Pourquoi Hillary Clinton ne peut pas battre Donald Trump


Par Michael Krieger – Le 25 février 2016 – Source libertyblitzkrieg

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Redonner le lustre d’antan à l’Amérique                Parce que je suis une femme .. et vous me le devez !

Ce matin, je lis un article fantastique de Nathan J. Robinson dans Current Affairs, intitulé À moins que les démocrates ne nomment Sanders, une nomination de Trump signifie une présidence Trump. Il y a quelques mois, j’aurais été en désaccord avec cette affirmation, mais aujourd’hui, je pense que c’est tout à fait exact.

Une chose sur laquelle les supporters de Clinton restent dans le déni complet – en plus du fait que la plupart des Américains, qui ne s’identifient pas comme démocrates, la jugent quelque part entre indigne de confiance et pénalement justiciable – est qu’un nombre important de partisans de Sanders ne vont jamais voter pour Hillary. Oubliez le fait que j’en connais quelques-uns personnellement, j’ai remarqué plusieurs interviews avec des électeurs qui proclament que Sanders est leur premier choix mais que Trump est leur deuxième. Est-ce qu’ils ne font que le dire ou le pensent-ils ? Je crois que beaucoup le pensent vraiment.

L’article de M. Robinson est une plongée profonde et brillante dans ce que la réalité d’un match Trump contre Clinton pourrait être, et pas ce que les besogneux désemparés à Washington voudraient voir advenir. Il en ressort de façon convaincante que la seule personne qui pourrait résister à Trump et le vaincre en novembre est Bernie Sanders. Je suis d’accord.

Alors sans plus tarder, voici quelques extraits :

Instinctivement, Hillary Clinton a longtemps semblé de loin la plus éligible des deux candidats démocrates. Elle a, après tout, une expérience, elle est pragmatique, modérée, alors que Sanders est un socialiste juif du Vermont, âgé, délirant et brassant de l’air. Clinton est tout simplement plus proche du grand public américain, donc elle est plus attrayante pour une partie plus large des électeurs. Les militants de Sanders ont pris l’habitude d’entendre la complainte sourde, «J’aime Bernie, mais je ne pense pas qu’il puisse gagner». Et avec l’expérience des élections américaines typiques précédentes, ce serait tout à fait exact.

Mais on est loin d’être dans une élection américaine typique. Et récemment, tout ce qui concerne les spéculations sur l’éligibilité a changé, en raison d’un fait simple : Donald Trump est susceptible d’être le candidat républicain à la présidence. Compte tenu de cette réalité, chaque question stratégique démocratique doit fonctionner non pas sur la base d’une éligibilité abstraite contre un candidat hypothétique, mais d’une éligibilité spécifique contre le candidat républicain réel, Donald Trump.

Ici, un match avec Clinton est susceptible d’être un désastre électoral absolu, alors qu’une candidature Sanders représente une bien meilleure chance. Chacune des faiblesses (considérables) de Clinton correspond à chacun des points forts de Trump, alors que chacune des (quelques) faiblesses de Trump correspond à chacun des points forts de Sanders. D’un point de vue purement pragmatique, le pari de Clinton contre Trump est une position suicidaire désastreuse.

Ses partisans insistent sur le fait qu’elle a déjà été éprouvée contre toutes les attaques qui peuvent être menées contre elle. Mais ce n’est pas le cas ; elle n’a jamais été soumise de plein fouet aux attaques qui viennent lors d’une élection présidentielle générale. Bernie Sanders a ignoré la plus grande part des crasses des tabloïd, en les traitant comme une distraction sensationnaliste par rapport aux vrais problèmes («Assez avec les emails maudits !») Mais pour Donald Trump, ces distractions sensationnalistes sont tout le match. Il va tenter de la crucifier. Et il est très, très probable qu’il réussira.

Ce style de campagne fait d’Hillary Clinton, l’adversaire de rêve pour Donald Trump. Elle lui donne une quantité infinie de matière première à utiliser. Les e-mails, Benghazi, Whitewater, l’Irak, le scandale Lewinsky, le ChinaGate, le Travelgate, les dossiers du cabinet d’avocats manquants, Jeffrey Epstein, Kissinger, Marc Rich, Haïti, les erreurs fiscales de la Fondation Clinton, les conflits d’intérêts de la Fondation Clinton, «Nous étions fauchés quand nous avons quitté la Maison blanche“, Goldman Sachs … Il y a assez de casseroles accrochées à Hillary Clinton pour aider Donald Trump pour six élections.

