Sur le coronavirus et le tabagisme …

… les taux de mortalité dus aux infections, l’importance du confinement, etc.

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Par Moon of Alabama − Le 25 avril 2020

Le 3 avril, j’avais proposé le graphique ci-dessous et fait la remarque suivante :

Il est intéressant de noter que les fumeurs ne semblent pas développer de tempêtes de cytokines lors d'une infection Covid et sont donc moins enclins à se retrouver en unité de soins intensifs.

Une tempête de cytokines est une réponse inflammatoire inappropriée du système immunitaire.

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La Covid-19 basée sur des conditions préexistantes
SourceAgrandir

Il était vraiment curieux de constater que lors d’une épidémie de maladie respiratoire, les fumeurs actuels et anciens étaient moins enclins à se retrouver dans une unité de soins intensifs que les personnes ayant d’autres conditions préalables. C’était aussi un soulagement psychologique pour moi, qui fume en chaîne, mais cela ne devrait en aucune façon être une raison pour quiconque de prendre cette mauvaise habitude par ailleurs dangereuse.

Une étude française vient de confirmer ce phénomène étonnant :

Dans l'étude que deux d'entre nous rapportent, les taux de tabagiques actuellement admis en unités de soins intensifs restent inférieurs à 5% même lorsque les principaux facteurs du contexte de consommation de tabac, à savoir l'âge et le sexe, le statut d'hospitalisation ou de consultation externe, ont été pris en compte. Par rapport à la population générale française, la population infectée par la Covid-19 présentait un taux de fumeurs réguliers significativement plus faible de 80,3% pour les patients externes et de 75,4% pour les patients hospitalisés. Ainsi, le tabagisme actuel semble être un facteur de protection contre l'infection par le SRAS-CoV-2.

Le mécanisme ne vient pas du remplissage des poumons par la fumée. Ici, la nicotine fonctionne comme un agent nerveux. Elle est connue pour influencer le processus qui régule le nombre de récepteurs ACE2 à la surface des cellules. Les fumeurs actuels ont moins de récepteurs ACE2 que les non-fumeurs. Le SRAS-CoV-2 se lie à ce récepteur pour entrer dans une cellule.

L’étude a été menée par le Professeur Jean-Pierre Changeux qui est assez célèbre pour la découverte de ce processus de régulation générale et d’autres résultats. Il prévoit maintenant d’utiliser des patchs à la nicotine sur les patients Covid-19 pour voir si cela peut aider dans le cas présent.

D’autres médicaments, en particulier ceux que le président américain Donald Trump a évoqués publiquement, se sont révélés plutôt inutiles :

Financial Times @FinancialTimes - 19:00 UTC · 23 avr.2020
 
Exclusif: le médicament antiviral remdesivir, que beaucoup pensaient être un bon traitement contre le coronavirus, a échoué dans son premier essai clinique randomisé, selon des projets de documents publiés "accidentellement" par l'OMS et vus par le FT.

Il se trouve que cette étude a déjà un mois et que Gilead, la société qui fabrique le remdesivir, ne l’a pas dit, tout en continuant à promouvoir son médicament inutile. Quelqu’un à l’OMS n’a pas apprécié la manière, et a publié «accidentellement» les résultats. Le cours de l’action de Gilead a ensuite plongé de 10%.

Trump a également vanté l’hydroxychloroquine, ou chloroquine, comme utile contre la Covid-19. Mais les deux peuvent avoir des effets secondaires graves comme des rythmes cardiaques anormaux et la Food Drug Administration (FDA) met désormais en garde contre leur utilisation :

La FDA met en garde contre l'utilisation de l'hydroxychloroquine ou de la chloroquine pour la Covid-19 en dehors du cadre hospitalier ou d'un essai clinique en raison du risque de problèmes de rythme cardiaque.
 
Une surveillance étroite est fortement recommandée. [Le Pr Raoult en France, recommande en plus des électro-cardiogramme à différentes étapes du processus, NdSF]

Bret Stephens est l’un des chroniqueurs super stupides du New York Times. Dans l’article d’aujourd’hui, il plaide pour la levée des confinements et écrit :

À l'heure actuelle, il y a beaucoup de commentaires provenant de têtes d'affiches (beaucoup d'entre elles à New York) sur le danger de lever les confinements dans des endroits comme le Tennessee. Peut-être le commentaire devrait-il aller dans la direction opposée. Les habitants du Tennessee ont le droit de retrouver un semblant de vie normale tout en exigeant des restrictions plus longues pour les New-Yorkais.
 
J'écris ceci de New-York, donc c'est un argument contre mon intérêt personnel. Mais je ne vois pas pourquoi les gens vivant dans une banlieue de Nashville ne devraient pas être autorisés à retourner à leur emploi parce que des gens comme moi choisissent de vivre, voyager et travailler dans des boîtes de sardines urbaines.

Pas plus tard qu’hier, un habitant du Tennessee a rapporté ceci :

Nashville a connu jeudi son pic le plus élevé de malades de la Covid-19, sur une journée, lorsque le Metro Public Health Department a signalé 182 nouveaux résultats de test positifs au cours des 24 dernières heures. ...
 
Au total, Metro Health a signalé jeudi 2144 cas confirmés dans le comté de Davidson depuis le début des tests, contre 1 962 la veille. Il y avait 1 046 cas actifs jeudi, selon le département.

New York a effectué des tests sanguins pour détecter les anticorps anti-SRAS-CoV-2. Ces tests sont nouveaux et pas encore très fiables :

Les tests étaient particulièrement imprécis lors de la recherche d'un anticorps transitoire qui survient peu de temps après l'infection, appelé IgM, mais plus cohérent dans l'identification d'un anticorps ultérieur, appelé IgG, qui pourrait signaler une immunité à plus long terme.

