Un regard critique, bien que russe, sur le commandement militaire russe en Ukraine


Par Igor Strelkov – Le 8 décembre 2022 – Source South Front

L’ancien ministre de la défense de la RPD, Igor Strelkov, a rejoint les forces armées de la RPD en tant que volontaire en octobre. Après qu’il a annoncé être parti au front, la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine a offert 100 000 dollars pour sa capture.

Cependant, le célèbre commandant militaire russe a rapidement été exclu des rangs de la milice populaire de la RPD pour des raisons inconnues. Après l’échec de sa « tentative n° 3 de prendre part aux hostilités contre les forces armées de partenaires de Kiev« , Strelkov est rentré à Moscou et a continué à couvrir le conflit militaire sur ses comptes de médias sociaux.

Après son retour du Donbass, Strelkov a décrit certaines de ses impressions :

Brièvement, voici quelques impressions de mon voyage, qui a été infructueux, mais pas inutile (puisque mes yeux et mes oreilles sont restés avec moi, et ma tête fonctionne aussi).

Bien sûr, j’ai l’intention de garder avec moi l’écrasante majorité de mes impressions et conclusions afin de « ne pas discréditer« .

Quant à mes impressions positives, je les partagerai dans le cadre des prochaines (je l’espère) vidéoconférences ; mais elles sont moins nombreuses que les négatives.

Je me contenterai pour l’instant de noter qu’au cœur de toutes nos « victoires dont le nombre augmente » sur les fronts et suivant les objectifs de l’Opération militaire spéciale se trouve la crise la plus profonde de la planification stratégique. En termes simples, les troupes se battent « par inertie« , sans avoir la moindre idée des objectifs stratégiques ultimes de la campagne militaire en cours et en devinant seulement les vagues plans du commandement pour des gestes aussi grandioses et insensés que la construction de la « ligne Surovikin« , totalement insensée en termes d’inutilité (mais extrêmement coûteuse).

Dans la plupart des secteurs des forces armées de la Fédération de Russie, les soldats et les officiers ne comprennent pas : pourquoi et pour quels objectifs ils se battent. C’est un mystère pour eux : quelle sont les conditions pour une victoire ou simplement la condition de la fin de la guerre ?

Les autorités de la Fédération de Russie ne sont pas en mesure de leur expliquer cela, car fixer un objectif clair à l’opération militaire spéciale signifie « limiter leur marge de manœuvre« . C’est-à-dire perdre la possibilité de déclarer les objectifs de l’opération militaire spéciale atteints, à tout moment que les dirigeants du Kremlin jugent opportun pour eux. (Je rappelle une fois de plus que la « réconciliation avec les adversaires« , passionnément souhaitée, pour laquelle de nombreuses mesures sont encore prises, mesures qui démoralisent pourtant la société et l’armée, est fondamentalement irréalisable, mais au Kremlin et sur la place Staraya, on ne veut en aucun cas l’admettre).

En particulier, de tels sentiments dans les troupes conduisent à l’apathie. À son tour, une telle apathie conduit à une baisse du moral et à l’accomplissement des tâches fixées « pour le spectacle » et « par les manches », sans réel intérêt pour leur réussite. Ainsi, dans les Forces armées de la Fédération de Russie (et dans certaines parties des Forces armées de la RDPL, bien que la motivation des combattants soit bien plus grande), l’apathie prévaut.

L’absence d’une stratégie militaro-politique claire ne permet pas aux militaires d’élaborer des tactiques qui contribueront à sa mise en œuvre. Jusqu’à présent, sans autorisation préalable, les forces armées de la Fédération de Russie se préparent à une guerre de position prolongée, en construisant des structures à long terme sur l’ensemble du front « à la Mannerheim line » (elles ne sont pas assez nombreuses pour faire une « ligne Maginot« ). Le fait de suivre la stratégie d’une guerre prolongée est un suicide pour la Fédération de Russie (et ses autorités et élites – aussi, d’ailleurs). J’ai écrit cela en 2014, et l’ai dit (plus d’une fois et pas seulement deux), dès le début de la campagne actuelle.

Par conséquent, en observant comment l’ennemi met en œuvre sans hâte (et sans rencontrer d’opposition) ses propres tâches stratégiques au milieu de la passivité totale des autorités militaires et politiques de la Fédération de Russie, je ne m’attends à rien de bon dans les semaines à venir sur le front.

Et, oui, – la soi-disant « Ukraine » ne gèlera PAS cet hiver, ne se rebellera PAS et ne se battra pas plus mal. Ce sera plutôt l’inverse. Ses soldats, qui ont déjà cru en leurs forces à la suite des victoires des FAU en automne et qui sont pleinement soutenus par l’OTAN, ne seront que plus furieux et plus obstinés à se battre contre les « Moscovites« , pour venger les épreuves que leurs parents et leurs proches sont obligés de supporter à l’arrière. Par contre, nos soldats ne seront confrontés qu’à l’accomplissement apathique du devoir officiel, derrière lequel de nombreux combattants et commandants se posent depuis longtemps cette question non résolue : « Et que faisons-nous ici si Moscou se préoccupe surtout de la mise en œuvre de « l’accord sur les céréales », du pompage sans entrave de l’ammoniac à travers Odessa et des « prix plafonds » pour le gaz et le pétrole fournis à de nombreux partenaires occidentaux ? »

Igor Strelkov

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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