Russie, Égypte : accord autorisant les forces aériennes respectives à utiliser l’espace aérien et les bases de l’autre


Russia, Egypt: Agreement to Allow Respective Air Forces to Use Each Other's Airspace and Bases


Andrei AKULOVPar Andreï Akulov – Le 4 décembre 2017 – Source Strategic Culture

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Shoigu, s’est rendu au Caire le 29 novembre. En offrant ses condoléances pour le massacre perpétré le 24 novembre dans une mosquée de la péninsule du Sinaï, en Égypte, qui a fait plus de 300 morts, M. Shoigu a souligné la nécessité de renforcer la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Selon lui, les liens militaires entre les deux pays sont à un niveau élevé depuis que l’Égypte a commandé de nouvelles armes russes.

Il a été rapporté, le 30 novembre, que le gouvernement russe avait approuvé un projet d’accord avec l’Égypte, qui permettrait aux deux pays d’utiliser l’espace aérien et les bases aériennes de l’autre. Le projet d’accord a été établi par un décret, signé du Premier ministre Dmitri Medvedev le 28 novembre, qui a chargé le ministère russe de la Défense de négocier avec les autorités égyptiennes et signer le document une fois les deux parties parvenues à un accord.

L’accès aux aéroports égyptiens permettrait aux avions militaires russes de se ravitailler en route vers la Syrie. L’accord concerne un centre logistique supplémentaire, qui pourrait aider les avions russes à agir librement sur le théâtre syrien, si nécessaire. Une fois en vigueur, l’accord facilitera beaucoup la formation du personnel de l’armée de l’air égyptienne. Le document ne couvre pas les relais radar aéroportés et les avions de transport militaire chargés de cargaisons dangereuses. L’accord est conclu pour cinq ans et pourrait être prolongé.

Le New York Times écrit que cet accord est « un pied de nez manifeste à l’administration Trump », car il représente « l’extension la plus récente du pouvoir russe au Moyen-Orient, dans ce cas par la coopération avec l’un des plus proches alliés arabes de Washington ». Selon la source, s’il était mis en œuvre, l’accord proposé renforcerait la présence militaire russe dans la région à des niveaux inégalés depuis 1973. Concrètement, la présence d’avions russes en Égypte soulèverait des inquiétudes quant à la sécurité opérationnelle du personnel militaire américain et exigerait la coordination des vols militaires dans le même espace aérien.

Le New York Times cite des analystes qui affirment que la volonté apparente du Caire d’autoriser l’accès de la puissance aérienne russe aux bases aériennes égyptiennes démontre une réduction de l’influence des États-Unis dans la région. « Le pouvoir a horreur du vide et quand les États-Unis se retirent, nous ne devons pas imaginer que le monde va s’arrêter et nous attendre », a déclaré Matthew Spence, ancien secrétaire adjoint à la Défense pour la politique du Moyen-Orient sous  l’administration Obama.

En août, le Caire a critiqué les États-Unis pour leur décision de retirer 195 millions de dollars d’aide militaire et de réduire de 96 millions de dollars d’autres aides, en réponse aux violations présumées des droits de l’homme au Caire.

L’Égypte est le pays le plus peuplé d’Afrique du Nord et du monde arabe, le troisième plus peuplé d’Afrique et le quinzième plus peuplé du monde. L’année dernière, la population du pays a atteint 92 millions d’âmes.

Il y a un an, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi a publiquement affirmé son soutien aux forces du président syrien Bachar al-Assad voulant rapprocher l’Égypte de la Russie. La possibilité pour l’armée égyptienne de prendre part à la mise en œuvre de l’initiative de zones sécurisées (désescalade) en Syrie est à l’ordre du jour. L’implication de l’Égypte augmenterait sans aucun doute le standing international du pays.

Au cours des derniers mois, Moscou et le Caire ont signé plusieurs contrats pour des chasseurs MiG-29, des hélicoptères Ka-52 et d’autres armes, les ventes d’armes de la Russie aux pays du Moyen-Orient atteignent des niveaux record. Les deux partenaires ont signé plusieurs accords pour la rénovation des usines de production militaire sur le sol égyptien. Un protocole a été signé pour accorder à l’Égypte l’accès à GLONASS, le système GPS de la Russie. Les exercices tactiques interarmées russo-égyptiens 2017, dénommés « Défenseurs de l’amitié », ont eu lieu en septembre 2017 dans la région de Krasnodar dans la Fédération de Russie – le premier exercice d’entraînement aérien commun sur le sol russe, appelé à devenir un événement régulier dans le futur.

Le fait d’obtenir des droits de stationnement en Égypte permettrait à la Russie de projeter son pouvoir militaire dans de nombreuses parties de la région, notamment la mer Rouge, la corne de l’Afrique et la Méditerranée. La présence militaire sera légitimée. La Russie aurait la possibilité de prendre part à des missions de maintien de la paix en Libye, si elle le souhaitait.

La Libye est un domaine prometteur pour la coopération. Moscou a un rôle particulier à jouer là-bas. La Russie et l’Égypte peuvent contribuer ensemble à apporter la stabilité dans ce pays déchiré par la guerre. Leurs intérêts coïncident dans une large mesure, autorisant ainsi la mise en œuvre de politiques et d’actions coordonnées. Les acteurs opposés en Libye demandent à la Russie d’intervenir en tant que médiateur. Les Libyens se souviennent bien de l’intervention de l’OTAN en 2011 et ne font pas confiance à l’Occident, surtout en raison de son échec à obtenir des résultats positifs en Syrie.

De nombreux pays arabes se tournent vers la coopération militaire avec la Russie à la suite de son succès en Syrie. Le président soudanais Omar al-Bachir vient de se rendre en Russie pour demander une protection contre les États-Unis. La possibilité de construire une base navale russe au Soudan est à l’étude.

La Russie entretient des relations privilégiées avec l’Iran, la Turquie, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, Israël et les pays du Golfe. L’Arabie saoudite est l’alliée de l’Égypte. Elle finance l’achat d’armes russes. En octobre, le roi saoudien Salman bin Abdulaziz Al Saud s’est rendu à Moscou, la première visite en Russie d’un roi saoudien. Un mémorandum d’accord a été signé sur l’achat de systèmes russes de défense antiaérienne S-400 afin de marquer un tournant pour l’Arabie saoudite, qui achetait jusqu’à présent des armes aux États-Unis et à la Grande-Bretagne. Les pays ne sont pas d’accord sur de nombreuses questions internationales mais réalisent à quel point il est important de coopérer et d’échanger les points de vue.

Avec les sanctions occidentales en place, la Russie fait des percées pour gagner de l’influence et accéder à de nouveaux marchés pour les armes, les biens et l’énergie russes. Elle jouit de bonnes relations avec tous les pays de la région. Il n’y a pas un seul État dans la région avec lequel Moscou est en conflit. Aucun autre pays n’a un tel avantage. Moscou ne prend pas parti dans le conflit sunnite-chiite, ce qui le rend apte à jouer le rôle de médiateur entre les États du Golfe, soutenus par l’Égypte, et l’Iran.

Une Russie résurgente s’est affirmée au Moyen-Orient comme un acteur international majeur. Le projet d’accord avec l’Égypte est un exemple convaincant de son poids croissant dans la région.

Andreï Akulov

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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