L’OTAN n’est qu’une organisation zombie


Par Douglas Macgregor – Le 31 mars 2019 – National Interest

Comment savoir si une personne est vraiment morte ? On vérifie son pouls.
Walter Russell Mead a pris le pouls de l’Alliance atlantique dans un récent éditorial et en a conclu que l’OTAN est en train de mourir. Mais Mead a tort. L’OTAN est simplement un zombie périodiquement réanimé par diverses méthodes, généralement par la magie vaudou.

Pourtant, la réanimation a ses limites. Même les zombies finissent par mourir. Avec la Géorgie, un petit État du Caucase coincé entre la Russie, la Turquie et l’Iran, qui fait pression pour devenir le plus récent membre de l’OTAN, il est utile de comprendre pourquoi.

Quand l’OTAN a commencé à mourir avec la disparition de la menace soviétique, le sénateur Richard Lugar a été parmi les premiers à conclure, en 1993, que l’OTAN devait « quitter la région ou cesser ses activités ». On a alors assisté au premier puissant tour de magie vaudou qui a pris la forme d’une intervention militaire de l’OTAN, dirigée par les États-Unis, dans les Balkans, où l’OTAN a cherché à étendre la démocratie en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo entre 1994 et 1999, sous la menace des armes.

La réanimation a reçu un autre grand coup de pouce avec le « programme de partenariat pour la paix » de l’OTAN en 1994. Comme on pouvait s’y attendre, les Polonais, les Tchèques, les Hongrois et pratiquement tout le monde en Europe de l’Est, après avoir été forcés de vivre sous occupation soviétique après la Seconde guerre mondiale, ont cherché à devenir partenaires de l’OTAN. Pourquoi pas ? Quel État d’Europe de l’Est ne désirait pas une ligne directe avec Washington DC, qui de plus promettait une assistance militaire contre la menace russe que tous craignaient encore ?

La politique intérieure américaine a également joué son rôle. Le président Bill Clinton s’est prononcé en faveur de l’élargissement de l’OTAN lors de sa campagne de réélection en octobre 1996. Il n’y avait rien de sinistre dans ce choix. Clinton ne faisait que chercher à attirer les votes des Polonais et des Européens de l’est vivant dans le Midwest, étant d’accord avec le sénateur Bob Dole qui se présentait également en prônant l’expansion de l’OTAN.

Mystérieusement, les promesses faites au président Mikhaïl Gorbatchev par le président des USA George H. W. Bush ; le premier ministre du RU Margaret Thatcher ; le président français François Mitterrand ; le chancelier allemand Helmuth Kohl et leurs ministres des Affaires étrangères en 1990 – de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est et de ne pas étendre l’adhésion à l’Alliance de l’OTAN aux anciens États membres du Pacte de Varsovie – ont été ignorées. Pourquoi cet important engagement stratégique pris par les principaux dirigeants de l’OTAN envers le président russe Gorbatchev a-t-il été ignoré ?

Car, dans les années 1990, la menace russe était inexistante et il n’y avait aucune raison de penser qu’elle reviendrait. Mais le président Clinton et les sénateurs qui étaient théoriquement chargés de superviser la conduite de la politique étrangère et de sécurité des États-Unis ont été hypnotisés par la perspective d’être du bon côté de l’histoire et de collecter des fonds de campagne.

Compte tenu de l’appétit vorace du Congrès pour l’argent liquide, les industries de la défense se sont clairement intéressées à l’expansion de l’OTAN et ont trouvé des moyens d’en faire la promotion. Les ventes d’armes aux pays d’Europe de l’Est invités à adhérer à l’OTAN promettaient d’énormes profits. Bruce Jackson, vice-président de Lockheed de 1993 à 2002, s’est empressé de mettre sur pied le Comité pour l’élargissement de l’OTAN et aurait utilisé les contributions des entreprises du domaine de la défense pour faire pression sur le Congrès en faveur de l’expansion de l’OTAN.

Après 2001, à peu près n’importe quoi pouvait être, et était, caractérisé comme une menace existentielle pour le peuple américain : Le terrorisme islamiste ou le califat mondial ; la Chine ; l’Iran ; le Venezuela ; Cuba et, en 2012, une Russie résurgente. Les budgets de la défense ont augmenté et les forces américaines sont maintenant en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Europe de l’Est. Au terme du premier mandat du président Obama, Moscou était convaincue que l’expansion de l’OTAN par Washington, combinée à sa présence illimitée en Afghanistan et au Proche-Orient, constituait un plan coordonné pour rendre la situation stratégique de la Russie insoutenable.

Comme George Kennan l’a souligné il y a des décennies, le sentiment d’insécurité des Russes est profond. Le tempérament national russe tend vers une mentalité d’assiégé avec un ennemi permanent caché derrière les murs. À tort ou à raison, le président Vladimir Poutine personnifie cette perspective.

Le président Poutine a resserré son emprise sur les 140 millions de citoyens russes avec des lois et une gouvernance qui offensent les sensibilités occidentales, mais les politiques de Poutine ont sans doute aidé la Russie à résister à l’impact de sanctions dommageables après son annexion de la péninsule de Crimée, région qui est sous contrôle russe depuis plus longtemps que le Texas est sous contrôle des États-Unis. Malgré une économie qui se situe derrière celle de la République de Corée, un pays de quarante-neuf millions d’habitants, le président Poutine a rétabli la puissance militaire de la Russie et son image au niveau national.

La paranoïa de Poutine a conduit certains observateurs à suggérer que Poutine prépare la Russie à un affrontement militaire avec l’Occident. C’est une exagération, mais ce serait une erreur de douter de la détermination de Poutine à protéger les droits de la Russie dans son propre hémisphère.

Aujourd’hui, la Géorgie s’apprête à adhérer à l’OTAN. La Géorgie comme le Monténégro (et la plupart des membres de l’OTAN) est en passe de devenir un autre protectorat militaire des États-Unis, pas un allié. À moins que le président Trump ne veuille que Moscou conclue que la Géorgie sera une future plate-forme d’attaque contre la Russie, l’Iran ou une autre puissance régionale, le président Trump devrait simplement dire « Non ! »

Il est temps que le zombie de l’OTAN expire. Charles De Gaulle avait raison : « L’Angleterre est une île et les États-Unis ne sont pas en Europe. »

Le colonel Douglas McGregor (à la retraite) est un vétéran médaillé, a un doctorat et est l’auteur de cinq livres.

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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