Trump veut-il racketter l’Otan ?


Si l’Europe ne paie pas pour se protéger des attaques planifiées par l’OTAN, elle ne sera plus couverte par les obligations conventionnelles de celle-ci

Vous avez dit mafieux ?


Tyler Durden's picture Par Tyler Durden – Le 22 juillet 2016 – Source ZeroHedge

Après avoir diverti l’Amérique durant ces trois derniers jours, la rhétorique de Donald Trump, la nuit dernière, a traversé l’Atlantique et comme le dit le Financial Times, « a déclenché une vague de panique à travers l’Europe » ainsi que des appels à la solidarité venus de la direction otanesque, après que les États-Unis ont averti  qu’ils ne pourraient pas venir à la défense d’un membre de l’alliance attaqué par la Russie si ce pays n’a pas rempli ses obligations vis à vis de l’Amérique.

La déclaration de Trump, qui a provoqué la crainte des États membres de l’OTAN en Europe, est venue de l’entrevue du New York Times – extrait ci-dessous – dans laquelle on a demandé au candidat à la présidentielle s’il défendrait les États baltes face à une agression russe s’il était président. « S’ils remplissent leurs obligations envers nous, la réponse est oui » a déclaré M. Trump.

SANGER : – Je reviens juste des États baltes. Ils sont très inquiets de toute évidence sur ce nouvel activisme russe, ils voient des sous-marins au large de leurs côtes, ils voient arriver des avions qu’ils n’ont pas vus depuis la guerre froide, les bombardiers s’entraînent. Si la Russie passait la frontière en Estonie, en Lettonie, ou en Lituanie, des endroits auxquels les Américains ne pensent pas souvent, leur apporterez-vous immédiatement une aide militaire ?

TRUMP : – Je ne veux pas vous dire ce que je ferai parce que je ne veux pas que Poutine le sache. J’ai une chance sérieuse de devenir président et je ne suis pas comme Obama qui, chaque fois qu’il envoie des troupes en Irak ou ailleurs, fait une conférence de presse pour l’annoncer.

SANGER : – Ils sont membres de l’OTAN, et nous sommes obligés par les traités…

TRUMP : – Nous avons beaucoup de membres de l’OTAN qui ne paient pas leurs factures.

SANGER : – C’est vrai, mais nous sommes tenus en vertu des traités de l’OTAN, oubliez la question des factures.

TRUMP : – Vous ne pouvez pas oublier les factures. Ils ont l’obligation d’effectuer les paiements. Beaucoup de pays de l’OTAN ne le font pas, ils ne font pas ce qu’ils sont censés faire. C’est une chose grave. Vous ne pouvez pas dire qu’il faut oublier ça.

SANGER : – Ce que je veux dire est ceci : les membres de l’OTAN, y compris les nouveaux membres dans les pays baltes, peuvent-ils compter sur l’aide militaire des États-Unis s’ils ont été attaqués par la Russie ? Et compter sur nous pour remplir nos obligations…

TRUMP : – Ont-ils rempli leurs obligations envers nous ? S’ils remplissent leurs obligations envers nous, la réponse est oui.

La déclaration de Trump a rapidement attiré la condamnation des commentateurs suggérant que l’OTAN est simplement un racket de protection, et a provoqué une réponse tout aussi préoccupée du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Celui-ci a dit que, malgré son désir de ne pas interférer avec la campagne électorale américaine, « la solidarité entre alliés est une valeur clé pour l’OTAN ». Il a ajouté : « Ce qui est bon pour la sécurité européenne est bon pour la sécurité des États-Unis. Nous nous défendons les uns les autres. Nous l’avons vu en Afghanistan, où des dizaines de milliers d’Européens, des troupes canadiennes et des nations partenaires ont résisté au coude à coude avec les soldats américains. »

« Deux guerres mondiales ont montré que la paix en Europe est aussi importante pour la sécurité des États-Unis » a ajouté M. Stoltenberg.

