Par James Howard Kunstler – Le 20 février 2017 – Source kunstler.com
Dans toute la fumée et le brouillard émis par Trump et ses adversaires, il doit être difficile de distinguer les problèmes actuels de cette société, et même quand vous le pouvez, de trouver une position cohérente à leur sujet. Ceci a été bien illustré par un article bien sot de Paul Krugman dans le New York Times de lundi, De l’arrogance économique – le titre décrit la propre attitude de Krugman.
Krugman essaie de rendre compte d’une économie sans croissance, en mettant en parallèle l’influence de l’économie traditionnelle sur les marchés financiers : la productivité, la démographie et la mesure du travail. Krugman sait réellement comment se faufiler au travers de ce qui nous afflige avec la situation actuelle, à savoir la baisse du taux de retour énergétique dans l’industrie pétrolière, qui s’approche du point où l’activité essentielle d’extraire du pétrole du sol ne permettra même plus de gagner de quoi payer le coût et les ennuis pour y parvenir. Et puisque la plupart des choses que nous faisons et produisons dans cette économie sont basées sur le pétrole bon marché – sans aucune perspective basée sur la réalité de le remplacer par du soi-disant « renouvelable » ou des remèdes de sauvetage d’énergie encore inconnus – nous ne pourrons pas générer assez de richesse pour maintenir quelque chose qui soit proche de notre niveau de vie supposé. Nous ne pourrons même pas générer assez de richesse pour payer les intérêts sur la dette que nous avons accumulée, afin de masquer notre situation énergétique de plus en plus difficile. C’est, en un mot, ce qui va faire sauter le système financier. Et quand ce gros morceau de l’économie tombera, le reste suivra.
Ainsi, la vraie question cachée à notre vue est de savoir comment l’Amérique – ainsi que toutes les nations soi-disant « développées » – va naviguer vers un mode de vie un cran en dessous, sans faire une glissade sans fin vers un âge sombre, ou quelque chose de pire. D’ailleurs, le Ole Maestro, Alan Greenspan, a également parlé de la question de la « productivité » la semaine dernière, pour obtenir un effet tout aussi spécieux dans cet article sur Business Insider. Aucun de ces célèbres Grands Vizirs ne sait de quoi il parle, et une nation dépendante de ce genre de conseillers se trouvera perdue dans une salle des glaces aux lumières éteintes.
Donc, d’un côté, vous avez Trump, ses trompettes et ses trumpistas annonçant le retour de la « grandeur » (c’est-à-dire une économie industrielle florissante, des hommes heureux avec des assiettes bien garnies) qui ne va pas se produire. De l’autre, vous avez une clique de technocrates sans cervelle, qui croient réellement qu’ils peuvent « résoudre » le problème de la productivité avec des mesures qui se réduisent seulement à différents types de fraudes comptables.
Vous avez également un public américain et des médias, qui ne remettent pas en question la prémisse d’un projet massif de dépenses d’« infrastructure » pour relancer une économie qui se délite. Si vous vous demandez ce qu’ils entendent par là, vous apprendrez qu’ils se voient uniformément en train de reconstruire nos routes, ponts, tunnels et aéroports. Certains soupçonnent à juste titre que l’argent pour ces travaux n’est pas disponible – ou ne peut être récolté qu’avec plus de fraude comptable (emprunt sur notre avenir). Mais dans l’ensemble, la plupart des adultes de tous les bords politiques de ce pays pensent que nous pouvons et devons faire cela, que ce serait une bonne chose.
Et qu’est-ce que cette infrastructure de service va relancer au juste? Un arrangement du présent sans avenir. Une matrice de dépendance automobile extrême qui n’a aucune chance de se poursuivre pendant une autre décennie. Davantage de WalMart, de magasins Target, de Taco Bells, de magasins cache-nez, de subdivisions de McHousing et autres accoutrements de notre mode d’existence en cours de zombification rapide? N’est-il pas évident, même si vous n’en avez jamais entendu parler, ou que vous ne le comprenez pas le dilemme du pétrole, que nous devons renoncer à tout cela? Que nous devons prendre un chemin différent si nous voulons rester humains?
Ce n’est pas difficile de décrire ce monde qui attend, que j’ai décrit dans une quantité de livres récents. Nous y allons, que nous le voulions ou non. Mais nous pouvons rendre le voyage plus facile ou plus dur, selon que nous traînions des pieds ou pas pour nous y mettre.
L’histoire est assez impitoyable. À l’heure actuelle, la dynamique que je décris nous propulse vers une addition difficile à avaler, qui est vraiment susceptible de se manifester ce printemps, si l’ineptie politique de Trump et l’antipathie de ses ennemis nous laissent dans un maelstrom constitutionnel, au moment même où le système financier commencera à patiner. Il se peut que ce soit le débat sur le relèvement du plafond de la dette ou une autre hausse de taux d’intérêt de la Réserve fédérale qui provoquera le commencement du cirque. Il peut y avoir encore une autre couche convergente de problèmes si nous commençons à accuser la Russie, la Chine, le Mexique, ou une autre nation patsy pour nos problèmes. Il est vrai que nous pouvons compter sur l’État profond pour le faire.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone