Ukraine. Les obstacles à un accord de paix


Par Moon of Alabama – Le 6 décembre 2025

En ce qui concerne l’Ukraine, la nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis explique :

Il est dans l’intérêt fondamental des États-Unis de négocier une cessation rapide des hostilités en Ukraine, afin de stabiliser les économies européennes, d’empêcher une escalade ou une expansion involontaire de la guerre et de rétablir la stabilité stratégique avec la Russie, ainsi que de permettre la reconstruction post-hostilités de l’Ukraine pour permettre sa survie en tant qu’État viable.

Les États-Unis poursuivent cette mission. Avec l’aide de la verticale ukrainienne de lutte contre la corruption (le Bureau National de Lutte contre la Corruption d’Ukraine (NABU), le Bureau du Procureur Spécialisé dans la Lutte contre la corruption (SAPO) et la Haute Cour Anticorruption (HACC), (institutions créés par les États-Unis après le coup d’État de Maidan en 2014), ils ont démis Andreij Yermak de ses fonctions de chef du bureau du président.

La prochaine étape consiste à faire pression sur le président par intérim Vladimir Zelensky pour qu’il accepte un accord de paix avec Moscou. Cela l’obligera à céder des terres que l’armée ukrainienne détient toujours.

Si Zelenski s’avère réticent à le faire, la verticale anticorruption ouvrira une procédure contre lui et le démettra de ses fonctions.

Un article sur la corruption ukrainienne dans le NY Times d’aujourd’hui peut être considéré comme un premier avertissement :

Le Gouvernement de Zelensky a saboté la surveillance, permettant à la corruption d’empirer (archivé)

Les dirigeants ukrainiens reprochent aux conseillers indépendants de ne pas avoir empêché la corruption. Une enquête du Times révèle que c’est la propre administration du président Volodymyr Zelensky qui avait supprimé les garde-fous.

Pour protéger leur argent, les États-Unis et les pays européens ont insisté sur la surveillance. Ils ont demandé à l’Ukraine d’autoriser des groupes d’experts extérieurs, appelés conseils de surveillance, à surveiller les dépenses, à nommer des dirigeants et à prévenir la corruption.

L’enquête du New York Times a révélé que, au cours des quatre dernières années, le gouvernement ukrainien a systématiquement saboté cette surveillance, permettant à la corruption de prospérer.

L’administration du président Volodymyr Zelensky a rempli les conseils d’administration de loyalistes, laissé des sièges vides ou les a empêchés de s’installer. Les dirigeants de Kiev ont même réécrit les chartes des entreprises pour limiter la surveillance, garder le contrôle du gouvernement et permettre de dépenser des centaines de millions de dollars sans que des étrangers s’en mêlent.

Les conseils de surveillance remplissent une fonction de surveillance essentielle, permettant à des experts indépendants, généralement d’autres pays, d’examiner les principales décisions au sein des entreprises publiques ukrainiennes.

N’est-ce pas ironique que le NY Times le sache « depuis quatre ans » et n’est que maintenant prêt à le révéler ? Il est bien évident que quelque chose a changé.

Alors que Zelenski est sur le point de partir, l’ancien Premier ministre Ioulia Timochenko pourrait devenir un remplaçant viable. Elle est probablement disposée (moyennant un prix) à faire tout ce que les États-Unis lui demandent. Elle a également l’ancienneté nécessaire pour pouvoir faire passer un accord devant la Rada ukrainienne.

Mais un autre obstacle à un accord de paix est la direction actuelle de l’armée ukrainienne. L’actuel commandant en chef, le général Alexander Syrski, n’est pas prêt à répondre à la demande russe qui sera au cœur de tout accord.

Dans une interview accordée à SkyNews, il refuse d’abandonner les terres dans le Donbass que ses troupes détiennent toujours :

En parlant franchement, le général Syrskyi, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, a signalé que les soldats de son pays continueraient à se battre si la diplomatie échouait – et il a averti que le sort de toute l’Europe était en jeu.

Notre mission principale est de défendre notre terre, notre pays et notre population”, a-t-il déclaré dans une interview exclusive au sous-sol d’un immeuble dans l’est de l’Ukraine. Sky News a été invité à ne pas divulguer l’emplacement pour des raisons de sécurité.

« Naturellement, pour nous, il est inacceptable de simplement céder du territoire. Qu’est-ce que cela signifie même – donner nos terres ? C’est précisément pour cela que nous nous battons ; donc nous n’abandonnons pas notre territoire. »

Syrski doit peut-être s’élever contre l’abandon de terres pour maintenir le moral de ses troupes. Mais l’intensité avec laquelle il le dit me permet de penser que ces sentiments sont authentiques :

Interrogé pour savoir si le sacrifice des personnes qui ont donné leur vie pour défendre leur pays serait vain si l’Ukraine était forcée de céder à Moscou les terres qu’elle contrôle encore dans le Donbass, le général Syrskyi, s’exprimant en ukrainien par l’intermédiaire d’un traducteur, a déclaré : « Vous savez, je ne me permets même pas d’envisager un tel scénario« .

« Toutes les guerres finissent par se terminer, et bien sûr, nous espérons que la nôtre se terminera également. Et quand c’est le cas, une paix juste doit être établie.

Selon moi, une paix juste est une paix sans conditions préalables, sans abandonner de territoire. Cela signifie s’arrêter le long de la ligne de contact actuelle. »

Le commandant est ensuite passé à l’anglais pour dire que cela signifie : « Arrêt des combats. Cessez-le-feu. Et après des négociations, sans aucune condition« .