L’administration Obama a riposté tout aussi rapidement. « Il ne devrait pas y avoir d’erreur ni de mauvais calcul spéculant sur l’engagement de notre pays » dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, a déclaré jeudi le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, en réponse aux remarques de Trump dans une interview au New York Times. « L’engagement des États-Unis est à toute épreuve. »

Le général en retraite de l’armée des États-Unis, Wesley K. Clark, ancien commandant suprême des forces alliées − qui avait proposé sa candidature à la nomination présidentielle du Parti démocrate en 2004 − a critiqué Trump de ne pas garantir pleinement la sécurité de tous les membres de l’alliance. « Lorsque M. Trump dit qu’il va seulement considérer la possibilité d’une action solidaire, il se joint à une longue liste d’hommes d’État et de dirigeants qui ont échoué depuis des décennies, à cause des hésitations, des velléités et du manque de détermination » a déclaré Clark dans un communiqué. « M. Trump sait probablement quelque chose sur les bâtiments et les biens immobiliers, mais il a beaucoup à apprendre sur la façon dont le monde fonctionne vraiment. »

La position de Trump sur ce que devrait être la relation US-OTAN est loin d’être nouvelle, en déclarant qu’il estime injuste que les États-Unis portent sur leurs épaules un montant disproportionné des coûts de financement de l’OTAN et en exhortant à réduire l’implication US dans les affaires étrangères. La volonté de Trump de rejeter un engagement de plusieurs décennies à défendre les alliés approfondit sa critique de l’OTAN, qu’il avait déjà qualifiée d’« obsolète » en avril, lorsqu’il faisait campagne pour la nomination par le Parti républicain. Les commentaires du milliardaire viennent moins de deux semaines après que les dirigeants de l’OTAN sont convenus lors de leur sommet de Varsovie d’améliorer le déploiement des forces en Pologne et dans les États baltes comme moyen de dissuasion contre la Russie après qu’elle a annexé la Crimée.

Stoltenberg a noté que les membres européens de l’Alliance ont augmenté leurs dépenses dans la défense, contrairement à la critique de Trump disant que certains pays de l’OTAN se reposaient totalement sur les États-Unis. « Pour la première fois depuis de nombreuses années, les dépenses de défense parmi les alliés européens et le Canada ont augmenté l’année dernière. Et cette année, nous nous attendons à une nouvelle augmentation » a-t-il dit.

D’autres étaient tout autant sur la défensive. En fait, une petite musique qui va adoucir les oreilles du complexe militaro-industriel des États-Unis, vient de Dalia Grybauskaite, la présidente de la Lituanie, qui a déclaré aux journalistes que « la Lituanie – ainsi que d’autres États baltes – font tous les efforts possibles. Nous modernisons nos forces armées, nous avons rétabli la conscription et nos dépenses de défense vont atteindre 2% du PIB en 2018. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’interpréter les propos du candidat Trump. Nous savons que les États-Unis restent notre partenaire le plus important. »

D’autres États baltes renchérissent : Toomas Hendrik Ilves, le président de l’Estonie, a écrit sur Twitter sans référence à M. Trump : « L’Estonie est l’un des cinq alliés de l’OTAN, en Europe, qui respectent leur engagement de dépenses de défense de 2%. Et a combattu, sans réserve, suite à l’article 5 de l’OTAN [opération en Afghanistan]. »

Les remarques de Trump sont « à la fois dangereuses et irresponsables » a déclaré Ojars Kalnins, qui préside la commission des Affaires étrangères au Parlement de la Lettonie, dans une interview à la radio lettone jeudi, ajoutant : « Ce ne sera pas bon pour l’unité de l’OTAN ou sa sécurité. Pour l’essentiel, Trump dit que les États-Unis ne respecteront pas leurs promesses ou obligations. »

« Si Trump doute de la solidarité de l’OTAN dans le cas de l’article 5, alors son élection est dangereuse pour la sécurité de la Baltique » a déclaré sur Twitter Artis Pabriks, un ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense lettone qui est maintenant membre du Parlement européen.

