Par Moon of Alabama – Le 19 janvier 2023
Le chancelier allemand Olaf Schulz subit des pressions de la part des partenaires de la coalition locale et des alliés extérieurs pour autoriser l’exportation de chars Leopard 2 allemands vers l’Ukraine.
Scholz refuse jusqu’à présent de le faire parce que les États-Unis ne sont pas disposés à donner leurs propres chars, de type M1 Abrams, à l’Ukraine :
L’Allemagne n’enverra pas ou n’autorisera pas le transfert de chars à l’Ukraine tant que les États-Unis n’accepteront pas de donner les leurs, a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz aux législateurs américains en marge du Forum économique mondial mercredi.
L’échange à Davos, décrit par trois personnes ayant connaissance de ce qui s’est dit, était respectueux dans le ton mais a montré à quel point Washington et Berlin sont éloignés au sujet des chars.
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Un porte-parole de Scholz n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire. Mais le chancelier a fait allusion à une sorte d’arrangement avec les États-Unis lors de son discours de Davos.
« Nous ne faisons jamais quelque chose tout seuls, mais avec d’autres, notamment les États-Unis, qui sont très importants dans cette tâche commune de défendre l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine« , a-t-il déclaré.
Les États-Unis ont envoyé leur secrétaire à la défense, Lloyd Austin, à Berlin pour faire pression sur Scholz afin qu’il change d’avis :
Le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, a rencontré jeudi son homologue allemand nouvellement nommé pour des discussions qui ont pris un caractère d’urgence depuis que Berlin a posé des conditions sur les livraisons de chars à l’Ukraine.
Lors d’un appel cette semaine au président Biden, le chancelier allemand Olaf Scholz a souligné que pour que l’Allemagne débloque un paquet de chars Leopard 2 pour l’Ukraine, Washington devrait également envoyer des chars, selon un fonctionnaire allemand et un fonctionnaire américain, qui ont parlé sous couvert d’anonymat pour discuter de la conversation privée.
C’est un geste que Washington ne veut pas faire, citant la consommation élevée de carburant et le fardeau de la maintenance des chars de combat M1 Abrams de l’armée américaine. Austin espère sortir de cette impasse et persuader l’Allemagne d’envoyer des chars, selon un haut responsable de la défense américaine.
L’excuse donnée par Washington pour ne pas livrer les chars Abrams n’est pas vraiment crédible. Oui, l’Abrams à turbine consomme un peu plus de carburant que le moteur diesel du Leopard. Mais une turbine nécessite également moins d’entretien qu’un moteur diesel qui comporte beaucoup plus de pièces mobiles.
Hormis le moteur, les Abrams n’ont pas de pièces plus importantes que celles des Léopards. La formation à l’utilisation et à l’entretien de l’un ou l’autre ne diffère pas en termes de temps nécessaire ou d’intensité.
Il existe également une fausse impression, véhiculée par certains marchands d’armes (en allemand), selon laquelle des « centaines » de Léopards sont disponibles. Cela n’a aucun sens. Tous les Leopard ne sont pas semblables les uns aux autres. La variante la plus standardisée est le Leopard 2A4. En fin de compte, l’Ukraine pourrait en recevoir jusqu’à 50. Le char standard allemand actuel est le Leopard 2A7 qui a subi trois mises à niveau depuis la sortie de la version A4. Plusieurs pays disposent de versions intermédiaires, souvent dotées de leurs propres systèmes de contrôle d’armes et de communication. Il serait absurde, du point de vue de la formation et de la maintenance, de donner à l’Ukraine une panoplie de différents types de Leopard. La logistique nécessaire pour les soutenir deviendrait immédiatement irréalisable.
D’autres problèmes se posent également. Les chars de l’ère soviétique pèsent environ 40 tonnes métriques. Tous les chars de combat principaux « occidentaux » Abrams, Leopard, Challenger britannique et Leclerc français ont un poids de combat de l’ordre de 60 tonnes. Je doute que les routes rurales et les ponts ukrainiens aient été construits en tenant compte de ces chars. À quoi sert un char si vous ne pouvez pas le déplacer sans détruire vos propres voies d’approvisionnement ?
Il y a aussi l’importante question de la formation. Il ne s’agit pas seulement de la technologie du char mais de son utilisation tactique sur le terrain. L’expérience turque en Syrie a montré que de mauvaises tactiques en matière de chars entraînent inévitablement de mauvais résultats, quelle que soit la qualité des chars.
Revenons au problème initial.
Pourquoi les États-Unis refusent-ils d’envoyer des Abrams, alors qu’ils en ont des centaines facilement livrables dans divers dépôts et sites de prépositionnement ?
Le chancelier allemand semble penser que les États-Unis veulent se soustraire à leur engagement et à leur responsabilité dans la future défaite de l’Ukraine.
« Les Allemands étaient responsables de la livraison des chars, mais ils ne les ont pas livrés rapidement et pas en quantité suffisante« , pourrait devenir une excuse commode lorsque le projet néoconservateur ukrainien échouera, comme ce sera inévitablement le cas. Les États-Unis pourraient ainsi laisser à l’Europe la responsabilité d’une Ukraine démembrée et en faillite. Cela arrivera de toute façon, mais il ne faut pas faciliter les choses en laissant l’Allemagne être poussée à mener la spirale de l’escalade dans une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie.
