Sommet Poutine-Erdogan : ce qui va suivre pour les deux grandes puissances


Par Andrew Korybko – Le 4 avril 2019 – Source eurasiafuture.com

andrew-korybkoLa visite de la semaine prochaine d’Erdogan en Russie sera l’occasion pour les deux grandes puissances de porter leur partenariat stratégique au niveau supérieur, dans un monde de plus en plus multipolaire et complexe. Le dirigeant turc arrivera dans la capitale russe lundi 8 avril [2019], afin de participer au Conseil de coopération de haut niveau russo-turc, un événement important quoique routinier, mais dont il faut saisir la portée accrue dans le contexte actuel. La phase militaire du conflit syrien est enfin en déclin, ce qui offre un nouvel élan au processus d’Astana, dans lequel les deux pays ainsi que l’Iran jouent des rôles clés.

Le président Erdogan a en outre menacé de lancer une nouvelle intervention militaire sur le sol syrien, contre les milices kurdes pro-américaines qu’il estime liées au PKK considéré comme terroriste, pour laquelle il lui faudra obtenir sans doute au moins l’accord tacite de Poutine – voire une coordination indirecte – nombre d’observateurs estiment d’ailleurs que c’était déjà le cas pour les deux opérations Bouclier de l’Euphrate et Rameau d’Olivier, qu’il a lancées par le passé. Mais la dimension militaire des liens entre la Russie et la Turquie ne se résume pas à la Syrie, le pays membre en titre de l’OTAN étant bien décidé à acquérir des missiles S-400, malgré l’ire que cela provoque aux USA.

Encore au delà, les deux grandes puissances voient le commerce bilatéral entre elles augmenter, chacune d’entre elle s’employant à étoffer ces relations bilatérales, et sortir des cadres militaire et énergétique. Sur ce volet énergétique, pilier de leur partenariat stratégique, la finalisation progressive du gazoduc TurkStream constitue un succès majeur, qui va renouveler pour chacun des deux pays une influence remontant à des siècles dans les Balkans ; ces influences vont prendre une forme toute nouvelle. Au lieu de se concurrencer mutuellement, la Russie et la Turquie travaillent à présent la main dans la main pour faire concurrence aux USA et à l’UE [dont la « stratégie » est de continuellement verser des milliards d’euros à la Turquie dans le cadre de sa « candidature à l’adhésion dans l’Union européenne », malgré le fait que chacun a bien compris que cette adhésion n’aurait jamais lieu, Ndt], l’énergie constituant à ce titre pour les deux pays une passerelle pour établir et tisser des partenariats stratégiques avec les pays de la zone.

Quoi qu’il en soit, le sommet qui va s’ouvrir sera d’une importance considérable pour les relations russo-turques en ce moment crucial, car il donnera aux dirigeants des deux pays l’opportunité de coordonner encore plus leurs politiques, et décider des prochaines étapes, en particulier en vue de résoudre le conflit syrien. Les deux présidents sont déterminés à mettre fin à la guerre, malgré des vues divergentes sur la manière d’y parvenir ; mais leur proximité manifeste dans toutes les autres sphères plaide en faveur de la perspective qu’ils parviendront à établir un compromis sur ce sujet, et ce d’autant plus que les enjeux en sont immenses.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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