Alors que Trump avait déjà suscité bien des inquiétudes parmi les nombreux alliés des États-Unis, y compris les autres membres de l’OTAN et des pays tels que le Japon et la Corée du Sud − en déclarant qu’il adopterait une attitude isolationniste qui affecterait de façon spectaculaire une série de relations dont la plupart des experts affirme qu’elles ont contribué à la sécurité en Europe et en Asie − cette fois-ci ses commentaires sont allés plus loin que ses remarques controversées précédentes quand il a dit qu’il envisageait de réduire le rôle des États-Unis dans une alliance militaire qui a été le fondement de la relation transatlantique de sécurité pendant des décennies.

S’exprimant seulement quelques jours après que le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé une campagne de répression contre la dissidence suite à une tentative de coup d’État contre lui, M. Trump a également déclaré dans l’interview au NYT qu’il ne voudrait pas interférer lorsque des pays ne respectent pas les droits civils – un mouvement qui serait le signe d’un changement remarquable par rapport à la position adoptée par les administrations républicaines et démocrates.

Après avoir dit que les États-Unis devaient régler leurs propres problèmes internes, y compris le fait que des agents de police ont été tués dans une récente série d’attaques, M. Trump a ajouté : « Je ne pense pas que nous avons le droit de faire la leçon [aux autres pays]. . . Comment allons-nous faire la leçon quand les gens tirent [chez-nous], de sang-froid, sur des policiers ? »

À la base, la tension de l’OTAN est le résultat de la crainte que « la Russie envahisse les pays baltes » ce qui justifie prétendument la récente expansion spectaculaire des forces de l’OTAN en Europe de l’Est, culminant avec le récent sommet de l’OTAN qui a décidé que la Russie était la plus grande menace pour la région. Ironie du sort, c’est arrivé quelques jours après qu’un autre scandale a surgi à l’intérieur de l’OTAN, suite au propos du ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne suggérant que la réaction russe est simplement une riposte aux provocations de l’OTAN : « Ce que nous devons éviter aujourd’hui c’est d’enflammer la situation par le bellicisme et les bruits de bottes. »

Bien qu’il reste à voir si la politique étrangère de Trump est juste un autre épisode dramatique, ou si le Donald souhaite réellement réincarner une version douce de la doctrine Monroe, nous sommes convaincus que le complexe militaro-industriel américain suit l’histoire avec une grande préoccupation, car si Trump devait être en mesure de mettre en œuvre une politique de désescalade, les plus grands perdants seraient les entreprises militaires US de défense.

Par une tournure amusante, les commentaires de l’OTAN viennent juste après des révélations disant que la campagne de Trump avait contraint l’équipe républicaine à supprimer, dans la plate-forme électorale du parti pour la convention, des initiatives soutenant la fourniture d’armes à l’Ukraine pour lutter contre les forces russes. Dans un bref discours en marge de la convention, John Kasich, le gouverneur de l’Ohio, qui était l’un des deux derniers rivaux de M. Trump, a dit qu’il était préoccupé par ces révélations.

Trump a été critiqué dans le passé par des experts républicains de politique étrangère pour ses commentaires qui suggéraient qu’il admirait Poutine d’être un homme fort. Dans l’interview, Trump dit que « Poutine et moi nous entendons très bien » et qu’il aimerait une bonne relation entre les États-Unis et la Russie et que « au lieu de combattre les uns les autres, nous nous entendions ». Il a également dit qu’il ne ferait pas la morale à la Turquie, alliée de l’OTAN, à propos de la purge des adversaires politiques ou de la répression des libertés civiles après la tentative de coup d’État dans ce pays, disant que les États-Unis devaient d’abord « régler leur propre désordre ».

Le FT s’est retenu de traiter Trump d’espion du Kremlin.

Tyler Durden

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

 

 

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