Les horreurs cachées de l’après-Seconde Guerre mondiale


Par Ron Unz – Le 9 juillet 2018 – Source Unz Review

Au lycée, je me passionnais pour les jeux de guerre et j’étais fasciné par l’histoire militaire, en particulier la Seconde Guerre mondiale, le conflit le plus titanesque de l’histoire. J’aimais lire les récits détaillés des batailles, particulièrement sur le Front de l’Est qui a largement déterminé l’issue de la guerre, mais je m’intéressais beaucoup moins à l’histoire politique qui l’accompagnait et je me contentais des analyses des manuels standards, que je considérais comme fiables.

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Ce qui justifiait à mes yeux cette confiance, c’est que ces sources ne dissimulaient guère certains des aspects les plus laids du conflit et de ses conséquences, comme les brutalités sur les collaborateurs pro-nazis après la libération de la France en 1944. Pierre Laval, chef du gouvernement fantoche de Vichy, fut condamné et exécuté pour sa trahison, avec plusieurs autres membres de son gouvernement collaborationniste. Et même le Maréchal Pétain, le célèbre héros français de la Première Guerre mondiale, qui avait malheureusement prêté son nom au régime honni, fut condamné à mort, même si sa vie a finalement été épargnée. Des collaborateurs moins en vue souffrirent aussi, et mes livres contenaient souvent des photos de quelques centaines ou milliers de femmes françaises ordinaires qui, par peur, par amour ou par intérêt, étaient devenues intimes avec des soldats allemands pendant les quatre années d’occupation, et en conséquence avaient leurs têtes rasées et étaient traînées dans les rues de leurs villes dans des défilés de honte.
De tels excès étaient regrettables, mais les guerres et les libérations engendrent souvent une brutalité démesurée, et ces spectacles d’humiliation publique ne peuvent évidemment pas se comparer à l’effroyable carnage des années de domination nazie. Par exemple, il y a eu le fameux cas d’Oradour-sur-Glane, un village impliqué dans des activités de résistance, où des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été rassemblés dans une église et d’autres bâtiments et brûlés vifs. Durant cette même période, un nombre immense de Français avaient été déportés en Allemagne en temps de guerre, en violation totale de tous les principes juridiques, produisant un étrange parallèle avec le goulag de Staline. Cela, au moins, avait toujours été mon impression générale de cette époque très malheureuse.
Avec le temps, des fissures majeures dans cette image simple ont commencé à apparaître. J’ai déjà écrit sur ma découverte de John T. Flynn, l’un des plus éminents intellectuels libéraux des États-Unis tout au long des années 1930, qui a ensuite été purgé des médias traditionnels et finalement oublié pour ses opinions discordantes sur certaines questions litigieuses. À partir du début des années 1940, les livres de Flynn n’ont trouvé leur place qu’à la Devin-Adair Company, une petite maison d’édition irlando-américaine basée à New York. Il y a six ou sept ans, j’ai pris connaissance d’un autre livre publié par cette même presse en 1953, La Haine inconditionnelle.
L’auteur en est le capitaine Russell Grenfell, un officier de marine britannique qui avait servi avec distinction pendant la Première Guerre mondiale. Il a ensuite aidé à diriger le Royal Navy Staff College, tout en publiant six livres hautement considérés sur la stratégie navale. Correspondant du Daily Telegraph, Grenfell reconnaissait comme inévitable que toute guerre majeure soit accompagnée de quantités massives de propagande. Mais, plusieurs années après la fin des hostilités, son inquiétude grandissait, et il estimait qu’à moins d’appliquer un antidote rapide, le poison persistant de ces exagérations en temps de guerre pourrait menacer la paix future de l’Europe.
Son érudition historique considérable et son ton académique réservé brillent dans ce volume fascinant, qui se concentre principalement sur les événements des deux guerres mondiales, mais qui contient souvent des digressions sur les conflits napoléoniens ou même antérieurs. Un des aspects intrigants de son argumentation est qu’une grande partie de la propagande anti-allemande qu’il s’applique à démystifier est aujourd’hui presque entièrement oubliée, tant elle apparaîtrait absurde et ridicule, alors qu’une grande partie de l’image extrêmement hostile que nous avons actuellement de l’Allemagne d’Hitler ne reçoit presque aucune mention, peut-être parce qu’elle n’avait pas encore été établie à l’époque où Grenfell écrivait, ou qu’elle était encore considérée comme trop bizarre pour que quelqu’un puisse la prendre au sérieux. Grenfell rapporte, entre autres faits dérangeants, que les principaux journaux britanniques ont publié des articles de première page sur les tortures infligées aux prisonniers allemands lors de procès pour crimes de guerre afin de les contraindre à toutes sortes de confessions douteuses.
Certaines déclarations occasionnelles de Grenfell soulèvent des doutes sur divers aspects de notre image conventionnelle de l’occupation allemande. Il relève dans la presse britannique de nombreuses histoires d’anciens « travailleurs forcés » français qui organisèrent après la guerre des réunions amicales avec leurs anciens employeurs allemands. Il déclare également qu’en 1940 ces mêmes journaux britanniques avaient rapporté le comportement absolument exemplaire des soldats allemands envers les civils français, même si après que des attaques terroristes menées par les forces communistes eurent provoqué des représailles, les relations se sont souvent détériorées.