Même un militant doué vivrait des moments très difficile pour parer ces attaques sans fin de Trump. Même le meilleur défenseur serait dans l’impossibilité d’attirer l’attention vers les réelles questions de fond , et passerait tout son temps sur la défensive. Mais Hillary Clinton n’est ni la meilleure militante, ni même douée. En fait, c’est une militante extrêmement mauvaise. Elle peut être un décideur qualifié, mais sur les sentiers d’une campagne, elle fait des faux pas constamment et ne réalise que les choses ont mal tourné que quand il est trop tard.

Tout le monde le sait. Même parmi les membres du parti démocrate, elle est connue comme «maladroite et peu inspirée sur une estrade», traînant «les casseroles de Bill [son mari], sans le charisme de Bill». Le New York Magazine a décrit son «incapacité à démontrer les compétences politiques les plus élémentaires, et encore moins celles apprises à Toastmasters ou au Dale Carnegie». L’année dernière, la Maison blanche a été prise de panique par son niveau d’incompétence électorale, ses prises de décision douteuses, et son penchant pour prendre des raccourcis louches. Plus récemment, en notant la remontée de Sanders dans les sondages, Jennifer Rubin du Washington Post a dit qu’elle était une «candidate pourrie» dont les attaques contre Sanders n’avaient aucun sens, et qu’ «à un moment donné, vous ne pouvez plus blâmer l’humeur nationale ou une équipe de campagne incompétente ou un adversaire brillant pour expliquer les malheurs de la campagne d’Hillary Clinton». Pourtant, dans une course contre Trump, Hillary serait handicapée non seulement par ses faibles compétences de campagne, mais par le fait qu’elle aura une humeur nationale aigrie, une équipe de campagne faible, et un brillant adversaire.

Chaque démocrate devrait prendre un certain temps, examiner sans passion les antécédents de Clinton lors de ses campagnes électorales. Étudier comment la campagne de 2008 a été gérée, et comment celle-ci lui a glissé des mains. Évaluer ses forces et ses faiblesses avec aussi peu de parti pris ou de préjugés que possible. Ensuite imaginer la course contre Trump, et réfléchir à la façon dont elle va se dérouler.

Il est facile de voir que Trump a tous les atouts. Parce que la primaire républicaine sera terminée, il pourra s’attaquer à elle à la fois de la droite et de la gauche comme il lui plaira. Comme le candidat qui s’opposa violemment à la guerre en Irak dans le débat républicain, il pourra narguer Clinton pour son soutien. Il va la dépeindre comme un membre de l’establishment politique corrompu, et en offrira même la preuve: «Eh bien, je sais que vous pouvez acheter les politiciens, parce que j’ai acheté la sénatrice Clinton. Je lui ai donné de l’argent, elle est venue à mon mariage.» Il pourra démontrer qu’Hillary Clinton peut être achetée, mais pas lui, et qu’il est donc capable d’exercer la charge suprême. Il sera également difficile de s’en défendre pour Hillary, car cela semble être en partie vrai. Tout refus ressemble à un mensonge, ce qui rend la situation d’Hillary encore pire. Et puis, quand elle tombera dans ses pièges, il va se moquer d’elle pour son incompétence.

Des accusations de misogynie contre Trump ne fonctionneront pas. Il va remplir la presse avec des allégations de viol et de harcèlement à l’encontre de Bill Clinton et le rôle d’Hillary qui a discrédité les victimes (quelque chose qui fait que même Lena Dunham est profondément mal à l’aise.) Il pourra toujours rappeler aux gens qu’Hillary Clinton s’en est pris à Monica Lewinsky la traitant de «jouet narcissique fêlé». En outre, étant donné que Trump n’est pas un fanatique contre le planning familial – étant même le seul prêt à se battre pour la santé des femmes dans une salle pleine de Républicains – il sera difficile pour Clinton de le dépeindre comme l’habituel macho de droite anti-féministe.

Trump va capitaliser sur sa réputation comme un révélateur de vérités, et utiliser avec vice les changements soudains de position de Clinton (par exemple, son revirement  sur le mariage gay, et le populisme économique affiché pendant sa bataille contre Sanders) et sa réputation de malhonnêteté. On peut déjà imaginer le monologue :

