Par Dmitry Orlov − Le 10 février 2022 − Source Club Orlov
Vous êtes peut-être conscient du fait que les choses ne vont pas très bien pour les États-Unis, mais vous ne savez peut-être pas que les choses vont plutôt bien pour la Fédération de Russie. Vous pouvez également penser que la Russie est une force maléfique qui doit être contenue, ou qu’elle est dirigée par un dictateur diabolique, ou tout autre chose du genre, alors que les États-Unis sont une démocratie prospère et une superpuissance (quoi que cela veuille dire), mais cela ne fait aucune différence. Si vous avez suivi les événements récents, vous savez peut-être que la Russie a récemment présenté aux États-Unis une sorte d’ultimatum, exigeant que les États-Unis lui fournissent certaines garanties de sécurité.
Mais vous serez probablement assez surpris d’apprendre que l’octroi de ces garanties de sécurité sera automatique à mesure que les États-Unis continueront à s’effondrer et à se retirer dans leur coquille vide et en faillite, leur déroute d’Afghanistan n’étant en aucun cas la dernière. Vous ne seriez pas non plus en mesure d’apprécier le fait que les exigences de sécurité sont conçues pour rendre la retraite de l’Amérique d’Eurasie extrêmement humiliante : non seulement elle se retirera, mais elle se retirera parce que les Russes lui ont ordonné de le faire.
Une fois que ce retrait aura eu lieu, la Russie sera sans aucun doute immensément et de manière effusive reconnaissante que l’Amérique ait finalement fait face à ses responsabilités et ait fait ce qu’il fallait en se retirant d’Eurasie, remuant joyeusement le couteau dans la plaie de l’Amérique. La Russie fera alors joyeusement de la Doctrine Monroe une véritable bouchée de pain, étendant son influence, main dans la main avec la Chine, sur tout le continent américain, de l’Argentine au Mexique, laissant les États-Unis (ce qu’il en reste) bouder dans leur coin en mangeant un pot de colle. Mais il y a beaucoup plus de gratitude à avoir pour ce qui s’est déjà passé. En fait, la Russie devrait remercier les États-Unis pour tout ce qu’ils ont fait pour faire de la Russie un gagnant et des États-Unis un perdant à chaque occasion. Permettez-moi d’énumérer quelques-uns des exemples les plus importants.
1. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, ce processus a été fortement encouragé par les États-Unis. Sur le Potomac, on pensait à l’époque que ce processus pourrait se poursuivre indéfiniment : d’abord le bloc de l’Est, puis l’URSS et enfin la Russie elle-même seraient démantelés, achetés, pillés et laissés pour morts. Cependant, quelque chose a mal tourné. Aujourd’hui, la Russie est puissante et unifiée à l’intérieur de ses frontières comme elle ne l’a pas été depuis des siècles, et elle étend même quelque peu ces frontières pour corriger des erreurs mineures dans la carte politique. La Russie est très reconnaissante aux États-Unis d’avoir lancé ce processus de redimensionnement de l’Empire russe. Cela a permis à la Russie de se débarrasser d’un grand nombre de parasites non russes, cryptiquement hostiles et inutiles, et de rassembler ses ressources pour reconstruire son noyau russe. La Russie devrait être reconnaissante aux États-Unis de l’avoir aidée à exorciser le fantôme de l’URSS.
2. Avant que l’URSS ne s’effondre, les États-Unis ont fait un effort majeur pour neutraliser sa dissuasion nucléaire, qui les avait empêchés de la détruire, par un effort connu sous le nom de Guerre des étoiles, ou Initiative de défense stratégique. Les gériatres du Politburo, dirigés par l’idiot Gorbatchev, conducteur de tracteur, ont cru à ce battage médiatique et ont capitulé. Plus tard, l’IDS s’est avérée être un enfumage complet et total. Pendant ce temps, les scientifiques et ingénieurs russes ont tranquillement poursuivi leur travail et ont finalement réussi à faire de l’IDS une réalité pour la Russie. Il y a maintenant de bonnes chances qu’une confrontation nucléaire entre les États-Unis et la Russie se déroule comme suit : une première frappe nucléaire américaine serait interceptée et le reste de l’arsenal serait détruit dans une contre-attaque nucléaire limitée. La Russie devrait être très reconnaissante aux États-Unis d’avoir inspiré ses scientifiques et ses ingénieurs à faire tout leur possible pour créer des merveilles telles que le système de défense aérienne et spatiale S-400 (actuellement déployé en Biélorussie), des missiles de croisière hypersoniques pouvant être lancés à partir de conteneurs standard depuis n’importe quel endroit de la planète, des missiles intercontinentaux suborbitaux, des torpilles à propulsion nucléaire à portée infinie, des équipements de guerre électronique pouvant rendre des pays entiers électroniquement sourds et aveugles, des batteries laser mobiles pouvant percer des trous dans les satellites et d’autres jouets de ce type dont nous n’avons même pas connaissance. Jamais, au cours de son histoire millénaire, la patrie russe n’a été mieux défendue – dans ses onze fuseaux horaires – et c’est aux États-Unis, avec leur stupide guerre des étoiles, qu’il faut en être reconnaissant.
