Novorussie SITREP du 20 janvier 2015

Je dois admettre que ce qui s’est passé ces dernières 24 heures a été une surprise pour moi. Déjà, je m’attendais à une attaque bien plus tardive dans l’année car, actuellement, les conditions météo sont très mauvaises et très en faveur des défenseurs. Je m’attendais aussi à un fort bombardement du champ de bataille (les Ukies bombardant les positions novorusses) suivi d’une percée par les chars ukies le long de plusieurs axes bien définis. Je m’attendais à une retraite stratégiques des Novorusses pour attirer les attaquants ukies dans des poches de contre-attaque afin de les détruire graduellement. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé.

D’abord, les Ukies ont bombardé non pas les forces novorusses mais plutôt, comme d’habitude, des quartiers civils de Donetsk et d’autres villes, Gorlovka en particulier, qui a terriblement souffert et est en ruine totale. Un style de bombardement qui réjouit les Ukies, mais qui n’a aucun intérêt sur le plan militaire.

Ensuite, il n’y a eu aucune attaque concertée de blindés ukies. Deux tanks par ci, quatre tanks par là, mais rien qui ressemble à une attaque de blindés digne de ce nom alors que les Ukies peuvent, en théorie, la lancer.

Donc oui, les Ukies ont vraiment essayé d’attaquer l’aéroport et les combats là- bas furent, pendant un moment, très intenses, aucun doute la dessus, mais c’est resté limité. Même chose pour la ville de Peski qui est maintenant en grande partie aux mains des Novorusses : les combats furent très intenses et les Ukrainiens sont encore embourbés dans les environs du nord de la ville. Mais là encore, la taille de l’affrontement est clairement locale.

Ma première conclusion est donc : ce fut une escalade majeure des opérations de combat mais ce ne fut PAS la grande offensive ukrainienne. Celle ci ne s’est pas encore matérialisée.

Le deuxième événement bizarre et contre-intuitif fut la réaction novorusse qui, au lieu de se retrancher, est en fait passée à l’offensive en plusieurs endroits, dont Marioupol. La bonne nouvelle est que les Novorusses sont visiblement très prudents, ne bougent que doucement et précautionneusement, ce qui est vital pour que la libération de Marioupol soit une réussite (si c’est vraiment leur but). Le moral des Novorusses est, selon tous les rapports, solide comme un roc, optimiste mais prudent. Exactement ce qu’il faut pour réussir. La victoire novorusse à l’aéroport fut d’un grand apport pour leur moral et, à l’inverse, un coup dur pour le moral ukie.

Ma deuxième conclusion : les Novorusses ont fait exactement ce qu’ils devaient faire. Loin de ressentir le besoin de s’enfoncer dans les lignes de défense, ils ont immédiatement contre-attaqué et l’ont fait de manière réussie, avec conviction et prudence

Aujourd’hui j’ai écouté avec grand intérêt une conférence de presse donnée par un porte-parole de l’armée ukrainienne, qui déclarait qu’un grand nombre de troupes russes avait participé aux combats autour de l’aéroport de Donetsk et que davantage encore avaient pénétré sur le territoire ukrainien. C’est une bonne nouvelle, car les Ukies ont toujours tendance à halluciner à propos de forces russes chaque fois qu’ils se prennent une sévère défaite quelque part. Il se pourrait donc bien que les forces ukies aient subi des pertes plus importantes que ce que l’on en sait.

Quand aux Russes, ils ont visiblement réouvert le flux d’approvisionnement à pleine capacité. En fait, ce flux d’approvisionnement marchait à pleine capacité depuis déjà des mois, mais maintenant les Russes ne cherchent même plus vraiment à le cacher.

Mais attention, même si les nouvelles d’aujourd’hui sont toutes bonnes, il ne faut pas se laisser emporter par des attitudes trop optimistes du genre « Hourra ! On a gagné ». Je répète encore cette conclusion : le grand assaut n’a pas encore été lancé.