«Elle ment tellement. Tout ce qu’elle dit est un mensonge. Je n’ai jamais vu de  ma vie quelqu’un qui ait tellement menti. Permettez-moi de vous dire trois de ses mensonges. Elle a inventé une histoire sur la façon dont elle a esquivé des tirs de snipers ! Cela n’a jamais existé. Elle l’a inventée ! Comment pouvez vous oublier une chose pareille ? Elle a dit qu’elle a été prénommée d’après Sir Edmund Hillary, le gars qui a gravi le mont Everest. Il n’avait même pas fait sa fameuse ascension quand elle est née ! Mensonge total ! Elle a menti sur les e-mails, bien sûr, comme nous le savons tous, et elle va probablement être inculpée pour ça. Vous savez, elle a dit qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak ! C’était un mensonge ! Des milliers de soldats américains sont morts à cause d’elle. Non seulement elle ment, mais ses mensonges tuent des gens. Voilà quatre mensonges, j’ai dit que je t’en donnerais trois. Vous ne pouvez même plus les compter. Allez sur PolitiFact, voyez combien de mensonges elle a à son actif. Il vous faut une heure pour les lire tous ! Ils lui ont demandé des explications, elle ne dit même pas qu’elle n’a pas menti. Ils le lui ont demandé directement, et elle a dit qu’elle essaie généralement de dire la vérité ! Ooooh, elle tente ! Allons donc ! C’est quelqu’un dont chaque mot qui sort de sa bouche est un mensonge. Personne ne lui fait confiance. Consultez les sondages, personne ne lui fait confiance. C’est une prodigieuse menteuse.»

Trump va la rouler, la retourner et la harponner. Il ne la lâchera pas. Et parce que Clinton a vraiment menti, a effectivement voté pour la guerre en Irak, est réellement hyper-agréable avec Wall Street, et a réellement changé de positions par opportunisme, tout ce qu’elle peut faire est de s’enferrer encore plus dans des dénégations plus invraisemblables, qui vont encore enhardir Trump. Elle n’a de fait aucune arme offensive à sa disposition, étant donné que toute critique légitime sur le passé de Trump (positions politiques contradictoires, transactions financières douteuses, modèle de tromperie) est également applicable à Clinton, et il sait comment faire pour que ces choses glissent sur lui, alors qu’elle ne sait pas.

Voici un autre exemple. Si Hillary tente d’attaquer Trump sur ses commentaires au sujet des Mexicains et des musulmans, Trump peut rétorquer précisément sur la façon dont elle a traité les Noirs des centre-villes, les qualifiant de «super prédateurs».

La démographie ne va pas non plus être aussi favorable à Clinton qu’elle le pense. Le populisme de Trump aura une résonance énorme parmi la classe ouvrière blanche dans tous les États, rouges ou bleus ; il pourrait même lui faire perdre le vote noir. Et Trump a déjà prouvé que la prédiction qu’il allait s’aliéner les évangélistes, à cause de sa vulgarité et de son auto-divinisation, était fausse. Les démocrates répètent avec insistance leur conviction qu’une candidature de Trump va inciter les libéraux à se rendre aux urnes comme jamais auparavant. Mais sans enthousiasme particulier pour la candidature de Clinton, il est plausible qu’un grand nombre de ces gens vont trouver les deux options si désagréables qu’ils resteront finalement à la maison.

Oui, de nombreux partisans de Sanders ne voteront jamais pour Hillary. En fait, beaucoup vont voter pour Trump.

Les diverses méthodes d’attaque de Trump seraient instantanément beaucoup moins efficaces dans une course contre Sanders. Toutes les accusations les plus personnelles (manque de fiabilité, corruption, niveau d’hypocrisie) seraient beaucoup plus difficiles à crédibiliser. La riche histoire des relations d’affaires douteuses n’existe pas. Aucun des trafics sordides sur lesquels Trump pourrait s’appuyer ne touche Bernie. Les ficelles habituelles de Trump s’attaquant à la personne seraient beaucoup moins évidentes. Sanders est un gars assez transparent ; il aime le filet de la sécurité sociale, il n’aime pas l’oligarchie, c’est un bourreau de travail qui prend parfois une pause pour jouer au basket  et c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire. Voilà qui contraste avec la liste mentionnée ci-dessus des friandises juteuse concernant Clinton.

Trump ne pourra pas faire autant le clown lors d’un débat avec Sanders, pour la simple raison que Sanders est obnubilé et oriente toutes les conversations sur le sort des pauvres de l’Amérique dans le cadre du système économique actuel. Si Trump raconte des blagues, cela va tomber à plat et serait perçu comme rabaisser les pauvres, pas une très bonne idée donc pour un milliardaire, ancien de l’Ivy League face à un fonctionnaire de la classe ouvrière et vétéran du mouvement des droits civiques. Au lieu de cela, Trump sera contraint de faire ce qu’Hillary Clinton a été forcée de faire au cours de la primaire, à savoir se faire passer autant que possible pour Bernie Sanders. Pour Trump, être sérieux et arrêter son cirque sera dévastateur pour son charisme inégalable.

