La dernière révolution thématique de la CIA : la révolution du canard jaune au Brésil


Wayne Madsen

Wayne Madsen

Par Wayne Madsen – Le 24 mars 2016 – Source Strategic Culture

La dernière révolution thématique concoctée par l’aile soft power des agents de l’Agence centrale de renseignements (CIA) dans les corps législatifs de la fédération et des états du Brésil, les médias commerciaux, les tribunaux et les bureaux des procureurs – tous stimulés par l’appui financier des organisations non gouvernementales de George Soros – est la Révolution du canard jaune.


De grands canards jaunes gonflables – qui représenteraient le charlatanisme économique de la présidente Dilma Rousseff et de son gouvernement du Parti des travailleurs – sont apparus dans des manifestations de rue financées par les États-Unis à Brasília, Rio de Janeiro et São Paulo. On trouve les principaux coordinateurs de ces manifestations dans les plus grandes fédérations d’entreprises et les plus grands conglomérats de médias commerciaux du Brésil, et tous ont des liens avec des organisations nationales à but non lucratif comme Vem Pra Rua (À la rue) – une appellation typique de Soros – et Free Brazil Movement (Mouvement Brésil libre), financées à leur tour par les suspects habituels, le National Endowment for Democracy – NED [Fondation nationale pour la démocratie], la US Agency for International Development – USAID [Agence étasunienne pour le développement international], et l’Open Society Institute [Institut pour une société ouverte] de Soros.

Après avoir essayé d’organiser la défaite électorale de la présidente progressiste de gauche du Brésil, Dilma Rousseff, par la combinaison de l’assassinat du candidat à la présidentielle (l’assassinat aérien d’Eduardo Campos en 2014 afin d’ouvrir la voie de la présidence à Marina Silva, la candidate verte appartenant à Wall Street, co-listière de Campos pour la vice-présidence), de manifestations de rue rémunérées et d’une propagande des médias commerciaux, les fantômes de Langley tentent maintenant d’obliger Rousseff à quitter son poste au travers d’une procédure de destitution Made in America. Consciente que le prédécesseur progressiste et mentor de Rousseff, Luiz Inacio Lula da Silva, était visé par les procureurs brésiliens payés par la CIA, pour être arrêté et poursuivi pour corruption, elle l’a nommé à un poste ministériel dans son gouvernement, ce qui lui assure l’immunité contre les poursuites pénales. Lula n’est devenu une cible que parce qu’il a mentionné son désir d’être candidat à la présidence après la fin du mandat de Rousseff en 2019.

Le Parti des travailleurs souligne, à juste titre, que les manœuvres de destitution de son mandat contre Rousseff et les opérations judiciaires contre elle et Lula, viennent de Washington. Des opérations de la même eau, menées par la CIA sous couvert de la loi ont été dirigées contre les présidents Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine, Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie, Nicolas Maduro au Venezuela, Fernando Lugo au Paraguay et Manuel Zelaya au Honduras. Dans les cas de Lugo et Zelaya, les opérations ont réussi et les deux dirigeants ont été chassés du pouvoir par les forces de droite soutenues par la CIA.

Depuis leur début en 2014, les manifestations contre Rousseff ont adopté la construction typique des révolutions thématiques de Soros. Comme lors des manifestations du Printemps arabe, inspirées par Soros et alimentées par la CIA, en Égypte, en Libye, en Syrie et en Tunisie, et l’Euro-Maïdan en Ukraine, le mouvement Vem Pra Rua et le Mouvement pour un Brésil libre qui lui est associé, ne sont fondamentalement rien de plus que des campagnes politiques capitalistes reposant sur Facebook, Twitter, ainsi que les chaînes de télévision et de radio, les journaux et les sites internet favorables à l’insurrection.

En plus des canards jaunes gonflables, les manifestations ont été caractérisées par des poupées gonflables rapidement fabriquées de Lula revêtu d’une tenue de prisonnier noire et blanche et par un panneau caricaturant Rousseff barré en diagonale d’un Non rouge. Le matériel des manifestations, qui comprend aussi des drapeaux et des vêtements verts et jaunes, est un signe révélateur des sommes d’argent importantes soutenant la supercherie de cette guerre psychologique.

Les procureurs brésiliens, membres du personnel de Langley, ont arrêté le populaire Lula après avoir organisé une descente policière massive dans sa maison. La police a aussi arrêté l’ancienne première dame du Brésil, l’épouse de Lula, Marisa Leticia. Lula a dit qu’il s’est senti enlevé par la police. En 2009, les troupes honduriennes ont effectivement enlevé le président Manuel Zelaya au milieu de la nuit et l’ont détenu dans une cellule militaire avant de l’expulser du pays. Cette opération, comme celle contre Lula et Rousseff, était soutenue non seulement par la CIA et la NSA, mais par le Centre de commandement des États-Unis pour l’Amérique du Sud à Miami. Le coup d’État hondurien était aussi soutenu par la Cour suprême du Honduras. Pour éviter une nouvelle arrestation de son prédécesseur, Rousseff a nommé Lula chef de cabinet, un poste ministériel qui offre à Lula une certaine protection contre le harcèlement continuel des poursuites et des procédures judiciaires de la Cour fédérale.