Plus important encore, il souligne que la campagne de bombardement stratégique menée par les Alliés contre les villes et l’industrie françaises a tué un nombre considérable de civils, probablement beaucoup plus que le nombre de civils morts entre les mains des Allemands, provoquant un inévitable ressentiment. En Normandie, on conseillait aux officiers britanniques de se méfier des civils français qu’ils croisaient, car ils risquaient d’être victimes d’attaques meurtrières de leur part.
Bien que le contenu et le ton de Grenfell me paraissent exceptionnellement impartiaux et objectifs, d’autres ont considéré son texte sous un jour très différent. La couverture de son éditeur Devin-Adair note qu’aucun éditeur britannique n’a accepté le manuscrit, et quand le livre est paru, aucun critique américain majeur n’a signalé son existence. Encore plus inquiétant, Grenfell travaillait sur une suite quand il mourut subitement en 1954 de causes inconnues, et sa longue nécrologie dans le London Times signale qu’il avait 62 ans. Le copyright ayant expiré depuis longtemps, je suis heureux d’inclure ce volume important dans ma collection de livres HTML afin que les personnes intéressées puissent facilement le lire et juger par eux-mêmes.
Sur la France, Grenfell fournit de nombreuses références à un ouvrage de 1952 intitulé France : The Tragic Years, 1939-1947 de Sisley Huddleston, un auteur que je ne connaissais pas et qui suscita ma curiosité. Mon système d’archivage m’a permis de constater qu’Huddleston apparaissait souvent dans The Atlantic Monthly, The Nation et The New Republic, et que ses trente livres sur la France étaient bien considérés ; cela indique qu’il a été pendant des décennies l’un des principaux spécialistes de la France pour les lecteurs américains et britanniques instruits. Son interview exclusive avec le Premier ministre britannique Lloyd George à la Conférence de la Paix de Paris est devenue un scoop international. Huddleston avait des amis haut placés, comme l’ancien ambassadeur des États-Unis, William Bullitt. Mais, comme d’autres écrivains anticonformistes, après la Seconde Guerre mondiale, son éditeur américain devint Devin-Adair, qui publia une édition posthume en 1955 de son livre. Compte tenu de ses références journalistiques éminentes, le travail de Huddleston sur la période de Vichy a été examiné dans des périodiques américains, bien que d’une manière plutôt superficielle et dédaigneuse.
Je ne peux pas attester de l’exactitude des informations contenues dans les 350 pages de Huddleston sur la France des années de guerre et d’après-guerre, mais en tant que journaliste éminent, bon connaisseur de la France, et témoin des événements qu’il décrit, à une époque où le récit historique officiel n’était pas encore gravé dans le marbre, je pense que son point de vue doit être pris très au sérieux. Et sans aucun doute, sa présentation est radicalement différente de l’histoire conventionnelle que j’avais entendue jusque là.
Il n’est pas facile de juger de la crédibilité d’une source des décennies après les faits, mais parfois un détail révélateur fournit un indice important. À ma seconde lecture du livre de Huddleston, je remarquai qu’il avait mentionné au printemps 1940 que les Français et les Britanniques étaient sur le point de lancer une attaque militaire contre la Russie soviétique, qu’ils considéraient comme l’allié crucial de l’Allemagne. Français et Britanniques avaient planifié un assaut contre Bakou afin de détruire par une campagne de bombardement stratégique les grands champs pétroliers de Staline dans le Caucase. Je n’avais jamais lu une seule mention de cela dans aucune de mes histoires de la Seconde Guerre mondiale, et jusqu’à récemment j’aurais rejeté cette information comme une rumeur absurde, depuis longtemps démystifiée. Mais il y a quelques semaines, j’ai découvert un article de 2015 dans The National Interest confirmant ces faits, plus de soixante-dix ans après qu’ils ont été effacés de tous nos récits historiques traditionnels.
Selon la description de Huddleston, l’armée française s’est effondrée en mai 1940, et le gouvernement a désespérément rappelé Pétain, alors âgé de plus de 80 ans, le plus grand héros de guerre du pays, de son poste d’ambassadeur en Espagne. Il fut bientôt invité par le président français à former un nouveau gouvernement et à signer un armistice avec les Allemands victorieux, et cette proposition reçut un soutien quasi unanime de l’Assemblée nationale et du Sénat, y compris de presque tous les parlementaires de gauche. Un autre vote quasi unanime du parlement français l’autorisa à négocier un traité de paix complet avec l’Allemagne, ce qui plaça ses actions politiques sur la base juridique la plus solide possible. À ce moment, presque tout le monde en Europe a cru que la guerre était terminée, et que la Grande-Bretagne allait bientôt faire la paix.
Alors que le gouvernement pleinement légitime de Pétain négociait avec l’Allemagne, un petit nombre de purs et durs, dont le colonel Charles de Gaulle, désertèrent l’armée et s’enfuirent, en déclarant qu’ils avaient l’intention de continuer indéfiniment la guerre. Ils n’attirèrent initialement que peu de soutien et d’attention. Un détail intéressant est que de Gaulle avait longtemps été l’un des protégés de Pétain, et tandis que son statut politique grandissait quelques années plus tard, on émettait discrètement l’hypothèse que lui et son ancien mentor avaient organisé une « division du travail » : l’un signerait une paix officielle avec les Allemands tandis que l’autre partirait pour centraliser la résistance depuis l’outre-Manche dans le cas incertain où une occasion se présenterait de chasser les Allemands.
