Quelques précisions sur les projets de réformes du Code civil français


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Par Valérie Bugault − le 8 août 2016

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Il ne sera pas question ici d’analyser de façon exhaustive toutes les dispositions des actuels projets de réforme du Code civil ; néanmoins, le sujet étant tellement grave, il nous a semblé indispensable de mettre en perspective historique sociologique et politique certains aspects essentiels de ces réformes.

À propos du projet de réforme du droit des obligation issu de 1804 par l’association Capitant

Lorsque les rédacteurs du Code civil de 1804 distinguaient les biens des obligations, ils analysaient une situation et agissaient dans le sens de la taxinomie, conformément à la méthodologie répandue au XVIIIe siècle. La logique suivie est claire et le résultat compréhensible c’est-à-dire que la raison logique de chacun est capable de l’appréhender sans recours à aucun artifice.

Ainsi, l’actuel article 516, dont la rédaction est celle de 1804, indique-t-il que « tous les biens sont meubles ou immeubles ».

Dans le même ordre d’idée, le Code de 1804 distingue entre les biens et les obligations, cette dernière catégorie se justifie en ce qu’elle permet d’acquérir la propriété de biens. Ainsi, les obligations sont localisées dans le livre III du Code civil intitulé Des différentes manières dont on acquiert la propriété, dont un titre III est intitulé Des contrats ou des obligations conventionnelles en général.

Il en va tout autrement dans le projet de réforme du Code civil tel que présenté par l’Association Henri Capitant.

Ainsi, dans ce projet présenté, comme il est devenu habituel, comme une nécessaire modernisation du droit français ; laquelle modernisation doit être rapidement mise en œuvre en catimini par le gouvernement par voie d’ordonnance, afin de ne pas risquer d’éventuels − bien que peu probables − houleux débats parlementaires.

À ce stade de l’analyse et une fois pour toutes, il importe d’aborder là une question méthodologique essentielle. Tous les textes dits de modernisation du droit français sont issus d’une idéologie anglo-saxonne et sont tournés vers la prédation économique du grand capital. Ces textes étaient, en France, habituellement imposés par le bien commode droit européen, c’est-à-dire par les services de la Commission européenne. Or, nous avons déjà expliqué que les institutions européennes sont un relais des intérêts du grand capital qui a, depuis la Révolution française, pris en interne le contrôle des rênes du pouvoir ; aussi la Commission européenne est-elle bien souvent utilisée par les partisans internes de la Réforme (c’est-à-dire les hommes politiques et ceux qui détiennent le pouvoir institutionnel) − qui est en réalité une Révolution − pour se dispenser d’avoir à présenter eux-mêmes des explications et des justifications aux citoyens et contribuables français qui les élisent, leur accordant par là leur confiance dans le même temps qu’ils leur ouvrent leurs portes-monnaie.

Cet aparté établi, revenons au projet de réforme du Code civil, présenté comme une nécessaire modernisation du droit français.

Ainsi, il se trouve que le droit des biens et celui des obligations se verraient, l’air de rien, très profondément modifiés à la fois d’un point de vue méthodologique et d’un point de vue symbolique.

Ainsi, le nouvel article 520 du Code disposerait que « sont des biens, au sens de l’article précédent, les choses corporelles ou incorporelles faisant l’objet d’une appropriation, AINSI que les droits réels ou personnels tels que définis aux articles 522 et 523 ».

D’un point de vue formel, plusieurs remarques s’imposent. Cet article ne se suffit pas à lui-même, il n’est pas compréhensible à sa seule lecture. En effet, pour comprendre le nouvel article 520, pas moins de trois renvois à d’autres articles sont indispensables. À elle seule, cette remarque permet de comprendre que les choses énoncées ne sont pas si claires et qu’elles se cachent derrière une complexité qui n’augure rien de bon. La complexité est la mère du complot en ce qu’elle permet d’agir discrètement mais ouvertement, mettant en œuvre de manière éclatante le premier des stratagèmes chinois de l’art de la guerre : «le grand jour est une cachette plus sûre que la pénombre ». Cette méthode du renvoi systématique à d’autres textes est devenue un leitmotiv de toutes les réformes législatives actuelles.

Par ailleurs, cet article laisse penser, par son « ainsi que » qu’il existe des biens qui ne sont ni des biens corporels ni des biens incorporels faisant l’objet d’une appropriation. À côté des classiques biens corporels et incorporels, susceptibles d’appropriation, il existerait donc une catégorie nouvelle de choses susceptibles d’être appropriées… Cette catégorie nouvelle est en réalité la catégorie ancienne, c’est-à-dire connue des rédacteurs de 1804 comme étant celle des obligations. Ainsi, les obligations deviennent, avec ce projet de réforme, susceptibles d’appropriation.

Nous y voilà : l’actuel projet de réforme du Code civil aurait précisément pour raison d’être de rendre juridiquement possible le bail-in bancaire autant que de préparer l’avènement du projet scélérat de propriété économique, qui scellera la fin du concept de propriété privée et l’avènement nouveau de l’accaparement légal.