Trump est un parasite ayant soif d’attention, et ces créatures ne sont puissantes que lorsque qu’on leur cède et qu’on leur prête attention. Clinton sera forcé de prêter attention à Trump à cause de l’évocation constante de ses scandales. Elle va tenter d’aller au devant de lui. Elle va, en d’autres termes, nourrir le troll. Sanders, en revanche, va presque certainement se comporter comme si Trump n’était même pas là. Il est peu probable qu’il tombe dans les pièges de Trump, parce que Sanders ne se soucie même pas d’écouter tout ce qui ne parle pas de sauver la sécurité sociale ou la classe moyenne en voie de disparition. Il va presque certainement sembler ignorer qui est Trump. Les publicités de Sanders seront semblables à celles qu’il a utilisées pendant les primaires, mettant en vedette des images édifiantes de l’Amérique, les sentiments ambitieux sur ce que nous pouvons être ensemble, et des témoignages émouvants d’Américains ordinaires. Mettre une telle dignité authentique et de tels bons sentiments face à la course à la bouffonnerie de Trump sera finalement comme verser de l’eau sur la méchante sorcière. Hillary Clinton ne peut pas le faire ; avec elle, la campagne va inévitablement rouler dans le caniveau, et l’imparable menace d’un Trump qu’on ne peut faire taire, va continuer à croître, toujours plus grande.

Bien sûr, les Américains sont toujours nerveux sur le socialisme. Mais ils sont moins nerveux qu’ils ont pu l’être, et Bernie fait du bon travail en dépeignant le socialisme comme étant à peine plus que des congés payés familiaux et des congés maladie (une proposition discutable, mais on est à côté de la question.) Ses politiques sont populaires et résonnent avec le sentiment national actuel. C’est risqué, certes. Mais le père fouettard de l’Union soviétique a disparu depuis longtemps, et tout le monde est appelé socialiste ces derniers temps, peu importe leur politique. Il est possible que les électeurs hésitants détestent le socialisme plus qu’ils ne détestent Hillary Clinton, mais dans ces temps de mécontentement économique, on ne devrait probablement pas parier là-dessus.

Mais même si cela était exact de dire que Sanders était en train de perdre (au lieu de perdre progressivement de moins en moins), cela devrait seulement motiver tous les démocrates à travailler plus dur pour s’assurer qu’il soit nommé. Le soutien à Sanders devrait augmenter en proportion directe de la peur de Trump. Et si Trump est le candidat, Hillary Clinton devrait sortir de la course et apporter chaque once de son énergie au soutien de Sanders. Si cela ne se produit pas, les conséquences d’une présidence Trump qui en résulteraient pour les musulmans et les immigrés mexicains seraient pleinement de la responsabilité de Clinton et du Parti démocrate. Laisser un candidat qui ne peut pas gagner, ou qui représente un pari à très haut risque, c’est jouer imprudemment avec la vie de millions de personnes. Tant de choses dépendent de voir Trump battu ; une défaite de principe ne signifiera rien pour les déportés, ou pour ceux qui seront malmenés par les milices de Trump ou exécuté avec des balles trempées dans du sang de porc.

Trump contre Clinton apparaîtra pour la plupart des Américains comme un choix entre quelque chose de nouveau et de risqué, et quelque chose de vieux et de corrompu. En 2016, qui pensez-vous que le public va choisir ?

Si les démocrates nomment bêtement Hillary Clinton, ils seront les seuls à blâmer pour une présidence Trump.

Michael Krieger

Note du Saker francophone

Le Saker francophone ne poursuit pas une mission de promotion de Donald Trump mais suit avec attention les éléments de la campagne US d'un point de vue anti-système. Les balles trempées dans le sang de porc et sans doute à destination des musulmans rappellent les heures les plus sombres de notre histoire, une diabolisation de bas étage, hors de toute proportion réelle, indiquant la panique qui commence à grimper dans l'establishment à Washington.

Trump est tout seul, et face à une administration et à des chambres hostiles, on ne peut que lui demander d'arrêter la folle course de la globalisation. Il devrait juste pouvoir ouvrir sérieusement les enquêtes fédérales pour mettre au jour les secrets les plus inavouables du régime US. Mais un Sanders pourrait potentiellement tout aussi bien faire l'affaire. Si cela peut en plus permettre aux Syriens de souffler après cinq ans de guerre, plus personnes ne pouvant se prévaloir du soutien de l'armée US trop occupée à nettoyer les écuries d'Augias, on pourra toujours remercier le prochain président anti-Système US.

Sinon juste pour savoir, qui a écouté Trump ? Disons plus de dix secondes, disons même un débat entier.

Pas moi. Je me suis contenté de suivre la diabolisation dont il fait preuve, un peu pris dans l'ambiance du Trump bashing. Alors voici un article de quelqu'un qui a pris le temps. Je vous laisse juge.

UN ÉLÉPHANT, ÇA TRUMP, ÇA TRUMP… UN ÉLÉPHANT, ÇA TRUMP ÉNORMÉMENT

Traduit par Hervé, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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