Bien que le nouveau gouvernement français de Pétain ait garanti que sa puissante marine ne serait jamais utilisée contre les Britanniques, Churchill a préféré s’en assurer en attaquant la flotte immobilisée de son ancien allié ; il a coulé la plupart des navires, tuant au passage près de 2 000 Français. Cet incident n’était pas très différent de l’attaque japonaise de Pearl Harbor l’année suivante, et est resté sur le cœur des Français pendant de nombreuses années.
Les affirmations les plus remarquables de Huddleston viennent vers la fin de son livre, au sujet de la « Libération de la France » en 1944-1945, lorsque les forces allemandes en retraite ont abandonné le pays et se sont repliées à l’intérieur de leurs propres frontières. Le nombre de Français revendiquant des titres de « résistant » a alors été multiplié par cent, tandis qu’il n’y avait plus aucun risque à adopter cette position. À ce moment-là, d’énormes effusions de sang ont commencé, de loin la pire vague d’exécutions extrajudiciaires dans toute l’histoire de France. Les historiens s’accordent à dire qu’environ 20 000 vies ont été perdues dans le « règne de la terreur » suivant la Révolution française, et peut-être 18 000 morts lors de la Commune de Paris de 1870-71 et sa répression brutale. Mais selon Huddleston, les dirigeants américains ont estimé qu’il y avait eu au moins 80 000 « exécutions sommaires » dans les premiers mois suivant la Libération en France. Le député socialiste qui servait comme ministre de l’Intérieur en mars 1945, et qui était donc le mieux placé pour connaître les chiffres, informa les représentants de De Gaulle que 105 000 exécutions avaient eu lieu entre août 1944 et mars 1945, un chiffre largement cité à l’époque.
Comme une grande partie de la population française avait passé des années à se comporter d’une manière soudainement considérée comme « collaborationniste », un très grand nombre de personnes étaient vulnérables, voire menacées de mort, et cherchaient parfois à sauver leur peau en dénonçant leurs connaissances ou voisins. Les communistes étaient depuis longtemps un élément majeur de la Résistance et beaucoup d’entre eux se sont empressés de se venger contre leurs « ennemis de classe », tandis que de nombreux individus profitaient de l’occasion pour régler des comptes privés. Un autre facteur était que beaucoup des communistes qui avaient combattu pendant la guerre civile espagnole, y compris des milliers de membres des Brigades internationales, avaient rejoint la France après leur défaite militaire en 1938 et prenaient souvent l’initiative de se venger contre les mêmes forces conservatrices qui les avaient précédemment vaincus dans leur propre pays.
Bien que Huddleston lui-même fût un journaliste international éminent ayant des amis américains de très haut rang, et qu’il eût rendu quelques petits services à la direction de la Résistance, lui et sa femme ont échappé de justesse à l’exécution sommaire durant cette période, et il rapporte une série d’histoires qu’il a entendues sur des victimes moins fortunées. Ce qui semble donc avoir été de loin la pire effusion de sang dans un contexte de guerre civile en France a été rebaptisé « la Libération » et presque entièrement retiré de notre mémoire historique, à l’exception des célèbres têtes rasées de quelques femmes déshonorées. Aujourd’hui, c’est Wikipédia qui distille notre vérité officielle, et son article sur ces événements porte le nombre de morts à moins du dixième des chiffres cités par Huddleston, que je trouve beaucoup plus crédible.
Sisley Huddleston, France : The Tragic Years, 1939-1947, 1955 (65 000 mots)
Ouvrir la première brèche dans un mur est le plus difficile. Une fois persuadé que toute ma compréhension de l’histoire de l’après-guerre en France était complètement fausse, je devins naturellement beaucoup plus ouvert à de nouvelles révélations. Si la France − un membre éminent de la coalition victorieuse de la Seconde Guerre mondiale − avait réellement souffert d’une orgie sans précédent de terreur et de tueries révolutionnaires, alors peut-être que l’histoire consensuelle était également malhonnête dans sa description du sort de l’Allemagne vaincue. J’avais certainement lu les horreurs infligées par les troupes russes, avec peut-être deux millions de filles et jeunes femmes allemandes brutalement violées. On trouvait aussi une phrase ou deux sur l’expulsion de plusieurs millions d’Allemands des terres contrôlées par la Pologne, la Tchécoslovaquie et d’autres pays d’Europe de l’Est, qui se vengeaient après leurs années sous le terrible joug nazi. Mention était aussi faite parfois du plan Morgenthau incroyablement vindicatif, heureusement presque immédiatement abandonné, en faveur de la renaissance économique allemande grâce à la générosité du Plan Marshall. Mais j’ai commencé à me demander ce qu’on trouverait en creusant plus profondément.
