L’Ukraine achète des avions de chasse avec de l’argent qu’elle n’a pas ?


Par Moon of Alabama – Le 17 novembre 2025

Au cours des deux prochaines années, l’Ukraine prévoit de dépenser quelque 140 milliards d’euros (162 milliards de dollars), qu’elle n’a pas, pour continuer sa guerre contre la Russie. Il y a de sérieux doutes sur le fait que l’Union européenne, qui a déjà versé 180 milliards d’euros à l’Ukraine, sera en mesure de payer ne serait-ce qu’une fraction de cette somme.

Malgré le manque d’argent de l’Ukraine, le président par intérim Vladimir Zelenski annonce des accords pour se procurer des avions militaires coûteux à une échelle sans précédent.

Fin octobre, il s’est rendu en Suède pour acheter des avions de combat polyvalents JAS 39 Gripen-E, construits par Saab :

L’Ukraine pourrait obtenir 150 avions de combat suédois avancés dans le cadre d’un accord qui vient d’être signé CNN, 23 octobre 2025

La Suède, nouveau membre de l’OTAN, a déclaré qu’elle était disposée à vendre à l’Ukraine jusqu’à 150 de ses avions de combat les plus avancés, la première offre de la part d’un membre de l’alliance pour fournir un nombre important d’avions à Kiev, qui cherche à moderniser sa petite force aérienne vieillissante.

L’accord signé mercredi par Volodymyr Zelensky et le Premier ministre suédois Ulf Kristersson est une lettre d’entente, ce qui signifie que les conditions exactes, les coûts et les dates de livraison de 100 à 150 jets Saab Gripen-E doivent encore être déterminés.

Mais les deux dirigeants ont déclaré que cet accord avait le potentiel de changer la donne, non seulement pour l’Ukraine – qui a désespérément besoin de plus de capacités de combat aérien dans sa lutte contre la Russie – mais pour l’OTAN et la sécurité européenne en général.

Les avions ne sont pas bon marché :

[L]’accord le plus récent connu est le contrat passé avec la Thaïlande, fin août 2025, pour quatre Gripen supplémentaires (trois Gripen E monoplaces et un Gripen F biplace). Le prix fixe annoncé était d’environ 5,3 milliards de couronnes suédoises — soit environ 553 millions de dollars, soit 138,25 millions de dollars par avion.

Cependant, la Thaïlande est déjà un opérateur Gripen existant et n’a donc pas eu besoin d’acheter d’équipement au sol supplémentaire, de pièces de rechange ou d’autres infrastructures. À titre de comparaison, le Pérou, qui a également manifesté son intérêt pour le chasseur suédois, estime le coût à environ 145,8 millions de dollars par avion.

Il convient également de noter que ces chiffres n’incluent pas les armes, qui doivent être achetées séparément.

Le cout total pour ces avions de combat serait de plus de 20 milliards de dollars. Le prix est susceptible d’augmenter car il faudra de nombreuses années pour construire ces avions :

Même pour la propre armée de l’air suédoise, Saab prévoit de ne terminer sa commande de 60 avions que d’ici 2030.

Actuellement, les installations de production de Saab à Linköping peuvent fabriquer environ 12 avions par an. Cependant, la société vise à augmenter considérablement ce taux grâce à la délocalisation dans d’autres pays.

Même pas un mois plus tard, Zelenski se rend en France pour acheter les avions Rafale encore plus chers :

L’Ukraine achètera « jusqu’à 100 » avions de combat français, annonce l’Elysée – CNN, 17 novembre 2025

L’Ukraine achètera “jusqu’à 100” avions de combat Rafale de fabrication française ainsi que des défenses anti-aériennes et des drones à la France, a confirmé l’Elysée, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rendait à Paris lundi.

L’Elysée a précisé que les achats visés par la lettre d’intention s’étaleraient sur les 10 prochaines années.

Le prix réel des avions Rafale n’est pas connu mais il a deux moteurs alors que le Gripen-E est un avion à un moteur. Le Rafale serait le deuxième chasseur à réaction le plus cher des forces aériennes occidentales.

On ne sait pas non plus quand ces avions commandés seront livrés. La capacité pour les construire est déjà remplie pour les cinq prochaines années :

La firme aéronautique française à l’origine du Rafale, Dassault, cherche à augmenter sa production à quatre avions de combat par mois et la société a déclaré qu’elle avait encore 233 avions en commande, au 7 octobre.

L’accord signé lundi n’est qu’une lettre d’intention, encore loin d’un achat concret, suscitant des questions sur la manière dont l’Ukraine paiera pour les avions français alors que l’Ukraine a signé une lettre d’entente pour 100 à 150 avions Gripen de fabrication suédoise en octobre.

Je m’interroge sur la stratégie derrière l’annonce d’accords impliquant des sommes d’argent aussi importantes, que l’Ukraine n’a pas, pour des avions qui ne seront même pas construits au cours des cinq prochaines années.

Quelle impression cela donne-t-il aux citoyens européens à qui on demande de s’endetter davantage pour financer la guerre en Ukraine :

Les dirigeants de l’UE ont convenu le mois dernier de répondre aux “besoins financiers urgents” de l’Ukraine pour les deux prochaines années, mais n’ont pas approuvé un plan visant à utiliser les avoirs russes gelés pour financer un prêt géant à Kiev, en raison des préoccupations soulevées par la Belgique.

Les dirigeants de tous les pays de l’UE, à l’exception de la Hongrie, ont demandé à la Commission de proposer des options pour soutenir financièrement l’Ukraine.

« Nous avons identifié trois options principales, à savoir un soutien financé par les États membres via des subventions, un prêt à recours limité financé par l’Union empruntant sur les marchés financiers ou un prêt à recours limité lié aux soldes de trésorerie des actifs immobilisés« , a déclaré von der Leyen dans la lettre, consultée par Reuters.

Il y a bien sûr d’autres options que celles de continuer à financer la guerre. Mais v. d. Leyen refuse même de les identifier.

La mention de « recours limité » par vdL est un joli mot qui cache le fait que l’Ukraine ne remboursera jamais aucun prêt :

La dette à recours limité est un type de dette qui donne au créancier une créance sur certains actifs de l’emprunteur, mais pas sur la totalité, s’il fait défaut sur un prêt. Il se situe entre la dette à recours intégral et la dette sans recours en termes de capacité du créancier à saisir l’un des actifs de l’emprunteur au-delà de la garantie adossée au prêt.

Il est évident que l’Ukraine ne pourra jamais rembourser des sommes aussi importantes. Quels actifs l’Ukraine offre-t-elle en garantie d’un prêt à recours limité ? Je n’ai entendu personne les mentionner.

Je serais très intéressé d’entendre la réponse de v. d. Leyen à cette question.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

   Envoyer l'article en PDF