Il faut se souvenir que les sommes déposées par toute personne sur un compte en banque sont fongibles, en raison du fait que la monnaie est le seul « bien » ayant pour caractère juridique une fongibilité absolue. Il découle de cette caractéristique juridique de la monnaie que les particuliers ne sont pas à proprement parler propriétaires − au sens où ils disposeraient sur elle d’un droit réel − des sommes qu’ils ont sur un compte en banque mais qu’ils sont détenteurs, sur la banque d’une créance : la banque ayant pris l’engagement tacite au moment de l’ouverture du compte, de rendre au titulaire la même somme que celle qui y est déposée. Ainsi, et cela change tout, les détenteurs de comptes bancaires ne sont pas propriétaires de l’argent qu’ils déposent en banque mais créanciers de ladite banque. Vous comprenez pourquoi le fameux bail-in qui prévoit la capture d’une partie de l’argent des déposants, a pu être juridiquement prévu en cas de faillite bancaire.

Ainsi, le projet de réforme du Code dit civil prévoit expressément la possibilité juridique légale du bail-in puisque la banque faillie pourra s’approprier une partie de l’argent des déposants, la créance qu’elle détient contre eux étant transformée en biens. La raison pour laquelle le Code civil a besoin d’être modernisé devient ainsi lisible et compréhensible : il s’agit de prévoir l’accaparement des actifs bancaires des particuliers par les conglomérats bancaires délibérément faillis.

Par ailleurs, le projet de propriété économique suppose, en cas de prêts bancaires, un renversement du propriétaire jusqu’au remboursement intégral du prêt. Ainsi, lorsqu’un particulier fait un prêt pour acquérir une maison ou une voiture, ce dernier est, encore actuellement mais plus pour très longtemps, propriétaire nominal du bien acquis à crédit, la banque étant la créancière contre l’emprunteur, c’est-à-dire qu’elle détient contre l’emprunteur un droit (dit personnel) de se faire rembourser les sommes prêtées, ce qui s’analyse juridiquement en une obligation. Après l’avènement de la propriété économique, c’est l’apporteur de capitaux, souvent la banque, qui sera propriétaire des biens acquis par l’emprunteur jusqu’à ce que ce dernier ait remboursé l’intégralité du prêt. Il faut ici impérativement se souvenir qu’en raison du principe intangible dit de la réserve fractionnaire, la banque prête des sommes dont elle ne dispose pas et s’octroie de cette façon un enrichissement sans cause en prélevant des intérêts sur ce prêt.

Ainsi, grâce à la réforme du Code civil qui transforme les créances (droits personnels) en biens susceptibles d’appropriation, la réforme du droit de propriété passera beaucoup mieux : il suffira de dire que la propriété économique ne fait qu’entériner une réalité juridique préexistante puisque les apporteurs de capitaux sont d’ores et déjà propriétaires des créances qu’ils ont sur les tiers.

Ainsi, la réforme prévue du Code civil est tout sauf une réforme démocratique du droit, elle est le premier pas vers la disparition du principe même de propriété privée et la préparation de l’accaparement érigé en règle de droit. Les seuls intérêts que protègent le projet de réforme sont les intérêts du grand capital. Avec des amis de la culture juridique française tels que les membres de l’association Henri Capitant à l’origine dudit projet, nous n’avons plus besoin d’ennemis de la culture juridique française…

À propos de la Réforme du droit des obligation et de la suppression de la « cause »

De la même manière, il semble y avoir un sérieux projet de réforme du droit des obligations visant à supprimer l’exigence ad validitatem (à peine de nullité du contrat) d’une « cause » licite au contrat − article 1108 du Code civil de 1804. Les lecteurs voudront bien se souvenir que l’existence d’une cause au contrat est justement ce qui permettrait d’annuler les quantités de prêts bancaires − et, par voie de conséquence, leurs obligations pour l’emprunteur − pour tous les prêts fondés sur l’existence du principe de la réserve fractionnaire.

Il faut insister sur le fait que toutes ces réformes s’appuient de façon constante sur la nécessité de modernisation du droit français dans la « perspective probable », et surtout ardemment souhaitée, d’une unification du droit au sein de l’Union européenne. Il suffit seulement de rappeler que le droit dominant de l’Union européenne n’a rien à voir avec le droit continental classique, dont le Code civil de 1804 est le plus parfait représentant, et tout à voir avec le droit anglo-saxon − dominé par le commerce et bras armé des intérêts du grand capital − pour comprendre dans quel sens iront les réformes envisagées.

Ainsi, certains aspects essentiels des réformes envisagées du Code civil ne le sont que dans le strict intérêt des banques ; sous couvert de modernisme, le Code civil nouveau sera la main armée du grand capital pour resserrer bien à fond l’asservissement des gens ordinaires.

Valérie Bugault

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