Le 16 mars, le juge Sergio Moro, qui est chargé de l’opération Lava-jato (Car wash), l’enquête de deux ans sur Petrobras et les soupçons de corruption impliquant Rousseff et Lula, a divulgué l’enregistrement de deux communications téléphoniques interceptées entre la présidente et l’ancien président. La conversation mise sur écoute portait notamment sur les projets de Rousseff de nommer Lula chef de cabinet, un poste ministériel, comme un moyen de lui garantir une certaine protection contre le coup de force judiciaire soutenu par la CIA actuellement en cours. Rousseff avait été auparavant chef de cabinet de Lula. Des documents classifiés de l’Agence nationale de sécurité divulgués par le lanceur d’alerte Ed Snowden illustrent comment la NSA a espionné le cabinet et les téléphones mobiles de Rousseff. Le président Obama a proclamé qu’il avait ordonné de mettre fin à cet espionnage des dirigeants mondiaux amicaux à l’égard des États-Unis. La déclaration d’Obama était fausse.

Le nom du juge Sergio Moro apparaît dans l’une des dépêches du Département d’État qui ont été divulguées. Le 30 octobre 2009, l’ambassade étasunienne à Brasília a rapporté que Moro assistait à un colloque financé par l’ambassade à Rio de Janeiro, qui s’est tenu du 4 au 9 octobre. Intitulée Illicit Financial Crimes [Délits financiers illicites], le colloque semble avoir été un moyen, pour la CIA et d’autres agences de renseignement étasuniennes, d’entraîner les organes de répression de l’État fédéral du Brésil ainsi que d’autres responsables des polices d’Amérique latine, l’Argentine, le Paraguay, Panama et l’Uruguay, à des méthodes pour monter des poursuites criminelles bidon contre les dirigeants latino-américains considérés comme hostiles aux États-Unis. La dépêche du Département d’État depuis Brasília dit: «Moro […] a analysé les 15 thèmes principaux qu’il voit dans les cas de blanchiment d’argent traités par les tribunaux brésiliens.»

Un élément qui ne figurait pas sur l’ordre du jour du séminaire de l’ambassade étasunienne était l’espionnage secret par la NSA des communications de Rousseff, Lula et la compagnie pétrolière brésilienne d’État, Petrobras. Recourant à une technique connue sous le nom de construction parallèle des poursuites pénales, des procureurs étasuniens, étant donné leur accès aux communications illégalement interceptées, ont lancé des poursuites contre des citoyens américains, basées sur l’utilisation sélective d’enregistrements réalisés sans mandat. Si de telles tactiques peuvent être utilisées aux États-Unis, elles peuvent certainement l’être contre des dirigeants comme Rousseff, Lula et d’autres. Les enregistrements des conversations téléphoniques entre Rousseff et Lula de l’opération Car wash qui ont été fournies aux médias par le juge Moro, trouvent peut-être leur origine dans la NSA et sa base de données XKEYSCORE d’enregistrement des communications du gouvernement et des entreprises du Brésil, réalisées par des mises sur écoute sous les noms de code de KATEEL, POCOMOKE et SILVERZEPHYR.

Dans ce qu’on pourrait appeler la doctrine Obama, la CIA a changé son plan de jeu pour renverser des gouvernements légitimes en utilisant ostensiblement des moyens légaux. Plutôt que de se reposer sur les généraux et les tanks d’une junte militaire pour imposer sa volonté, la CIA, en lieu et place, a employé des procureurs, des juges, des dirigeants de partis d’opposition, des éditeurs de journaux et des administrateurs de sites internet ainsi que des mobilisations recourant à des artifices publicitaires – des canards jaunes gonflables, des marionnettes en papier mâché et des t-shirts fraîchement sérigraphiés, des drapeaux et des banderoles – comme facilitateurs de la révolution thématique.

Comme le montrent les dépêches du département d’État qui ont fuité, la CIA a identifié un grand nombre d’agents d’influence sur lesquels elle peut compter pour fournir des renseignements sur Rousseff et sur Lula. Ces sources ont inclus des hauts dirigeants du Parti des travailleurs, des responsables de Petrobras impatients de voir leur compagnie vendue aux fonds vautours étrangers les plus offrants, les dirigeants de la Banque centrale brésilienne et les officiers du service de renseignement militaire brésilien qui avaient été entraînés au départ par les services secrets et les agences militaires des États-Unis.

En plus du Brésil, d’autres pays membres des BRICS ont aussi vu les États-Unis accroître leurs efforts pour organiser des révolutions thématiques. L’Afrique du Sud est sur la liste des cibles, comme la Russie et la Chine.

Wayne Madsen

Traduit par Diane, vérifié par Wayan relu par Diane pour le Saker francophone

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