Je suis rapidement tombé sur des références à certains écrits de Freda Utley, une journaliste assez importante dans l’Amérique des années 1940 et 1950, aujourd’hui largement oubliée. Née anglaise dans une famille liée à George Bernard Shaw et à la Fabian Society [Club politique britannique de tendance socialiste, NdT], elle a adopté le communisme et a épousé en 1928 un juif soviétique d’une même conviction idéologique. Le couple s’est ensuite rendu en Union soviétique pour aider à construire la patrie de la Révolution socialiste. Comme tant d’autres communistes étrangers, ils ont été déçus par leur expérience en URSS, jusqu’à ce qu’un jour, en 1936, son mari soit arrêté dans une purge stalinienne, pour ne plus jamais être revu. Freda Utley a finalement fui l’URSS avec son fils Jon, atteignant nos côtes en 1939. Près de soixante-dix ans plus tard, j’ai fait sa connaissance grâce à notre implication mutuelle dans le magazine The American Conservative.
Compte tenu des expériences de première main d’Utley d’une décennie en URSS, ses vues sur le communisme soviétique étaient résolument négatives, très différentes de celles de la plupart des élites intellectuelles et journalistiques américaines. En conséquence, elle a été rapidement étiquetée comme « anticommuniste » et ses nombreux livres et articles au cours des deux décennies suivantes ont généralement été relégués aux éditeurs de cette orientation, considérée avec défaveur par les médias traditionnels.
En 1948, elle passa plusieurs mois à voyager dans l’Allemagne occupée, et l’année suivante, elle publia ses expériences dans The High Cost of Vengeance, que j’ai trouvé très instructif. À la différence de la grande majorité des autres journalistes américains, qui ne faisaient que de courtes visites chaperonnées, Utley parlait allemand et connaissait bien le pays, l’ayant souvent visité pendant l’ère de la république de Weimar. Contrairement au style académique de Grenfell, l’écriture d’Utley est beaucoup plus stridente et émotionnelle, ce qui n’est guère surprenant étant donné son expérience personnelle de ce sujet extrêmement angoissant. Son témoignage oculaire semble tout à fait crédible, et l’information qu’elle fournit, étayée par de nombreuses entrevues et observations, est saisissante.
Plus de trois ans après la fin des hostilités, Utley a rencontré une terre encore presque totalement ruinée, avec de grandes parties de la population obligées de chercher refuge dans des sous-sols endommagés ou de partager de minuscules pièces dans des bâtiments à moitié détruits. La population se considérait comme « privée de droits », souvent soumise à un traitement arbitraire de la part des troupes d’occupation ou d’autres éléments privilégiés, qui échappaient totalement à la juridiction légale de la police locale régulière. Un grand nombre d’Allemands étaient régulièrement expulsés de leurs domiciles, qui servaient à loger les troupes américaines ou leurs protégés, une situation que le général George Patton notait avec indignation dans ses journaux intimes publiés à titre posthume. Encore à cette époque, un soldat étranger pouvait dépouiller des civils allemands de tout ce qu’il voulait, avec des conséquences potentiellement dangereuses s’ils protestaient contre le vol. Utley cite un ancien soldat allemand qui avait servi dans l’occupation en France et faisait remarquer que lui et ses camarades avaient opéré sous la plus stricte discipline et n’auraient jamais imaginé se comporter envers les civils français de la même manière que les troupes alliées envers les Allemands.
Certaines affirmations d’Utley sont assez étonnantes, mais semblent fondées sur des sources fiables et entièrement confirmées ailleurs. Pendant les trois premières années de paix, la ration alimentaire quotidienne allouée à l’ensemble de la population civile allemande s’élevait à environ 1 550 calories, soit à peu près celle des camps de concentration allemands récemment démantelés. Au cours de l’hiver difficile de 1946-1947, toute la population de la Ruhr, le cœur industriel de l’Allemagne, n’avait reçu que 700 à 800 calories par jour, et des niveaux encore plus bas étaient parfois atteints.
Sous l’influence de la propagande officielle hostile, l’attitude générale du personnel allié à l’égard des Allemands était certainement aussi mauvaise que celle subie par les autochtones vivant sous un régime colonial européen. À maintes reprises, Utley note des parallèles remarquables avec le traitement et l’attitude des Occidentaux envers les Chinois indigènes durant les années 1930, ou celle des Britanniques envers leurs sujets coloniaux indiens. De petits garçons allemands, sans chaussures, démunis et affamés, ramassaient avec empressement des balles dans des clubs de sport américains pour une misérable pitance. Aujourd’hui, il est parfois contesté que les villes américaines à la fin du XIXe siècle contenaient effectivement des pancartes indiquant « No Irish Need Apply », mais Utley a vu de ses yeux des pancartes « No Dogs or Germans Allowed » sur la porte de nombreux établissements fréquentés par le personnel allié.
Sur la base de mes manuels d’histoire standard, j’avais toujours cru qu’il existait une différence radicale, comme celle qui distingue la nuit et le jour, entre les troupes allemandes qui occupaient la France de 1940 à 1944 et les troupes alliées qui occupaient l’Allemagne à partir de 1945. Après avoir lu les comptes-rendus détaillés d’Utley et d’autres sources contemporaines, je pense qu’il y avait effectivement une différence radicale, mais dans le sens inverse.
Utley attribuait cette situation désastreuse à la politique délibérée du gouvernement américain. Bien que le plan Morgenthau − visant à éliminer la moitié de la population allemande − ait été officiellement abandonné et remplacé par le plan Marshall, Utley a constaté que de nombreux aspects du premier avaient cours en pratique. Jusqu’en 1948, d’énormes portions de la base industrielle allemande ont été démantelées et expédiées vers d’autres pays alors que des restrictions très strictes sur la production et les exportations allemandes étaient maintenues. C’était à croire que le niveau de pauvreté, de misère et d’oppression qu’Utley voyait partout était délibérément calculé pour monter les Allemands ordinaires contre l’Amérique et ses alliés occidentaux, ouvrant la porte aux sympathies communistes. De tels soupçons sont certainement renforcés quand nous considérons que ce système a été conçu par Harry Dexter White, plus tard démasqué comme étant un agent soviétique.
Utley est particulièrement critique de la perversion de la justice durant le procès du Tribunal de Nuremberg et divers autres procès pour crimes de guerre, un sujet auquel elle consacre deux chapitres complets. Ces procès présentaient le pire exemple de « deux poids deux mesures », les juges alliés ayant déclaré explicitement que leurs propres pays n’étaient pas liés par les mêmes conventions juridiques internationales qu’ils prétendaient appliquer contre les accusés allemands. Plus choquantes encore furent certaines des méthodes régulièrement utilisées pour obtenir des aveux ou des dénonciations : ces méthodes, révélées par des juristes et des journalistes américains indignés, impliquaient tortures, menaces, chantage et autres moyens tout à fait illégitimes, ce qui suggérait en outre qu’un grand nombre de personnes condamnées et pendues étaient innocentes des crimes dont on les accusait.
Le livre d’Utley donne aussi une large couverture aux expulsions organisées d’Allemands ethniques de Silésie, de la région des Sudètes, de Prusse orientale et de diverses autres parties de l’Europe centrale et orientale où ils avaient vécu paisiblement pendant de nombreux siècles, le nombre total de ces expulsés étant généralement estimé entre 13 et 15 millions. Les familles avaient parfois seulement dix minutes pour quitter les maisons dans lesquelles elles avaient résidé pendant un siècle ou plus, puis elles étaient obligées de marcher, parfois sur des centaines de kilomètres, vers une terre lointaine qu’elles n’avaient jamais vue, avec pour seules possessions ce qu’elles pouvaient porter de leurs propres mains. Dans certains cas, tous les hommes survivants ont été séparés et envoyés dans des camps de travail forcé, produisant ainsi un exode composé principalement de femmes, d’enfants et de personnes âgées. Selon toutes les estimations, au moins deux millions de personnes ont péri en cours de route, de faim, de maladies ou de froid.
De nos jours, nous autres Américains entendons souvent parler du fameux « Sentier des larmes » enduré par les Cherokees au début du XIXe siècle, mais cet événement du XXe siècle a une proportion presque mille fois plus grande. En dépit de cette disproportion et du plus grand éloignement dans le temps de l’épisode cherokee, celui-ci est mille fois plus présent dans la conscience publique américaine. Cela tend à démontrer que les médias sous contrôle peuvent facilement et considérablement modifier notre perception de la réalité.
Les mouvements forcés de population de la fin de la Seconde Guerre mondiale représentent le plus grand nettoyage ethnique de l’histoire du monde, et si l’Allemagne avait fait quelque chose de similaire, même pendant ses années de victoires et de conquêtes européennes, les scènes visuellement saisissantes des flots de réfugiés épuisés et désespérés seraient sûrement devenues le sujet majeur de nombreux films sur la Seconde Guerre mondiale durant les soixante-dix dernières années. Mais comme rien de tel ne s’est jamais produit, les scénaristes de Hollywood ont été privés de cette opportunité.
La représentation extrêmement sombre d’Utley est corroborée par de nombreuses autres sources. En 1946, Victor Gollanz, un important éditeur britannique socialiste d’origine juive, fit une longue visite en Allemagne et publia In Darkest Germany l’année suivante. Il y raconte son horreur devant les conditions qu’il y découvrit. Ses déclarations sur la malnutrition, la maladie et le dénuement total des Allemands sont appuyées par plus d’une centaine de photographies effrayantes, et la préface à l’édition américaine est rédigée par le président de l’Université de Chicago Robert M. Hutchins, l’un des intellectuels les plus réputés de l’époque. Pourtant, son petit livre semble avoir suscité peu d’intérêt de la part des grands médias américains, bien que son livre quelque peu similaire Our Threatened Values, publié l’année précédente et basé sur des informations provenant de sources officielles, avait reçu un peu plus d’attention. Gruesome Harvest de Ralph Franklin Keeling, également publié en 1947, rassemble utilement un grand nombre de déclarations officielles et de reportages de grands médias, qui donnent exactement la même image des premières années de l’Allemagne sous occupation alliée.
Durant les années 1970 et 1980, Alfred M. de Zayas, diplômé en droit et détenteur d’un doctorat en histoire de Harvard, s’est occupé de ce sujet douloureux. Il a été un éminent avocat international des droits de l’homme à l’ONU. Ses livres tels que Nemesis at Potsdam, A Terrible Revenge, et The Wehrmacht War Crime Bureau, 1939-1945, se sont concentrés sur le nettoyage ethnique des minorités allemandes, et sont basés sur de considérables recherches archivistiques. Ils ont reçu les éloges de grandes revues académiques et se sont vendus par centaines de milliers d’exemplaires en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe. Mais ils semblent avoir à peine pénétré la conscience de l’Amérique ou du reste du monde anglophone.
À la fin des années 1980, ce débat historique fulgurant a pris un nouveau tournant remarquable. Alors qu’il visitait la France en 1986 en préparation d’un livre sans rapport, un écrivain canadien nommé James Bacque découvrit que l’un des secrets les plus terribles sur l’Allemagne d’après-guerre était resté complètement caché, et il entreprit des recherches approfondies sur le sujet, dont il publia les résultats sous le titre Other Losses en 1989. [Traduit en français sous le titre Morts pour raisons diverses. Enquête sur le traitement des prisonniers de guerre allemands dans les camps américains et français à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Sand & Tchou, 1995, NdT] Sur la base de documents gouvernementaux, d’interviews personnelles et de témoignages oculaires enregistrés, il affirma qu’après la fin de la guerre, les Américains avaient tué jusqu’à un million de prisonniers de guerre allemands, apparemment dans une politique délibérée, un crime de guerre qui devrait être classé parmi les plus grands dans l’histoire.
Pendant des décennies, les propagandistes occidentaux avaient inlassablement harcelé les Soviétiques avec l’accusation d’avoir retenu un million ou plus de prisonniers de guerre allemands comme travailleurs esclaves dans leur goulag, ce que les Soviétiques avaient systématiquement nié. Selon Bacque, les Soviétiques avaient toujours dit la vérité, car les soldats disparus faisaient partie de ceux qui avaient fui vers l’ouest à la fin de la guerre, en croyant trouver un traitement meilleur de la part des armées anglo-américaines que des soviétiques. Au lieu de cela, ils ont été privés de toute protection juridique et ont été confinés dans des conditions horribles par lesquelles ils ont rapidement péri de faim, de maladie ou de froid.
Il est impossible de résumer la vaste quantité de matériel accumulé par Bacque, mais quelques-uns de ses éléments factuels méritent d’être mentionnés. À la fin des hostilités, le gouvernement américain employa un raisonnement juridique détourné pour soutenir que les millions de soldats allemands capturés ne devaient pas être considérés comme des « prisonniers de guerre » et n’étaient donc pas couverts par la Convention de Genève. Peu de temps après, les tentatives de la Croix-Rouge internationale pour fournir des vivres aux gigantesques camps alliés de prisonniers ont été rejetées à plusieurs reprises et des affiches ont été placardées dans les villes et villages allemands à proximité pour prévenir que tout civil qui tenterait de faire passer de la nourriture aux prisonniers de guerre pourrait être abattu. Ces faits historiques indéniables suggèrent certaines possibilités très sombres.
Bien que publié initialement par un éditeur obscur, le livre de Bacque devint bientôt un best-seller international. Il décrit le général Dwight Eisenhower comme le principal responsable de la tragédie, notant que les pertes parmi les prisonniers de guerre étaient bien inférieures dans des zones hors de son contrôle, et suggérant qu’en raison de son ascendance germano-américaine, ce « général politique » très ambitieux se serait senti poussé à démontrer sa « dureté » envers la Wehrmacht vaincue.
L’historien Stephen Ambrose, qui a fait une carrière lucrative en produisant de nombreux volumes hagiographiques sur Eisenhower et la Seconde Guerre mondiale, en usant massivement de plagiat, a réagi avec horreur aux affirmations de Bacque, et a rapidement organisé un symposium sous les auspices du Centre Eisenhower, espérant réfuter les accusations monstrueuses qui avaient été portées contre son gagne-pain. Le panel de coauteurs qu’il avait enrôlés dans son projet souleva certes quelques doutes légitimes sur certaines parties du dossier à charge de Bacque, mais semblait incapable d’en contester efficacement l’essentiel, autrement qu’en avançant qu’un scandale aussi énorme n’aurait pas pu rester caché depuis si longtemps (autrement dit : si c’était vrai, cela se saurait). De plus, Ambrose et ses collègues admirent à contrecœur que les statistiques américaines officielles sur les taux de mortalité des prisonniers de guerre — qu’ils n’avaient auparavant jamais contestés — étaient beaucoup trop basses, mais ils choisirent de résoudre la difficulté en quadruplant ces chiffres de façon arbitraire, une méthode qui n’inspire guère confiance en leurs travaux.
Après la fin de la Guerre froide, les archives soviétiques rendues disponibles aux savants ont validé la thèse de Bacque. Celui-ci note que si ces archives contiennent des preuves des atrocités soviétiques telles que le massacre des officiers polonais par Staline dans la forêt de Katyn, elles ne montrent absolument aucun signe des millions de prisonniers de guerre allemands disparus, ce qui tend à confirmer qu’ils ont bel et bien péri dans les camps de la mort d’Eisenhower. Bacque souligne que le gouvernement allemand a lancé des menaces juridiques graves contre quiconque chercherait à enquêter sur les sites probables des fosses communes qui pourraient contenir les restes de ces prisonniers de guerre, et dans une édition mise à jour de son livre, il mentionne également la promulgation par l’Allemagne de nouvelles lois menaçant de lourdes peines de prison quiconque remettrait en question le récit officiel de la Seconde Guerre mondiale.
Bacque note que les archives des Soviétiques sur leurs propres prisonniers de guerre allemands montrent un taux de mortalité raisonnablement élevé mais généralement normal au cours des années de captivité, sans comparaison avec les énormes pertes produites en peu de temps dans les camps occidentaux sur le sol allemand, et ce malgré la pauvreté bien plus grande de l’URSS d’après-guerre. Mais nous ne devrions pas en être surpris. Le Géorgien Staline régnait en autocrate soviétique, et dans le passé, il avait sans état d’âme ordonné la mort d’un grand nombre de ses propres sujets, russes ou non, afin de faire respecter son règne. Les Allemands s’étaient également opposés à lui et l’avaient combattu, et ils en avaient beaucoup souffert, mais une fois qu’il les eut vaincus et les tenait sous son pouvoir, pourquoi Staline se serait-il senti vindicatif à leur égard ? Friedrich von Paulus, le maréchal allemand qui commandait à Stalingrad, déclara plus tard sa loyauté envers les Soviétiques et reçut un poste d’honneur dans la nouvelle Allemagne de l’Est. D’une manière générale, il était logique pour le régime stalinien de nourrir et traiter correctement les prisonniers de guerre ordinaires qui obéissaient et travaillaient de manière productive.
Bien que maintenant assez âgé, Bacque a encore donné il y a quelques années une longue interview à Red Ice Radio, et les personnes intéressées peuvent l’écouter sur YouTube, qui héberge également plusieurs autres présentations vidéo sur le même sujet :
Bacque fournit de nouveaux éléments livrés par les archives du Kremlin dans son livre de 1997, Crimes et Mercies, qui se concentre sur une analyse encore plus explosive, et qui est également devenue un best-seller international.
Comme je l’ai dit, les observateurs de l’Allemagne de l’immédiat après-guerre, tels que Gollanz et Utley, ont témoigné des conditions d’existence horribles qu’ils y ont découvertes, et du fait que, par exemple, les rations alimentaires officielles pour toute la population étaient comparables à celles des détenus des camps de concentration nazis, et parfois très inférieures. Ils ont vu tout autour d’eux un état de malnutrition et d’insalubrité entraînant des maladies généralisées. Ils ont également constaté la destruction de la majeure partie du parc de logements d’avant-guerre et le surpeuplement produit par l’afflux de millions de réfugiés allemands démunis expulsés d’autres parties de l’Europe centrale et orientale. Mais ces visiteurs n’avaient aucun accès à des statistiques démographiques solides et ne pouvaient que spéculer sur le nombre de morts que la faim et la maladie avaient déjà causé, et qui s’aggraverait sûrement si les politiques n’étaient pas rapidement changées.
Des années de recherche archivistique de Bacque ont permis de combler cette lacune, et sa conclusion n’est pas agréable à entendre. Le gouvernement militaire allié et les autorités civiles allemandes des années suivantes semblent avoir fait un effort concerté pour dissimuler l’ampleur réelle de la calamité subie par les civils allemands pendant les années 1945-1950. En effet, les statistiques officielles sur la mortalité contenues dans les rapports gouvernementaux sont tout simplement incroyables : si l’on en croyait ces chiffres, constate Bacque, le taux de mortalité pendant la crise humanitaire de 1947, longtemps appelée « l’Année de la faim » (Hungerjahr), aurait été inférieur à celui de l’Allemagne prospère de la fin des années 1960. En comparant ces chiffres à certains documents locaux ou rédigés à titre privé, on peut affirmer qu’ils étaient totalement fictifs.
Bacque tente donc de fournir des estimations plus réalistes basées sur un examen précis des divers recensements allemands et des estimations de l’afflux de réfugiés. Sur la base de cette analyse simple, il fait valoir de façon assez convaincante que les décès allemands au cours de cette période s’élevaient à 10 millions au minimum. En outre, il fournit des preuves substantielles que la famine était délibérée ou au moins énormément aggravée par l’obstruction du gouvernement américain contre tout effort d’aide alimentaire depuis l’étranger. Ces chiffres ne devraient pas être si surprenants puisque le plan officiel de Morgenthau prévoyait l’élimination d’environ 20 millions d’Allemands et, comme le démontre Bacque, les grands dirigeants américains ont tranquillement accepté de poursuivre cette politique même s’ils y renonçaient en théorie.
Même en supposant ces chiffres exagérés, la catastrophe humanitaire de l’Allemagne d’après-guerre est certainement l’une des plus importantes de l’histoire moderne en temps de paix, dépassant de loin les morts de la famine ukrainienne du début des années 1930 et se rapprochant des pertes involontaires du « Grand Bond en avant » de Mao de 1959-1961. Même si l’on devait revoir à la baisse les estimations de Bacque, les pertes allemandes d’après-guerre dépasseraient largement ces deux événements malheureux, en pourcentage de population. Pourtant, je doute que même une petite fraction d’1% des Américains soit aujourd’hui consciente de cette énorme calamité humaine. Les souvenirs sont probablement plus forts en Allemagne, mais compte tenu de la répression juridique grandissante des opinions discordantes, je soupçonne que quiconque discute trop énergiquement du sujet risque d’être immédiatement incarcéré.
Dans une large mesure, ce refoulement de la vérité historique a été encouragé par nos dirigeants par des moyens sournois. Tout comme dans l’ancienne URSS en décomposition, une grande partie de la légitimité politique actuelle du gouvernement américain actuel et de ses divers États vassaux européens repose sur une narration particulière de la Seconde Guerre mondiale, et remettre en question ce récit pourrait avoir pour eux des conséquences politiques désastreuses. Bacque relate de manière crédible certains des efforts visant à dissuader un journal ou un magazine important de publier des articles sur les découvertes surprenantes de son premier livre, imposant ainsi un blackout visant à réduire au minimum toute couverture médiatique. De telles mesures semblent avoir été assez efficaces, car jusqu’à il y a huit ou neuf ans, je pense n’avoir jamais entendu parler de ces faits choquants, et je ne les ai jamais vus discutés sérieusement dans aucun des nombreux journaux ou magazines que j’ai soigneusement lus au cours des trois dernières décennies.
Des moyens illégaux ont même été employés pour entraver les efforts de ce savant solitaire et déterminé : ses lignes téléphoniques ont été mises sur écoute, son courrier intercepté et ses documents de recherche copiés subrepticement, tandis que son accès à certaines archives officielles était bloqué. Certains des témoins oculaires âgés qui ont personnellement corroboré son analyse ont reçu des menaces et leurs biens ont été vandalisés.
Dans sa préface au livre de Bacque de 1997, de Zayas, l’éminent avocat international des droits de l’homme, a salué les recherches révolutionnaires de Bacque et espéré qu’elles conduiraient bientôt à un débat scientifique majeur visant à réévaluer les faits réels de ces événements historiques vieux d’un demi-siècle. Mais dans sa mise à jour de l’édition 2007, il a exprimé son indignation qu’un tel débat n’ait toujours pas eu lieu et qu’au lieu de cela, le gouvernement allemand a adopté une série de lois sévères imposant des peines de prison à quiconque contesterait le récit de la Seconde Guerre mondiale en se concentrant par exemple trop sur la souffrance des civils allemands.
Bien que les deux livres de Bacque soient devenus des best-sellers internationaux, l’absence presque totale de couverture médiatique secondaire a fait en sorte qu’ils ne sont jamais entrés dans la conscience publique. Un facteur important est la disproportion entre la portée de la presse écrite et celle des médias audiovisuels : un best-seller peut être lu par plusieurs dizaines de milliers de personnes, mais un film pourrait atteindre des dizaines de millions de personnes, et tant qu’Hollywood produira à la chaine des films dénonçant les atrocités nazies, mais pas un seul film sur les atrocités commises par l’autre camp, cette histoire a peu de chance de gagner beaucoup d’attention.
Les historiens cherchant à démontrer l’absolue méchanceté de Hitler et sa connaissance de divers crimes commis au cours de la Seconde Guerre mondiale sont régulièrement obligés de passer au crible les dizaines de milliers de mots qu’il a écrits à la recherche d’une phrase suggestive ici et là, et d’interpréter ces vagues allusions comme des déclarations absolument concluantes. Ceux qui ne parviennent pas à lire entre les lignes, comme le célèbre historien David Irving, verront leur carrière détruite.
Mais dès 1940, un juif américain nommé Theodore Kaufman publiait un petit livre intitulé Germany Must Perish! dans lequel il proposait explicitement l’extermination totale du peuple allemand. Et ce livre a apparemment reçu un accueil favorable dans plusieurs de nos médias les plus prestigieux, y compris le New York Times, le Washington Post et Time Magazine. Si de tels sentiments étaient exprimés librement dans certains milieux, même avant l’entrée effective des États-Unis dans le conflit militaire, alors les politiques exterminatrices que Bacque semble avoir découvertes ne devraient peut-être pas nous surprendre.
Les cyniques ont parfois noté que l’un des aspects ironiques de l’industrie du spectacle est son anti-réalisme accablant sur des sujets teintés idéologiquement. Les films d’action montrent invariablement de petites femelles qui mettent facilement KO de grands antagonistes masculins par des coups de poings et de pied bien rythmés, tandis que les Noirs sont souvent décrits comme des scientifiques et des érudits brillants, mais très rarement comme des criminels de rue ou des voyous. Ainsi, quelques trois générations après le 8 mai 1945, peut-être que le flux continu de films sur la Seconde Guerre mondiale dépeignant les Allemands sous un jour particulier devrait être interprété de la même manière.
Ron Unz
Traduit par Laurent Guyénot
http://www.kontrekulture.com/sites/default/files/image/livres/guyenot.pngLaurent Guyénot est ingénieur (École Nationale Supérieure de Techniques Avancées, 1982) et médiéviste (docteur en Études Médiévales à Paris IV-Sorbonne, 2009). Il est l’auteur d’articles parus surtout sur egaliteetreconciliation.fr, mais aussi sur voltairenet.org, unz.comthesaker.is, et russia-insider.com. Il est l’auteur de Du Yahvisme au sionisme, KontreKulture, 2017.
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