Washington s’apprête à sacrifier l’Europe [3/3]


L’Europe ne veut pas aller à l’abattoir pour servir les intérêts de Washington… Peut-elle s’y opposer ?


«...Oui, jusqu’à maintenant, la guerre économique que les États-Unis livrent à la Russie par Européens interposés n’a pas tourné à la grande confrontation militaire sur les territoires russe et européen : voilà la plus grande réussite de Merkel.»

Par Dmitry Kalinichenko – Le 9 juillet 2015 – Source Fort Russ

Ces derniers temps, l’Europe, qui est la première à souffrir de la guerre économique menée contre la Russie par les États-Unis, a commencé à comprendre. Les peuples et les entreprises de l’Union européenne, qui paient pour les sanctions, sont de moins en moins d’accord de servir de pion sacrifiable à Washington.

L’Europe, grande productrice de biens manufacturés, commence à comprendre qu’un produit, c’est d’abord de l’énergie injectée dans un moule d’une certaine forme. Suivant docilement les ambitions géopolitiques des États-Unis, l’Europe a repoussé la Russie vers l’Est et l’Asie, ce dont les pays asiatiques ont aussitôt profité. Se privant elle-même de l’opportunité d’approvisionnements énergétiques futurs venant de Russie, l’Europe s’est ainsi privée de la possibilité de les transformer en produits : produits industriels et produits agricoles.

On fait souvent la distinction entre produits à forte consommation d’énergie et produits à faible consommation d’énergie. Mais sans énergie, impossible de fabriquer quoi que ce soit. Et sans énergie à bon prix, impossible de produire des produits peu chers. Donc, l’Europe, emmenée par les États-Unis vers un brillant avenir démocratique de fidèle vassal, se dirige sans ciller vers la perte de sa compétitivité sur les marchés mondiaux, face aux produits similaires mais moins chers fabriqués en Amérique et en Asie.

La transformation de la zone Euro en une zone sous-compétitive prend forme sous nos yeux avec la perte du marché russe. C’est une catastrophe pour tous les secteurs exportateurs de l’Union européenne.

Si nous laissons de côté les slogans et les grandes déclarations sur les valeurs, pour nous en tenir uniquement aux chiffres, c’est très net : privée d’approvisionnements énergétiques bon marché et coupée du marché russe – pourtant le marché le plus prometteur pour ses produits – l’Union européenne ne pourra pas garder son rang dans le monde.

Auparavant, seuls les partis d’opposition et les milieux d’affaires avaient tiré la sonnette d’alarme, mais aujourd’hui ce sont les dirigeants qui le disent, comme on peut le voir sur ces sites russes : Ria Novosti, Media Expert, Vedomosti Economics et NTV.

Ne tirez pas sur la chancelière

Les peuples européens, comme le peuple russe, ont reçu un ultimatum de Washington : «Soit vous écoutez notre demande, et vous faites une vraie guerre à la Russie, soit vous crevez sous les sanctions que nous allons introduire continuellement contre la Russie, à vos dépens.»

Les peuples européens ne veulent pas mourir dans une guerre contre la Russie, au nom de la domination et de la prospérité des États-Unis. Mais ils ne peuvent pas ouvertement refuser les ordres de Washington. C’est pour cela que les sanctions continuent, malgré la dégradation du niveau de vie, que Washington s’autorise, à la fois pour les Européens et pour les Russes.

Des États qui ne décident plus de leur politique étrangère sont des vassaux, ayant perdu le contrôle de leur avenir. La Russie et la Chine le savent depuis longtemps. En Europe, avec la détérioration des conditions de vie et des indicateurs économiques, cela devient aussi de plus en plus clair. Par conséquent, on entend de plus en plus de critiques contre la chancelière allemande, Madame Merkel. Frau Merkel est maintenant rendue responsable de tout ce qui se passe en Europe, qu’elle le mérite ou non. Mais peu parmi ces critiques se rendent compte de la situation inextricable dans laquelle elle se trouve.

Merkel ne peut pas suivre les ordres de Washington à la lettre. Parce que ce serait la guerre entre l’Europe et la Russie. Mais Merkel ne peut pas non plus se retourner vers la Russie. Parce qu’au premier geste de rapprochement entre l’Europe et la Russie, les États-Unis n’hésiteraient pas à détruire l’Europe économiquement et organiseraient l’arrivée du chaos, suivant le principe d’Othello : «Puisque c’est ainsi, tu n’appartiendras à personne. » L’Europe est dans une telle mauvaise passe, politiquement et économiquement, que Washington n’aurait aucune difficulté à y mettre le feu.

Peu importe les critiques sur la politique intérieure et étrangère de Merkel, il ne faut pas oublier sa réussite la plus remarquable. Cette réussite, qu’on appelle la paix, est plus importante que tous les ratés et les erreurs de Frau Merkel. Oui, jusqu’à maintenant, la guerre économique que les États-Unis livrent à la Russie par Européens interposés n’a pas tourné à la grande confrontation militaire sur les territoires russe et européen : voilà la plus grande réussite de Merkel. Utilisant les ressources qui lui restent, Merkel empêche délibérément la confrontation militaire entre l’Union européenne et la Russie, tant désirée par Washington. C’est en cela que nous pouvons dire que Merkel a un vrai sens de la diplomatie. On peut la critiquer sur beaucoup de sujets, mais n’oublions jamais cela.

A suivre

Traduit du russe par Kristina Rus

Traduit de l’anglais par Ludovic, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone

Nous ne partageons pas l’indulgence de l’auteur pour Mme Merkel. S’il n’y a pas de guerre en Europe, c’est uniquement dû à la tempérance de Poutine, à l’arsenal militaire russe et à l’impotence de l’Otan. Par contre, sa politique en Europe risque bien d’y provoquer une guerre civile. Voir déjà les frictions qui naissent en Transylvanie entre les Hongrois et les Ukrainiens, suite au coup d’État en Ukraine, qu’elle a largement soutenu, sans évoquer les risques de dérapage de la crise économique en Grèce.

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