Revenant à l’ukrainien, il a déclaré « Tout autre format serait une paix injuste, et pour nous c’est inacceptable« .

La Russie a déjà refusé d’arrêter les combats sur la ligne de front actuelle. Elle veut un accord de paix complet pour mettre fin définitivement au conflit. Une « paix juste » au sens de Syrski n’est tout simplement pas dans les discussions.

Il y a des signes que Syrski devient délirant. Depuis le 1er décembre, la partie russe affirme avoir complètement « libéré » Pokrovsk et encerclé la ville voisine de Myrnograd. La plupart des observateurs et des cartographes de guerre sont d’accord avec cette évaluation. Mais l’état-major ukrainien dirigé par Syrski rejette toujours les faits :

Les chefs militaires ukrainiens ont insisté : “Les opérations de recherche et d’assaut et l’élimination de l’ennemi dans les zones urbaines se poursuivent à Pokrovsk.

« Profitant des conditions météorologiques défavorables, les envahisseurs ont tenté à nouveau de planter un drapeau dans l’un des quartiers de la ville afin que les propagandistes puissent l’utiliser comme preuve qu’ils avaient pris le contrôle de toute la ville.

« Après cela, ils se sont enfuis précipitamment et le nettoyage du groupe ennemi se poursuit« .

Dans son interview sur SkyNews, Syrski fait de même :

Le général Syrskyi a offert son évaluation de la lutte sur le terrain, en disant :

« Les troupes ukrainiennes contrôlent toujours la partie nord de la ville forteresse de Pokrovsk dans le Donbass et continueront à se battre pour reprendre le reste, contrairement aux affirmations russes selon lesquelles elles ont capturé ce qui était une cible clé pour Moscou depuis les 16 derniers mois« 

Une telle bêtise a coûté la vie à de nombreux soldats ukrainiens.

– Aparté –

PBS vient de sortir un documentaire sur une attaque ukrainienne lors de sa contre-offensive de 2023 : 2000 mètres vers Andriivka (vidéo). (La vidéo est géo-clôturée. Les personnes qui ne se trouvent pas aux États-Unis auront besoin d’un serveur proxy américain pour la regarder.)

Le documentaire de 1h45 est authentique. Il utilise beaucoup de caméras implantées dans les  casques. Il suit un groupe de soldats au cours d’un combat de trois mois le long d’une limite forestière de 2 000 mètres de long vers un hameau tactiquement sans importance près de Bakhmut. Lorsque les soldats, après les pertes de mai, atteignent enfin le hameau complètement détruit, ils accrochent leur drapeau – à l’envers. Les forces russes ont récupéré l’endroit peu de temps après que cela se soit produit.

Alex Robert de History Legends en a publié une critique.

-Fin de l’Aparté –

Lorsque les États-Unis auront trouvé un gouvernement ukrainien prêt à accepter un accord de paix avec la Russie, ils devront rechercher un leadership militaire en Ukraine qui soutiendra et mettra en œuvre la décision.

Il est peu probable que le général Syrski soit disposé à le faire. Il n’a pas non plus la réputation de pouvoir forcer des unités individuelles à suivre ces ordres.

Moon of Alabama

Note du Saker Francophone

Pour avoir regardé ce film/documentaire, on peut faire quelques remarques :

  • Il s’agit de l’été 2023, au plus fort de la contre-attaque ukrainienne.
  • Pendant et à la fin, les soldats et la voix Off se pose quand même la question du sens de cet assaut pour planter un drapeau sur un pâté de maison en ruines. La voie indique même la mort future de ces soldats quelques mois plus tard.
  • La mise en scène et le montage des combats est impressionnante et très réaliste. Un des protagonistes ukrainien, Gagarine, ça ne s’invente pas, est même tué sur place devant son chez de section pendant l’assaut. On voit aussi le vie de cette section dans les tranchées, sous les bombardements. 
  • Les soldats russes sont en permanence déshumanisés, traités de MotherFucker dans la traduction à chaque instant, 1 est tué sur place dans une scène crédible, 2 sont capturés vivants dont 1 venant du Caucase mais correctement traités 1 fois la tension de l’assaut retombée. On voit aussi quelques corps épars, la caméra s’attardant sur les russes reconnaissables à leur bandeau rouge.
  • Maintenant c’est clairement un film de propagande fait pour glorifier la mort de ces jeunes ukrainiens, mort données par les envahisseurs russes. Il y a une scène d’enterrement de Gagarine avec des femmes se mettant à genou devant le cortège funèbre sous les yeux d’un petit garçon, filmé là pour la perspective temporelle d’un engagement total de toute une nation.
  • On a même quelques soldats qui évoquent leur études à Karkiv, ville plutôt russe, et pas les autres, essayant sans doute de créer l’illusion d’une unité de la nation.
  • De même il y a beaucoup de rappel à Leur terre. Peut-être dans le sens libérée de toute présence russe, y compris par la purification ethnique.
  • Rien sur les milliers de russophones du Donbass tués depuis 2014
  • Rien sur les bombardements indifférenciés de Donetsk pendant des années
  • Rien sur le rôle occidental dans cette guerre, juste des russes, des brutes qui attaquent comme des zombies
  • Rien sur l’idéologie néo-nazie spécifique de ce bataillon Azov
  • Il y a même une scène assez surréaliste de discussion sur la qualité de leur ukrainien respectif, l’un parlant même de transition, comme celle de genre. 

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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