Mais pourquoi donc ?

Bonne question. D’abord le climat n’est pas favorable aux Ukies. Car non seulement cette sorte de climat va forcément favoriser les défenseurs plutôt que les attaquants, mais en plus, le matériel russe est bien plus adapté à ces conditions que celui de l’époque soviétique utilisé par les Ukies.

Ensuite, vous avez peut être entendu parler de cette vieille règle au pifomètre qui dit que les forces attaquantes doivent être dans un rapport de 3 à 1 face aux forces défensives pour pouvoir gagner. Comme toutes les règles, elle connait des exceptions, ce qui fait quelque chose de pas toujours valable. Mais bon, ce n’est qu’une généralisation. Pour les Ukies, cela ne veut pas dire un rapport de 3 a 1 sur toute la ligne de front, mais en revanche que ce rapport sera nécessaire le long des axes d’attaque, de manière a vraiment pouvoir percer les défenses novorusses. La seule manière d’y arriver est de bénéficier d’une grande souplesse de déplacement. Et c’est là où le climat actuel complique vraiment les choses. Les Ukies attendent donc peut être de meilleurs conditions météo avant de lancer leur grande offensive

De plus, il y a toutes ces rumeurs à propos d’Ukies refusant de partir à l’assaut. Au début je les ai prises pour de la propagande novorusse, mais les médias sociaux ukrainiens ont commencé à en parler aussi. Apparemment, des unités entières ont refusé de partir au front. Franchement, je les comprends. Bien sûr les Ukies ont déjà pansé leurs plaies dues à la catastrophique campagne de l’été dernier, mais on ne peut pas faire grand-chose en quelques mois. Partout ailleurs, juste un entrainement de base, de terrain, nécessite trois à quatre mois, après lesquels un civil peut être considéré comme un soldat de base, un fantassin. A partir de là seulement ce soldat de base peut acquérir une spécialité. Quant aux sous-officiers, ou aux officiers, ils ont besoin de bien plus de formation. Sauf que les Ukies ont déjà utilisé beaucoup de leur vieux officiers, qui étaient au moins entraînés, et qui sont maintenant soit morts, soit invalides, soit dégoûtés. Porochenko vient d’annoncer trois vagues de mobilisation pour 2015, mais il est assez évident pour quiconque ayant encore un minimum d’intelligence qu’il ne fait qu’enrôler de la chair à canon, pas une force vraiment prête au combat. En revanche, les Novorusses ont maintenant des hommes de tous niveaux, bien entraînés, bien équipés, bien motivés pour la bataille. Et ne vous méprenez pas, une simple compagnie de soldats aguerris peut vaincre un bataillon entier de recrues inexpérimentées, surtout si le premier est mieux équipé. (Ce qui est le cas grâce au flux d’approvisionnement venant de Russie.)

Donc, mais ce n’est qu’une supposition, la junte nazie commence peut-être à être à court d’idiots et de fanatiques désirant aller se faire massacrer dans le Donbass. Ce n’est pas une certitude, c’est encore trop tôt pour le dire, mais sinon je ne comprends pas le pourquoi des ces dernières attaques à moitié achevées.

En fait, il y a aussi la possibilité que la junte soit en train de complètement perdre le contrôle du pays, que des ordres soient donnés et que quelques-uns les suivent mais d’autres non, une sorte de demi guerre qui n’en serait pas vraiment une. Ou bien qu’une complète désorganisation et le chaos soient en train de s’installer et qu’il n’y ait plus de véritable armée ukrainienne, juste beaucoup d’armes et beaucoup de gens, mais pas de force de combat unifiée.

Honnêtement je n’en sais rien et j’adorerais entendre d’autres explications des événements bizarres de ces dernières 24 heures.

Ce qui est sûr, c’est que jusqu’à maintenant tout va bien et que les choses auraient pu bien plus mal commencer. Je reste donc prudemment optimiste.

A votre santé,

The Saker

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