Par Michel Delanature − Décembre 2018
N’ayons pas peur des mots. Je pense bien être tombé sur une idée géniale pour sauver le pays. Je vois déjà, en rêve, des rues porter mon nom et des statues s’élever à ma gloire. En s’appuyant sur ce qu’on appelle des indicateurs officiels, il n’est pas utile je crois de perdre beaucoup de temps à démontrer que sur une période de, disons ½ siècle, le chômage ne cesse de progresser, la grande pauvreté ne cesse de s’étendre, les inégalités s’amplifient, l’endettement de la nation ne cesse de croître, le climat social ne cesse de se détériorer…
Pratiquement tout le monde sait cela. Et tout cela grâce à qui ? Et bien grâce aux personnes qui depuis des décennies dirigent le pays, toutes tendances politiques confondues pourrait-on dire, en fait la tendance est unique : mauvaise. Comment mettre un terme à cela ?
Et bien voilà l’idée géniale : cela revient à devoir se séparer des hommes politiques de tous bords qui veulent tous faire notre bonheur ; ces gestionnaires géniaux qui, peinant peut-être à constater les résultats désastreux des politiques qu’ils mettent en œuvre, suivent encore et toujours les mêmes recettes en semblant avoir une oreille attentive pour les seuls intérêts des gens fortunés qui leur explique ce qu’il faut faire. Et pour se séparer de tous ces génies, il existe une méthode simple : on leur verse une belle prime et on leur demande d’aller voir ailleurs.
« Verser une prime à des gens pour les empêcher de sévir ici ? », me direz-vous et je vous répondrai : « Bien sûr, car ces gens ont vraiment besoin de cet argent, sinon ils ne feraient pas ce qu’ils font ». Nous leur tenons le discours suivant : « Pour ce qui est de la gestion du pays, ce n’est pas brillant. Certes à titre personnel, tout va bien pour vous, vous avez plutôt profité comme on dit. Mais pour ce qui est des affaires de la nation, vous nous avez coûté cher. Bonjour les dégâts. Mais nous ne sommes pas rancuniers. Le peuple vous pardonne et même il vous verse une prime exceptionnelle pour vous voir partir tout de suite. En échange, vous quittez le pays et vous laissez en paix la République et la démocratie dans ce pays. »
Cette idée peut laisser perplexe ; aussi je vais prendre un exemple chiffré.
Supposons que tel grand « responsable », pour aller voir ailleurs, c’est à dire passer une bonne partie de sa vie en vacances et à ne pas nuire à ses concitoyens, justifierait une prime de 20 000 euros mensuels (ça ne leur paraîtra peut-être pas beaucoup, parce qu’ils sont habitués à manipuler de grosses sommes, mais le marché est quand même équitable quand on voit ce qu’ils estiment normal de verser aux chômeurs ou aux pauvres ; il est possible qu’ils le comprennent). Sur un an, cela fait 240 000 euros, et sur 15 ans, 3,6 millions d’euros. Voila la prime.
Comptons combien sont ces génies particulièrement actifs dans le pays dans les catégories ou se recrutent habituellement les responsables politiques. Admettons que cela fasse 2000 personnes. 2000 vedettes de la politique qui occupent des postes des décennies durant et qui, pour la plupart, donnent des conseils de serrage de ceinture à leurs concitoyens.
Ces personnes sont des passages obligés pour les industriels, financiers, ou escrocs de tous poils qui vivent aux dépends de la collectivité. En fait en y regardant bien, ce ne sont pas 2000 personnes qui mènent le pays, c’est beaucoup moins, peut-être une centaine à peine et les autres suivent, mais ne regardons pas à la dépense quand il s’agit de sauver le pays. Multiplions 2000 par 3,6 millions, cela fait 7,2 milliards d’euros.
Bien sûr, vous allez m’objecter que tout le monde n’est pas aussi habile et ne mérite pas la même prime. C’est juste. C’est un calcul moyen et ces individus sont habitués à se partager un butin. Ils sauront faire de même avec ces primes et les répartir en fonction des mérites de chacun. De la même manière certains commencent à peine à déployer leurs talents alors que d’autres ont presque fini de le faire. Gardons la notion de moyenne à l’esprit.
Oui, mais 7,2 milliards, c’est beaucoup. Dans ce cas, comparons avec un autre chiffre. Il se dit que nous versons à l’ogre européen (je plaisante, cela n’a pas été baptisé ainsi), 23 milliards d’euros par an. 14 milliards seulement nous sont restitués sous le terme de « subventions européennes », mais, vous l’aurez compris, ce ne sont rien d’autre que nos impôts. La différence, soit 9 milliards d’euros disparaissent dans les bureaux de Bruxelles, dans des projets de développement, ailleurs, qui, si on y regardait de près n’ont probablement aucun intérêt pour notre pays, et pourtant on ne nous demande pas notre avis, bien que ce soit notre argent. 23 moins 14, ça fait un coût de 9 milliards par an. 7,2 milliards d’euros de primes aux génies de la politique, c’est amorti en moins de un an, car on sortirait de l’ogre européen (Oups, le lapsus continue). Bien sûr puisque c’est leur monstre. Et c’est sans compter toutes les autres dépenses inutiles voire nuisibles que nous oblige à faire l’ogre. Il y aurait beaucoup à dire, en commençant par les guerres, mais je m’écarte de mon sujet. 7,2 milliards et les voilà partis ! Envolés ! Le paysage est libre ! Tout est possible.
Cela veut dire qu’en se portant mieux que maintenant puisqu’on ne sera plus soumis à l’ogre, on pourra se permettre d’écarter d’emblée chaque année avec un budget plus faible, tous les génies qui prétendent nous diriger en faisant notre bonheur et qui pour finir, viennent nous expliquer qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de ruiner le pays. Vous allez me répéter que c’est une somme. Je vous répondrai qu’il faut savoir reconnaître les talents. Prenez par exemple tel candidat à la présidence de la république. Si nous lui disons : « Vous, vous êtes particulièrement doué, vous ne serez pas président, mais pour compenser, on vous donne 5 millions d’euros ! ». « Arrêtez le gâchis, me direz-vous, 5 millions payés à ne rien faire, c’est inadmissible. ». Certes, mais si vous constatiez que cette personne devenait effectivement président de la république, et que son talent de gestionnaire coûte au pays disons 500 milliards d’euros (c’est une hypothèse dont on parle ailleurs que sur le gourou TF1), et bien, pour revenir à notre candidat, en lui versant immédiatement 5 millions d’euros pour qu’il puisse exercer ses talents ailleurs, nous permettons à la collectivité d’économiser 499,5 milliards! Avouez que pour un peu, c’est moi qui devrait être président de la république.
Je vous vois inquiet. Vous vous demandez sans doute qui va gouverner le pays ? Et bien le peuple comme il se doit, mais sans stars. Le peuple recueillera une liste de volontaires et dans cette liste, les représentants du peuple seront tirés au sort. Ils resteront 5 ans et ensuite seront remplacés par d’autres, tous chargés de gérer le pays « en bons pères de famille ». Est-ce qu’ils risquent vraiment de faire plus mal que ceux qui auront été remerciés ? Et peut-être que nous obtiendrons enfin le référendum d’initiative populaire qui fait tant peur à la classe dirigeante.
Michel Delanature
3 593
Ping : L’imagination au pouvoir | Réseau International