Ces tests ne doivent pas être utilisés pour écrire des certificats disant «Cette personne est immunisée». Mais ils sont assez bons pour la recherche épidémiologique.

Les tests ont révélé qu’environ 20% de la population de New York avait peut-être déjà eu Covid-19 et avait probablement acquis une certaine immunité. Compte tenu du nombre de décès de Covid-19 à New York, cela indique un taux de létalité (Infection fatality rate, IFR) d’environ 1%. Le taux de mortalité par infection dépend fortement de la démographie de la population et du système de santé.

Christian Drosten, un célèbre spécialiste allemand des coronavirus – voir sa dernière interview en allemand – a estimé l’IFR actuel en Allemagne à environ 0,53. Mais le nombre de morts allemands ne cesse d’augmenter. L’épidémie de Covid-19 en Allemagne est apparue pour la première fois chez les jeunes d’âge moyen qui ont été infectés pendant le ski et les fêtes en Autriche et en Italie. Elle s’est développée au sein de ce groupe d’âge, et n’entre que maintenant dans les équivalents allemands des EHPAD, où elle a tendance à faire des ravages. L’IFR va donc augmenter et nous ne savons pas encore jusqu’où il ira.

La ville de New York, et l’Allemagne, ont des systèmes de soins de santé bien développés. Les pays dotés de systèmes moins fiables verront probablement des IFR beaucoup plus élevés, de 2 à 3% ou plus.

Pour la saison grippale assez mauvaise de 2017-18 aux US, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies a estimé à 45 millions le nombre d’infections, ce qui a causé au total quelque 61 000 décès. Cela donne un IFR de 0,13% pour la grippe, ce qui prouve une fois de plus que Covid-19 n’est pas comme une grippe. Celle-ci a un R0 [taux de contagion] de 1,2. Le R0 du SRAS-CoV-2 est de 2 à 3. Le virus est au moins deux fois plus infectieux que la grippe, seuls quelques-uns sont immunisés contre elle et même dans les pays développés, Covid-19 est 4 à 8 fois plus mortel que la grippe. On peut donc s’attendre à ce que le taux de mortalité total de Covid-19 soit 10 à 15 fois plus élevé que le nombre de décès causés par la grippe saisonnière au cours d’une mauvaise année.

Nos systèmes de soins de santé sont dimensionnés pour gérer une mauvaise grippe ainsi que les autres cas habituels. Ils ne sont pas dimensionnés pour prendre dix fois plus de cas de grippe. Il est donc évident que la distanciation sociale devra se poursuivre.

Une étude non scientifique du magazine australien Quillette a examiné des événements de super propagation au cours desquels des dizaines ou des centaines d’infections ont eu lieu, à un moment donné, en un seul endroit. Bref, tout ce qui est amusement devrait désormais être interdit :

Quand la Situation sanitaire exceptionnelle (SSE) de la Covid-19 se produit-elle ? Sur la base de la liste que j'ai réunie, la réponse courte est : où et quand les gens sont face à face, rient, crient, applaudissent, sanglotent, chantent, saluent et prient.

Une étude chinoise a révélé que plus de 99% de toutes les infections se produisent à l’intérieur :

Les domiciles étaient la catégorie dominante (254 foyers sur 318; 79,9%), suivis des transports (108; 34,0%; il convient de noter que de nombreux foyers concernaient plus d'une catégorie de sites). La plupart des épidémies à domicile concernaient trois à cinq cas. Nous n'avons identifié qu'une seule éclosion dans un environnement extérieur, impliquant deux cas. Conclusions: Toutes les éclosions identifiées de trois cas ou plus se sont produites dans un environnement intérieur, ce qui confirme que le partage de l'espace intérieur est un risque majeur d'infection par le SRAS-CoV-2.

Les résultats peuvent être un peu biaisés car l’épidémie de Wuhan s’est produite pendant la saison froide de décembre à février. On peut s’attendre à un léger soulagement en été lorsque plus de gens ouvrent les fenêtres ou sont dehors. Mais la prochaine saison froide sera probablement la période la plus difficile pour tout le monde.

J’avais indiqué, plus tôt, que les autorités chinoises avaient mis fin aux épidémies à domicile en isolant les personnes légèrement malades, et même les personnes qui n’avaient eu que des contacts avec un patient Covid-19, dans des centres de quarantaine spéciaux au lieu de les laisser à la maison avec leur famille. Le fait que j’ai exhorté, sur ce site, à faire de même, a été le point de départ de ma dispute avec Off-Guardian.

L’Italie constate maintenant que la méthode chinoise est la bonne chose à faire :

Les ménages italiens représentent «le plus grand réservoir d'infections», a déclaré Massimo Galli, directeur du département des maladies infectieuses de l'hôpital universitaire Luigi Sacco de Milan. Il a qualifié ces cas de «point de redémarrage possible de l'épidémie en cas de réouverture».

La famille agit comme un multiplicateur, a déclaré Andrea Crisanti, le principal consultant scientifique sur le virus dans la région de la Vénétie. "C'est une bombe à retardement", a-t-il déclaré.

La situation difficile des infections à domicile émerge non seulement en Italie, mais dans les points chauds du monde entier, dans le Queens et la banlieue parisienne, ainsi que dans les quartiers populaires de Rome et de Milan.

Laisser les personnes infectées dans leur famille est une excellente méthode pour tuer des familles entières et aider l’épidémie à continuer son cours.

Une quarantaine de deux semaines dans un hôtel ou un établissement public pendant laquelle une personne est bien approvisionnée devrait être un sacrifice acceptable quand on sait qu’elle aide à sauver la vie des autres dans sa communauté. Il est difficile de comprendre pourquoi certaines personnes continuent de rejeter cela.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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