole et de gaz naturel sur les terres ou en mer où se trouvent des terres publiques. Biden est même allé jusqu’à affirmer que 30 % de la surface totale des États-Unis serait interdite à tout développement d’ici 2030.

Développement durable vs développement soutenable

Comparez cette situation à celle de la Chine, qui s’est simultanément engagée à mettre en place des systèmes énergétiques verts sans se faire d’illusions sur le fait que les combustibles fossiles, le nucléaire ou l’hydroélectricité pourraient être retirés de leurs paniers énergétiques.

En fait, les principales sources d’énergie qui alimentent les corridors de développement à grande échelle de la Nouvelle Route de la Soie sont considérées comme des sources « sales » interdites par l’Occident, telles que le charbon, le gaz naturel, le pétrole, le nucléaire et l’hydroélectricité. Ce fait a même poussé un Biden délirant à tenter de faire pression sur Xi Jinping pour accélérer l’élimination progressive du charbon d’ici 2030, ce à quoi le dirigeant chinois a répondu « non ».

Biden avait auparavant décrit la Chine comme le principal contrevenant climatique du monde en disant : « La Chine est de loin le plus grand émetteur de carbone au monde, et par le biais de sa gigantesque initiative de « Nouvelle Route de la Soie », Pékin finance également chaque année des milliards de dollars de projets énergétiques à base de combustibles fossiles sales à travers l’Asie et au-delà. » Il a même demandé aux dirigeants occidentaux de « rallier un front uni de nations pour obliger la Chine à respecter des normes environnementales élevées dans ses projets d’infrastructures autour de « la Nouvelle Route », afin qu’elle ne puisse pas externaliser la pollution à d’autres pays. »

Dans ses remarques faites pendant le sommet sur le climat, le président Poutine a de nouveau souligné aux chefs d’État fantoches occidentaux, occupés à scander à l’unisson « Build back better », que la « croissance verte » ne devait pas se faire au détriment de la « croissance durable ». Il a souligné l’engagement de la Russie en faveur de l’énergie nucléaire, de l’augmentation du taux de fécondité et de l’augmentation de l’espérance de vie moyenne, qui est déjà passée de 56 ans pour un homme et 61 ans pour une femme au milieu des années 1990 à 70 ans aujourd’hui, et qui devrait atteindre 78 ans d’ici 2030.

L’ironie de tout cela, c’est que la Chine et la Russie adoptent de plus en plus un système d’économie politique qui est fondamentalement OUVERT et guidé par le progrès scientifique et technologique sans aucune limite supposée à son potentiel d’amélioration. Ce paradigme est fondamentalement en harmonie avec la politique originale du New Deal de Franklin D. Roosevelt, qui envisageait lui-même un monde post-impérial de coopération gagnant-gagnant (en opposition au monde dystopique à système fermé envisagé par Winston Churchill). Les États-Unis, en revanche, qui prétendent être les héritiers des réformes du New Deal de Franklin Roosevelt, en sont venus à incarner les pires aspects de l’élite malthusienne qui a géré l’Empire britannique pendant des siècles et à laquelle FDR a consacré sa vie à tenter d’y mettre fin.

C’est cet empire qui a considéré qu’il était « scientifiquement nécessaire » de soumettre l’Inde, la Chine, l’Irlande, l’Afrique et tout autre rival à des vies de pauvreté, de guerre, de famine et de stupéfaction.

C’est cet empire que la révolution républicaine de 1776 visait à renverser – non seulement dans les Amériques, mais à l’échelle internationale. C’est ce même empire qui a été presque détruit par l’alliance russo-américaine qui a façonné une grande partie du 19e siècle et qui s’est à nouveau manifesté pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque FDR et Staline ont reconnu qu’ils avaient beaucoup plus en commun l’un avec l’autre qu’avec l’archi-raciste Churchill. L’Empire britannique a toujours été géré comme un « système fermé », une opération de renseignement gérée scientifiquement selon les principes malthusiens et le respect d’un équilibre mathématique strict. Dans cette formule de domination, les forces militaires ont été beaucoup moins importantes que le contrôle des centres nerveux de la finance, des narcotiques et d’autres leviers de corruption mentale et spirituelle que beaucoup de gens – même parmi les historiens les plus instruits – ne le réalisent.

Et ainsi nous avons bouclé la boucle. Les dieux ont certainement rendu folles ces élites qui dirigent l’Occident, mais il reste à voir si le monde entier devra payer le prix de leur folie.

Matthew Ehret

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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