3. La Russie devrait être très reconnaissante aux États-Unis en général et à Victoria Nuland personnellement pour avoir instigué et soutenu le renversement violent et inconstitutionnel du gouvernement à Kiev, en Ukraine, en 2014. Avant cet événement, la Russie n’avait pas prévu de reprendre la Crimée, qui s’était retrouvée par erreur comme une région autonome russe au sein de l’Ukraine. Mais les événements de cette année-là ont forcé les habitants de Crimée à revendiquer leur droit à l’autodétermination et à voter massivement pour quitter l’Ukraine et rejoindre la Fédération de Russie. Non seulement la Russie a gagné une province très précieuse sans effusion de sang, mais le retour de la Crimée a provoqué un fantastique élan d’enthousiasme et de patriotisme, propulsant le gouvernement de Moscou vers de nouveaux sommets de popularité et d’approbation. Si les choses ne se sont pas déroulées aussi facilement dans les régions de Donetsk et de Lougansk, des régions russes qui se sont retrouvées en Ukraine sur un coup de tête de Lénine, la guerre qui s’y déroule a constitué un important creuset pour le patriotisme russe, où plusieurs milliers de fiers guerriers russes se sont rendus à Donetsk et à Lougansk pour s’enrôler dans les forces de défense civile et protéger cette patrie russe des hordes nazies armées et soutenues par l’Occident. Ce conflit a également donné lieu à un important processus de tri politique interne, au cours duquel ceux qui, en Russie, se sont rangés du côté de Kiev et de ses nouveaux maîtres occidentaux se sont marginalisés et ont été expulsés du corps politique russe, sans qu’il soit nécessaire de poursuivre lourdement les traîtres et les espions. Merci, l’Amérique ! Merci, Victoria Nuland !
4. Au déclin de l’URSS, la culture occidentale, et plus particulièrement américaine, était extrêmement populaire en Russie. Les jeunes générations étaient très friandes de bubble gum, de blue jeans, de Pepsi® et de rock and roll. La culture occidentale est restée très populaire tout au long des années 1990, alors que la Russie d’après l’effondrement s’est transformée en un désert économique envahi par des oligarques criminels et des mafias ethniques, et que de nombreux jeunes ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour fuir vers l’Ouest et y refaire leur vie. Certains y sont restés, tandis que d’autres sont revenus, après avoir découvert que peu de choses en Occident fonctionnaient comme prévu, et ont raconté à leurs amis restés au pays ce qu’ils avaient découvert. L’image brillante de l’Occident a été ternie par des excès très médiatisés tels que le mouvement LGBT, le radicalisme écologiste, le politiquement correct, BLM et la Cancel Culture. Entre-temps, la Russie a absorbé tous les éléments de la culture occidentale qu’elle trouvait intéressants ou utiles.