Scholz aurait dû y penser quand, au début de la guerre, il a engagé son pays dans le projet ukrainien. Les conséquences étaient faciles à prévoir :
Toute consommation d’énergie aux États-Unis et dans l’UE sera désormais payée au prix fort. Cela poussera l’UE et les États-Unis dans une récession. Comme la Russie augmentera les prix des exportations de biens pour lesquels elle dispose d’un pouvoir de marché – gaz, pétrole, blé, potassium, titane, aluminium, palladium, néon, etc – la hausse de l’inflation dans le monde entier deviendra significative.
Les banques centrales « occidentales » ont toujours des taux d’intérêt pratiquement nuls et seront réticentes à les augmenter, car cela entraînerait une récession plus profonde. Il est donc probable que l’inflation dans le monde « occidental » augmentera à un rythme plus élevé que celle de la Russie.
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L’évitement des relations économiques avec la Russie et la Chine signifie que l’Allemagne et son nouveau chancelier Olaf Scholz sont tombés dans le piège des États-Unis, qui veulent créer une nouvelle guerre froide. L’économie allemande sera désormais l’une de ses victimes.
Le 4 février, la Russie et la Chine ont déclaré un monde multipolaire dans lequel elles constituent deux pôles partenaires qui s’opposeront au pôle américain. L’entrée de la Russie en Ukraine en est la démonstration.
Cela montre également que les États-Unis ne sont pas disposés à renoncer à leurs pulsions suprématistes sans un grand combat. Mais alors que les États-Unis ont dépensé leur argent au cours des 20 dernières années pour semer la pagaille au Moyen-Orient, la Russie et la Chine ont utilisé ce temps pour se préparer à un grand conflit. Elles ont consacré plus de temps de réflexion à cette question que les États-Unis.
Les Européens auraient dû le reconnaître au lieu d’aider les États-Unis à conserver l’image d’une puissance unipolaire.
Il faudra un certain temps pour que les nouvelles réalités économiques s’installent. Elles changeront probablement la vision actuelle des véritables intérêts stratégiques de l’Europe.
Aujourd’hui, l’Allemagne et Scholz sont dans le pétrin que j’avais prédit au début de la guerre. La situation ne s’améliorera pas en « assumant la responsabilité » des livraisons de chars et en laissant les États-Unis s’en tirer à bon compte. Scholz doit être capable de désigner les États-Unis comme la puissance derrière la guerre lorsque les résultats finaux seront connus. Voyons donc combien de temps sa faible colonne vertébrale lui permettra de rester droit.
Les États-Unis travaillent d’ailleurs à une nouvelle escalade dans la guerre en planifiant de nouvelles attaques contre la Crimée :
L’administration Biden envisage maintenant ce qui serait l’une de ses actions les plus audacieuses à ce jour, en aidant l’Ukraine à attaquer la péninsule que le président Vladimir V. Poutine considère comme une partie intégrante de sa quête pour restaurer la gloire russe passée.
Des responsables américains discutent avec leurs homologues ukrainiens de l’utilisation d’armes fournies par les États-Unis, des systèmes de roquettes HIMARS aux véhicules de combat Bradley, pour éventuellement cibler le contrôle durement acquis par M. Poutine du pont terrestre qui sert de voie d’approvisionnement essentielle reliant la Crimée à la Russie via les villes de Melitopol et de Mariupol, occupées par les Russes.
Cependant, le président Biden n’est pas encore prêt à donner à l’Ukraine les systèmes de missiles à longue portée dont Kiev aurait besoin pour attaquer les installations russes sur la péninsule.
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Cette semaine, les hauts commandants américains et ukrainiens tiendront une réunion de planification de haut niveau en Allemagne pour mettre au point la planification de l’offensive, a déclaré un autre haut fonctionnaire américain. L’exercice, a précisé le responsable, vise à aligner les plans de bataille de l’Ukraine sur les types d’armes et de fournitures que les alliés de l’OTAN fournissent.
Les États-Unis planifient toutes les opérations majeures de l’Ukraine dans cette guerre. Ils vérifient quelles armes sont nécessaires à la réalisation de ces plans. Ils ordonnent ensuite à leurs clients de l’OTAN de livrer le matériel ou du moins de payer un autre pays pour le faire. Lorsque l’opération sera finalement lancée, seuls les soldats ukrainiens et russes mourront dans leurs efforts.
« Qu’est-ce qu’on ne peut pas aimer dans tout ça« , se demande la Maison Blanche.
Eh bien, je ne pense pas que la Russie soit disposée à être la proverbiale grenouille qui bout lentement dans ce jeu d’escalade. Elle devra, à un moment donné, riposter contre les puissances qui sont à l’origine de cette guerre et pas seulement contre leur mandataire ukrainien. Je suis sûr que le Kremlin a déjà étudié les différentes options pour y parvenir.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.