Traité de contrôle des armes avec la Russie


Seize États européens emmenés par l’Allemagne veulent un traité de contrôle des armes avec la Russie


Par Peter Korzun – Le 28 novembre 2016 – Source Strategic Culture

Quinze États européens ont soutenu l’initiative de l’Allemagne de lancer des discussions avec la Russie pour un nouvel accord sur le contrôle des armes.

«La sécurité de l’Europe est en danger», a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier au quotidien Die Welt dans une interview publiée le 25 novembre. «Aussi difficiles que soient actuellement les liens avec la Russie, nous avons besoin de plus de dialogue plutôt que de moins de dialogue. »

Steinmeier, un social-démocrate pressenti pour devenir le nouveau président allemand l’année prochaine, a déjà lancé cet appel à un nouvel accord de contrôle des armes avec la Russie en août dernier, afin d’éviter une escalade des tensions en Europe.

Quinze autres membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) se sont joints à l’initiative de Steinmeier : la France, l’Italie, l’Autriche, la Belgique, la Suisse, la République tchèque, l’Espagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Roumanie, la Suède, la Slovaquie, la Bulgarie et le Portugal.

Le groupe envisage de discuter de la question en marge d’une réunion de l’OSCE au niveau ministériel, les 8 et 9 décembre à Hambourg. C’est au tour de l’Allemagne d’exercer la présidence tournante de l’organisation.

Steinmeier a d’abord lancé l’idée d’un accord de contrôle des armes avec Moscou en août, dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et l’OTAN. Il a également critiqué l’OTAN pour son «agressivité et ses cris de guerre» dus à ses activités militaires provocantes à proximité des frontières russes.

La Russie s’est retirée du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (traité CFE) en 2015. Signé en 1990 par l’OTAN et le Pacte de Varsovie, cet accord fixait les niveaux et plafonds d’armes conventionnelles que les signataires étaient autorisés à déployer ainsi que les processus de vérification et les mesures pour construire une confiance mutuelle.

Le traité a depuis été sapé par l’expansion de l’OTAN, entraînant un déséquilibre des forces. L’alliance a accepté 12 pays d’Europe de l’Est depuis 1999, quand le Monténégro a été invité à s’y joindre. En 1999, les signataires ont accepté une version adaptée, mais celle-ci n’a jamais été ratifiée parce que l’OTAN a insisté sur le fait que la Russie devait retirer toutes ses troupes des anciens territoires soviétiques comme la Géorgie, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la Transnistrie. Bien que la Russie eût retiré presque toutes ses troupes, il restait quelques contingents insignifiants, mais l’alliance cherchait obstinément à poursuivre sa ligne dure.

Selon cet accord adapté, le nombre de forces en place n’a pratiquement pas changé. Les limites accordées à l’OTAN dépassaient de trois fois celles établies pour la Russie. Les limites de la zone frontière à la Fédération de Russie n’ont pas été reconsidérées. Les trois États baltes ont refusé de se joindre au traité lorsqu’ils sont devenus membres de l’OTAN. La version adaptée du traité ne traitait pas du problème de la supériorité de l’OTAN pour les forces navales. Un certain nombre de pays de l’OTAN ont largement manqué à leurs obligations, refusant régulièrement de fournir des informations à la partie russe ou de permettre des inspections. L’alliance a intensifié ses activités provocatrices près des frontières russes.

L’OTAN n’a pas tenu compte de la préoccupation de la Russie à l’égard des plans de défense balistique antimissile (BMD). Cette politique mise en œuvre par l’OTAN a acté de la fin du contrôle des armes conventionnelles en Europe. En 2007, Moscou a suspendu sa participation au traité pour finalement s’en retirer en 2015.

En conséquence, le document de l’OSCE, dit document de Vienne, et le traité sur le Ciel Ouvert [Treaty on Open Skies, NdT] sont les seuls mécanismes restant en place, mais ils sont trop contraints pour réduire les tensions croissantes.

L’objectif de créer une «Grande Europe» s’étendant de Lisbonne à Vladivostok semblait réalisable il y a quelques années. Maintenant, c’est devenu un rêve farfelu. Un quart de siècle a passé depuis l’effondrement de l’Union soviétique. Le dialogue Russie-Occident n’a pas réussi à se transformer en une relation stratégique.

Il est important de noter que l’initiative de relancer le processus de négociation ne vient pas que de l’Allemagne. L’Occident a rejeté la proposition faite par la Russie de discuter d’un nouveau traité sur la sécurité européenne. Le projet de texte proposé par la Russie a été publié en 2009. En mars 2015, la Russie s’est déclarée prête à négocier un nouvel accord concernant le contrôle des armes classiques en Europe. Elle ne s’est jamais opposée à l’idée de lancer des pourparlers pour résoudre le problème.

Les nouvelles mesures de sécurité devraient prendre en considération les réalités d’un monde en évolution rapide, y compris dans le domaine des nouvelles technologies. Tout arrangement devrait couvrir les capacités de frappe conventionnelle à longue portée, les armes basées sur de nouveaux principes physiques, les armes nucléaires tactiques, la supériorité navale et conventionnelle de l’OTAN, l’expansion du bloc et d’autres problèmes. Aucun traité ne sera possible sans un accord sur le programme antimissiles de l’OTAN.

Le processus ne doit pas se limiter aux seuls systèmes d’armes. Les mesures de confiance et de sécurité (CSB) contenues dans le Document de Vienne doivent être développées afin de réduire le risque d’un nouveau conflit armé provoqué par un accident – ce que l’OTAN a refusé de faire jusqu’à présent.

Un nouvel accord devrait aborder le programme de sécurité dans un sens plus large. Le débat est attendu depuis longtemps. Le problème ne doit pas se résumer aux relations bilatérales entre la Russie et l’OTAN. Il devrait finalement alimenter une conversation plus large sur un système de sécurité européen global, basé sur une nouvelle architecture.

L’Europe fait face à une foule de défis en matière de sécurité. Lancer une discussion significative avec la Russie est une étape logique. La Russie et l’Occident ont beaucoup de possibilités de coopération au delà du contrôle des armes et des activités militaires en Europe. Les domaines de coopération possibles sont notamment la lutte contre le terrorisme, en particulier le groupe État islamique, la Syrie, la Libye, l’Afghanistan, l’Arctique, la prolifération des armes de destruction massive et la lutte contre la piraterie. Le respect des préoccupations et des intérêts mutuels est une condition préalable au succès.

Avec toutes les différences qui divisaient la Russie (l’Union soviétique) et l’Occident au plus fort de la guerre froide, ces jours-là, la diplomatie a bien fonctionné pour empêcher le pire. On peut donc aussi y arriver maintenant. Le soutien important apporté à la proposition lancée par le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, offre une occasion sérieuse de faire bouger les choses. Cette chance ne doit pas être manquée.

Peter Korzun

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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