C’était facile à faire, car la quasi-totalité de la culture occidentale est une culture commerciale et est à vendre à quiconque en veut un morceau. En conséquence, la société russe s’est largement débarrassée de son sentiment d’infériorité culturelle vis-à-vis de l’Occident. La Russie a désormais créé pour elle-même une version nettoyée et améliorée de l’Occident, sans tous ses horribles excès. « Merci, l’Amérique, pour toutes les belles choses que nous avons dans les magasins maintenant », devraient dire les Russes, « Dommage que les vôtres soient maintenant vides ou pillés ou assaillis par les voleurs. »
5. Après l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie s’est retrouvée avec un important complexe d’infériorité politique, car le nouveau système politique, mis en place à la hâte dans le cadre d’une passation de pouvoir probablement inconstitutionnelle et illégale entre Gorbatchev et Eltsine (tous deux considérés aujourd’hui comme des traîtres), n’a pas fonctionné. La situation a ensuite été aggravée par les conseillers américains qui ont supervisé une campagne de privatisation largement criminelle, distribuant les biens de l’État à des oligarques politiquement liés, dans l’espoir de créer un système politique russe semblable à celui des États-Unis – dirigé par des marionnettes politiques, mais en réalité géré par un État profond oligarchique. Mais quelque chose a terriblement mal tourné avec ce plan (d’un point de vue américain). Les oligarques ont été emprisonnés ou exilés, les politiciens corrompus ont été éliminés ou emprisonnés, et une nouvelle génération de politiciens et de fonctionnaires a pris le relais. Le système électoral est devenu bien organisé et transparent, les services gouvernementaux sont devenus numériques et, dans de nombreux cas, automatisés, et la bureaucratie russe n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était auparavant. Pendant ce temps, les Américains ont refusé d’élire à la présidence une horrible bique grinçante du nom d’Hillary et ont préféré élire un bouffon de type animateur de télé-réalité. Ils ont ensuite passé quatre ans à essayer de le chasser du pouvoir. Ils ont fini par l’évincer grâce à une fraude électorale massive et l’ont remplacé par une marionnette sénile qui lit les instructions de son téléprompteur (« Souriez et saluez. Merci ! ») avant d’être prise par la main et escortée hors de la scène par sa femme. Son acolyte est une call-girl exotique qui n’est pas sénile mais manifestement très très stupide. Et ça ne s’arrête pas là. Il y a, par exemple, le porte-parole du département d’État, Ned Price, qui dit : « Toute question qui ne me plaît pas est de la propagande russe ». Et tous les écoliers connaissent la fabuleuse et inepte porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, qui est si stupide qu’elle est devenue un mème populaire. Il y a généralement une dose quotidienne de cirque politique américain dans les informations russes du soir, et cela a été très efficace pour guérir les Russes de leur complexe d’infériorité politique. Merci, l’Amérique, de mettre en avant votre idiotie politique !
6. Jusqu’à récemment, la Russie portait le terrible fardeau d’un secteur de production agricole et alimentaire dysfonctionnel, à moitié détruit par la dékoulakisation et la collectivisation de l’ère soviétique. Au moment de l’effondrement de l’URSS, la Russie était dépourvue de toute sécurité alimentaire et dépendait abjectement des importations alimentaires. Les sanctions imposées à la Russie après 2014, suivies de contre-sanctions contre les importations de denrées alimentaires, ont conduit à une résurgence de l’agriculture russe qui a entraîné une vague de remplacement des importations et a connu un tel succès que la Russie est désormais non seulement largement autosuffisante en matière d’alimentation, mais aussi un exportateur majeur de denrées alimentaires. Ce sont les sanctions occidentales qui sont à l’origine de cette évolution, et la Russie devrait leur en être très reconnaissante.
7. Récemment, la poursuite aveugle des technologies vertes en Occident, associée à des jeux géopolitiques et à la diminution des réserves de combustibles fossiles, a fait grimper les prix de l’énergie en Occident. Cela a été une aubaine pour la Russie, car de nombreuses entreprises occidentales, confrontées aux prix élevés de l’énergie et à un réseau électrique de plus en plus imprévisible et peu fiable, ont été contraintes de délocaliser leur production en Russie. De nombreuses parties sont à blâmer pour cela, mais grâce à leurs efforts, la Russie redevient un centre manufacturier majeur et rivalisera peut-être un jour prochain avec la Chine dans sa production. Il faut remercier les écologistes, les fanatiques de la sécurité nationale et les politiciens occidentaux désireux de faire du foin en utilisant la russophobie, mais la Russie leur est très reconnaissante à tous pour l’aide qu’ils lui ont apportée afin qu’elle connaisse un tel succès en si peu de temps.
Je pourrais continuer à exprimer ma gratitude au nom de la Russie, mais je ne le ferai pas. C’est assez de gratitude pour une journée !
Dmitry Orlov
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone