Les Banques centrales corrompent l’économie réelle

Paul Craig Roberts

Paul Craig Roberts

Par Paul Craig Roberts et Dave Kranzler – Le 23 août 2015 – Source paulcraigroberts

Assistons-nous à la corruption des banques centrales? Observons-nous les pouvoirs de création monétaire des banques centrales, utilisés pour faire monter les prix des marchés boursiers au bénéfice des ultra-riches?

Ces questions viennent à l’esprit lorsque nous avons appris que la banque centrale de Suisse, la Banque nationale suisse, a acheté 3 300 000 actions d’Apple au premier trimestre de cette année, en ajoutant 500 000 autres au deuxième trimestre. Une bonne idée aurait été de vendre, pas d’acheter.

Il se trouve que la banque centrale suisse, en plus de ses actions Apple, détient de très fortes positions en actions, allant de 250 M$ à 637 M$, dans de nombreuses sociétés américaines – Exxon Mobil, Microsoft, Google, Johnson & Johnson, General Electric, Procter & Gamble , Verizon, AT & T, Pfizer, Chevron, Merck, Facebook, Pepsico, Coca Cola, Disney, Valeant, IBM, Gilead, Amazon.

Parmi cette liste des avoirs de la banque centrale suisse, il y a les titres qui sont responsables de plus de 100% de la hausse sur la dernière année du S&P 500 avant la récente chute des marchés.

Qu’est-ce qui se passe ici?

L’utilité des banques centrales est de servir de prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales confrontées à une ruée des déposants pour sortir leur cash.

Dans ce cas, les banques commerciales demanderaient des prêts à leur banque centrale, pour lever des fonds afin de rembourser les déposants. Des entreprises feraient faillite, et les banques ne pourraient pas rembourser les déposants.

Avec le temps, cette justification de l’utilité de la banque centrale est devenue redondante avec le rôle, tenu par le gouvernement, d’assurance des dépôts bancaires, et les banques centrales ont trouvé des fonctions supplémentaires à leur existence. La Réserve fédérale, par exemple, en vertu de la Loi Humphrey-Hawkins, est responsable du maintien du plein emploi et d’une faible inflation. Au moment où cette loi a été adoptée, l’aggravation de la courbe de Phillips  entre l’inflation et l’emploi avait rendu ces objectifs incompatibles. Le résultat a été la mise en place par l’administration Reagan de la politique économique de l’offre qui a guéri simultanément la hausse de l’inflation et le chômage 1

Ni la charte de la Réserve fédérale, ni la loi Humphrey-Hawkins n’affirment que la Réserve fédérale est censée stabiliser le marché boursier en achetant des actions. La Réserve fédérale est censée acheter et vendre des obligations sur les marchés afin d’encourager l’emploi avec des taux d’intérêt plus bas ou de limiter l’inflation avec des taux d’intérêt plus élevés.

Si les banques centrales achètent des actions afin de soutenir les cours des actions, quel est l’intérêt d’avoir un marché boursier? La capacité de la banque centrale à créer de l’argent pour soutenir les cours des actions annule la fonction de régulation des prix du marché boursier.

Le problème avec les banques centrales est que les humains sont faillibles, y compris le président du conseil d’administration de la Réserve fédérale, tous les membres du conseil d’administration et le personnel. Les prix Nobel Milton Friedman et Anna Schwartz ont établi que la Grande Dépression était la conséquence de l’échec de la Réserve fédérale à élargir suffisamment la politique monétaire pour compenser la restriction de l’offre d’argent à cause de la défaillance des banques. Si une banque échoue dans son rôle d’assureur des dépôts, l’offre de monnaie se contracte de la quantité des dépôts de la banque. Durant la Grande Dépression, des milliers de banques ont fait faillite, effaçant le pouvoir d’achat de millions d’Américains et le pouvoir de création de crédit de milliers de banques.

La Fed a l’interdiction d’acheter des actions par le Federal Reserve Act. Mais un amendement en 2010 – Section 13 (3) – a été adopté pour permettre à la Fed d’acheter des actifs insolvables Maiden Lane d’AIG. Cet amendement a également créé une échappatoire qui permet à la Fed de prêter de l’argent à des entités qui peuvent utiliser ces fonds pour acheter des actions. Ainsi, la banque centrale suisse pourrait très bien agir comme un agent de la Réserve fédérale.

Si les banques centrales ne peuvent pas mener à bien la politique monétaire, comment peuvent-elles mener une politique d’investissement? Certains observateurs avisés estiment que la Banque nationale suisse agit comme un agent de la Réserve Fédérale et que les achats de grandes quantités d’actions américaines sont faits à des moments critiques pour arrêter la baisse des marchés boursiers ce qui détruirait la croyance dans la propagande selon laquelle tout va bien dans l’économie américaine.

Nous savons que le gouvernement américain a une «équipe de protection anti plongeon» composée du Trésor américain et de la Réserve fédérale. Le but de cette équipe est de prévenir les accidents indésirables sur le marché boursier.

Le déclin du marché boursier des 20-21 août était-il souhaité ou non?

À ce stade, nous ne le savons pas. Afin de maintenir la force du dollar, la base de la puissance américaine, la Réserve fédérale a promis d’augmenter les taux d’intérêt, mais toujours dans l’avenir. Le prochain avenir est le mois prochain. La croyance selon laquelle une hausse des taux d’intérêt est sur la table permet au dollar américain de ne pas perdre de sa valeur d’échange par rapport aux autres devises, empêchant ainsi une fuite devant le dollar qui réduirait la nation exceptionnelle indispensable au statut d’un État du Tiers Monde.

La Réserve fédérale peut dire que la baisse du marché boursier indique que la reprise est moins sûre et que cela nécessite plus de politique de relance. La perspective de plus de liquidités pourrait relancer le marché boursier. Comme les bulles d’actifs sont une conséquence de la politique de la Fed, une baisse du prix des actions supprime la bulle et permet à la Fed d’imprimer plus d’argent et de redémarrer le processus.

D’autre part, la baisse des marchés boursiers jeudi et vendredi dernier pourrait indiquer que les acteurs du marché ont compris que le marché boursier est une bulle gonflée artificiellement qui n’a aucun fondement réel. Une fois que la psychologie est atteinte, la fuite s’ensuit.

Si c’est le cas, il sera intéressant de voir si les politiques de liquidités et d’achat d’actions par la banque centrale peuvent arrêter la déroute.

Paul Craig Roberts et Dave Kranzler

Traduit par Hervé, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

 

  1.  Il est bon de se souvenir que PCR était sous secrétaire d’État au Trésor dans l’administration Reagan
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