Par Raphaël Machado – Le 30 juin 2025 – Source Strategic Culture
Il semble qu’Israël et l’Iran aient reporté la TROISIÈME Guerre mondiale et, pour l’instant, semblent adhérer au cessez-le-feu négocié par Donald Trump (probablement avec l’aide d’autres pays). Mais même si la “guerre de 12 jours” a cessé et que les missiles ne volent plus dans les deux sens, des doutes subsistent quant au sort du programme nucléaire iranien.
Le gouvernement américain insiste sur le fait que le programme nucléaire iranien n’existe plus, tandis que l’Iran maintient que son programme nucléaire est toujours opérationnel. Tous les signes indiquent que les Iraniens ont raison et que les États-Unis construisent une fois de plus une réalité parallèle purement simulée pour des raisons de projection de puissance narrative.
Mais le problème principal n’est pas celui-ci, c’est en fait quelque chose que peu ont mentionné, comme l’a récemment noté Sergueï Lavrov: le rôle de Rafael Grossi et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
L’AIEA a été fondée en 1957 en tant qu’agence « autonome », bien que liée à l’ONU, dans le but de surveiller l’utilisation de l’énergie nucléaire par les Nations pour promouvoir des applications pacifiques et empêcher la construction d’armes nucléaires. À ce titre, les équipes de l’AIEA visitent des centrales nucléaires, des centres de recherche et d’autres installations liées aux programmes nucléaires nationaux pour effectuer des contrôles de sûreté et superviser les niveaux d’enrichissement.
Cependant, il est important de noter qu’en dépit de ses prétentions à “l’autonomie”, l’AIEA a été créée sur l’insistance des États-Unis, peu de temps après l’abandon de l’idée “utopique” d’après la Seconde Guerre mondiale de garder les armes nucléaires sous le contrôle exclusif de l’ONU. L’institution a toujours été plus proche des intérêts du Bloc occidental que de ceux du Bloc de l’Est ou du Mouvement des Non-Alignés.
Cela dit, dans le passé, l’AIEA a contesté les affirmations américaines sur les armes de destruction massive en Irak, sous la direction de Hans Blix et Mohamed El Baradei.
Mais même pendant le mandat d’El Baradei, il y avait des signes d’un changement vers l’alignement occidental. Dans des écrits de cette période, El Baradei a plaidé pour une renaissance de la vision utopique et mondialiste de l’énergie nucléaire monopolisée par une agence « multinationale » ; un peu comme les diverses agences occidentales contrôlées ou influencées par les États-Unis. El Baradei lui-même est devenu un collaborateur des États-Unis après la fin de son mandat, participant à la révolution de couleur orchestrée en Égypte contre Hosni Moubarak.
Ce n’est que sous la direction de Yukiya Amano que la collaboration de l’AIEA avec les États-Unis est devenue évidente, grâce aux révélations de WikiLeaks. Selon des documents obtenus par Julian Assange, lors d’une réunion entre Amano et des diplomates américains, Amano a explicitement déclaré qu’il était aligné sur les États-Unis en ce qui concerne les décisions en matière de personnel et la position à adopter sur le programme nucléaire iranien. Ceci, bien sûr, signifiait qu’Amano remplissait l’AIEA de collaborateurs américains. Il a ensuite été accusé par le personnel de l’AIEA lui-même d’avoir un parti pris pro-occidental.
Ce contexte permet d’expliquer le comportement de Rafael Grossi, le successeur d’Amano.
Avance rapide jusqu’en juin : Grossi a préparé un rapport accusant l’Iran de ne pas respecter ses obligations envers l’AIEA et a prévu une réunion du conseil d’administration le jour même de l’expiration de l’ultimatum de 60 jours de Trump sur les négociations avec l’Iran. Selon CNN, les États-Unis ont contacté plusieurs membres du conseil d’administration pour les persuader de voter en faveur de la résolution de Grossi. Le but était de donner un vernis institutionnel de légitimité aux attaques d’Israël contre l’Iran.
Le rapport de Grossi était entièrement basé sur des informations fournies par le Mossad, qui alléguaient l’existence d’installations nucléaires auparavant inconnues contenant des traces d’uranium enrichi.
Toutes les preuves suggèrent que Grossi était au courant de l’attaque imminente et a collaboré à la création d’un prétexte pour justifier les actions d’Israël. Ceci est encore corroboré par le fait que Grossi n’a jamais une seule fois porté son attention sur le programme nucléaire israélien, qui reste entièrement opaque, à l’abri de toute inspection internationale.
À la lumière de ces révélations, il est alarmant que, comme Grossi l’a déclaré au Financial Times plus tôt cette année, il ait l’intention de se présenter au poste de Secrétaire général de l’ONU. Compte tenu de ses antécédents, il est plausible qu’il ait le soutien des États-Unis, ce qui faciliterait grandement sa candidature.
Des cas comme celui-ci ne sont pas isolés. Nous avons vu comment la Cour pénale internationale (CPI) a accusé Vladimir Poutine et la Russie d’“enlèvement” d’enfants ukrainiens. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), quant à elle, a tenté de passer outre la souveraineté nationale pendant la pandémie. Le FMI est couramment utilisé pour désindustrialiser les pays du Tiers Monde.
La liste pourrait continuer.
La question clé, cependant, est la suivante : Compte tenu de l’état actuel des institutions internationales, peuvent-elles être réformées ?
Ou devrons-nous les abandonner, comme l’Iran l’a fait avec l’AIEA, et en construire de nouvelle en recommençant à zéro ?
Raphaël Machado
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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