Que signifie la victoire de Trump pour les États-Unis, la Russie et le monde

Par Dmitry Trenin – Le 7 novembre 2024 – Source RT

L’élection présidentielle de cette semaine aura été un tournant pour les États-Unis. L’impressionnante victoire de Donald Trump signifie, à première vue que, sur les principaux sujets de préoccupation de l’électorat américain – l’économie et l’immigration – les citoyens ont trouvé ses positions plus convaincantes que celles proposées par la vice-présidente Kamala Harris. De plus, il est clair que les Américains, lors du choix d’un chef d’État, préféraient une personnalité manifestement plus forte.

De plus, le retour imminent de Trump à la Maison Blanche signifie l’échec de l’énorme effort de propagande du Parti démocrate pour dépeindre le républicain comme un criminel, un fasciste et un agent du Kremlin.

La victoire de Trump est aussi un coup majeur porté à l’agenda des forces mondialistes libérales occidentales dans son ensemble. Les forces nationalistes de droite en Europe – que ce soit au gouvernement (Hongrie) ou dans l’opposition (France, Allemagne) – ont acquis un allié puissant. Ce n’est certainement pas la fin du mondialisme libéral, mais au moins un recul forcé temporaire. Quant au tristement célèbre État profond, n’ayant pas réussi à empêcher la victoire électorale de Trump, il devra maintenant essayer de le prendre dans son étreinte pour l’étrangler. Les États-Unis entrent dans une période d’incertitude politique, mais en même temps, la nature indéniable du triomphe de Trump réduit considérablement la probabilité d’émeutes de rue et de violences de masse.

Le transfert de la Maison Blanche et d’au moins une chambre du Congrès (le Sénat) sous contrôle républicain signifiera un durcissement de la politique étrangère de Washington envers les alliés des États-Unis. La tendance à transférer le fardeau des dépenses militaires et financières à l’appui des « intérêts du monde libre » vers ses pays alliés remonte au premier mandat de quatre ans de Trump et n’a pas été interrompue sous Joe Biden. Malgré les craintes atlantistes, il est peu probable que l’OTAN soit abolie, mais le bloc coûtera beaucoup plus cher aux Européens de l’Ouest. Les alliés asiatiques seront également invités à investir davantage dans la confrontation avec la Chine, qui a également commencé sous Trump-45eme et s’intensifiera sous Trump-47eme. Au Moyen-Orient, en revanche, les États-Unis seront plus actifs et ouverts dans leur soutien à Israël, ne dissimulant plus ce soutien par des critiques sélectives.

Les pays que les États-Unis considèrent comme une source de menace pour leur position d’hégémon mondial seront soumis à la pression de l’administration Trump. Cela vaut d’abord et avant tout pour la Chine et l’Iran. Pékin fera face à une opposition accrue de Washington au développement économique et surtout technologique de la Chine, ainsi qu’au renforcement du système américain d’alliances militaires et politiques. Washington forcera plus activement ses alliés européens – contre leurs intérêts et leurs souhaits – à se joindre à la campagne de pression économique sur la Chine. L’Iran fera également l’objet d’une hostilité accrue, à la fois directement et par un soutien accru à Israël.

Trump est connu pour ses déclarations sur la menace d’une Troisième Guerre mondiale et sa volonté de mettre fin à la guerre en Ukraine « en 24 heures« . Reconnaître le danger que le conflit indirect actuel entre l’Occident et la Russie dégénère en affrontement direct est un élément positif de la rhétorique de campagne de Trump. La politique d’escalade des combats de l’administration Biden-Harris conduisait à la menace d’une guerre nucléaire. Quant à la volonté de mettre fin à la guerre, il faut comprendre, d’une part, qu’il ne sera pas possible de le faire « en 24 heures » et, d’autre part, que « mettre fin à la guerre » ne signifie pas « arrêter les combats » mais résoudre les problèmes qui y ont conduit.

Parler d’une cessation des hostilités le long de la ligne de contact existante ne sera probablement pas pris au sérieux à Moscou. Un tel scénario ne serait rien de plus qu’une pause, après quoi le conflit éclaterait avec une vigueur renouvelée et probablement une intensité plus grande. La nature du futur régime ukrainien, son potentiel militaire et militaro-économique et le statut militaro-politique de Kiev revêtent une importance primordiale pour la Russie. De plus, les nouvelles réalités territoriales doivent être prises en compte.

Il sera difficile de s’attendre à ce que la nouvelle administration Trump accepte un dialogue de fond sur ces questions, et encore moins de prendre en compte les intérêts fondamentaux de Moscou. Si elle le souhaite, le dialogue commencera, mais même dans ce cas, l’accord est loin d’être garanti. Un autre problème est celui de ce qui peut être considéré comme des garanties satisfaisantes dans des conditions où les deux parties ne se font pas du tout confiance. Les deux accords de Minsk (en 2014 et 2015) ont été violés, et la troisième tentative – paraphée à Istanbul en 2022 – a été contrecarrée, une quatrième est donc peu probable.

La seule garantie sur laquelle la Russie peut compter est une garantie par et pour elle-même. La bonne nouvelle pour l’instant est que Trump dit qu’il veut réduire l’aide militaire à l’Ukraine. Malgré la compensation partielle probable de cela par un soutien supplémentaire de l’Europe occidentale à Kiev, si cela se produit, cela rapprochera la paix.

Dmitry Trenin

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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