Par Andrey Areshev – Le 12 août 2015 – Source strategic-culture
Les activités de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans les pays de l’espace post-soviétique ont été sur l’écran radar durant les derniers mois. Les scandales se succèdent pour attirer plus de projecteurs médiatiques à chaque fois. Les activités actuelles de l’OSCE semblent avoir peu à voir avec les objectifs que l’organisation est censée poursuivre.
Par exemple, dimanche 9 août, quelques centaines de manifestants ont bloqué la mission de l’OSCE à Lugansk pour protester contre les politiques biaisées de l’organisation. La mission était réticente à réagir comme elle aurait dû lorsque le feu a été ouvert par l’armée ukrainienne, qui agit ainsi régulièrement au mépris des accords de Minsk.
En fait, l’OSCE est un mécanisme qui gère les conflits dans sa zone de responsabilité, par exemple, le face-à-face dans le Haut-Karabakh. L’OSCE a une mission à Erevan. Elle en avait également une à Bakou jusqu’à récemment. En juin, l’Azerbaïdjan a envoyé une note verbale à l’OSCE, informant l’organisation que le gouvernement mettait fin au Mémorandum d’accord entre l’OSCE et le gouvernement sur la coordination du projet de l’OSCE à Bakou.
Andrei Kelin, l’envoyé de la Russie à l’OSCE, a déclaré que ce mouvement d’humeur était une réponse à la décision de l’OSCE de mettre fin au mandat du chef de l’Office Alexis Chahtahtinsky, un diplomate français. Selon Kelin, Chahtahtinsky menait ses activités en conformité avec les règles établies par le gouvernement de l’Azerbaïdjan au lieu de coopérer avec l’opposition. Voilà ce qui a causé son renvoi.
Des officiels azéris déclarent que les États-Unis étaient derrière cette éviction.
Il ne faut pas surestimer les implications de la décision de Bakou de résilier le Mémorandum d’accord sur le projet de coordination de l’OSCE à Bakou. Probablement, tout cela fait partie de la négociation politique qui inclut d’autres problèmes en dehors de la «rhétorique démocratique». L’ordre du jour à propos de l’énergie est beaucoup plus important pour les Européens, alors que le conflit du Haut-Karabakh est un sujet de préoccupation pour l’Azerbaïdjan.
L’initiative prise par Bakou en juin a une signification symbolique. Au moins, il se fait l’écho du mécontentement de l’élite nationale azérie frustrée par l’OSCE. Celui-ci est principalement causé par le fait que les bureaux locaux de l’OSCE se concentrent sur le suivi de la situation interne tout en minimisant le rôle des relations inter-gouvernementales dans le domaine de l’amélioration de la sécurité.
Depuis longtemps Washington a systématiquement fait des tentatives pour contrôler divers organismes internationaux, depuis ceux engagés dans les activités sportives et les activités humanitaires jusqu’aux agences spécialisées dans les affaires internationales. Cela porte préjudice au statut international de l’OSCE. Au lieu d’être un médiateur impartial, elle se transforme en un instrument de protection des intérêts des États-Unis dans l’espace post-soviétique.
Voici un bon exemple pour illustrer cette affirmation : un groupe de personnes qui se sont identifiées comme une «équipe d’observateurs de l’OSCE» a essayé d’entrer sur le territoire de la Crimée (autonome) au cours du «printemps de Crimée» en 2014. Ils ont été interdits de pénétrer dans la péninsule pour empêcher les provocations. Au printemps et à l’été 2014, des actions de combat ont eu lieu dans les régions de Donetsk et Lougansk. Les messieurs-dames de l’OSCE ont régulièrement publié des rapports dont le contenu est trouble. En gros tout se résumait à l’expression de sympathies pour le régime de Kiev.
La mission d’observation de l’OSCE n’a pas fait les efforts exigés par son rôle pour chercher une solution pacifique à la crise dans le Donbass. Elle a perdu toute apparence d’objectivité. Voici un exemple pour illustrer ce fait : l’OSCE a refusé de superviser les élections tenues dans les régions du Donbass et Lougansk en novembre 2014, de même qu’elle a omis d’en arriver à une condamnation claire de la violation des droits de l’homme dans la zone des opérations «anti-terroristes» sous le contrôle des forces du gouvernement ukrainien. Il y avait des cas où l’OSCE a refusé de contrôler le processus de retrait des armes lourdes par l’Ukraine en conformité avec les accords de Minsk. L’OSCE a cessé d’être un facteur de réduction des tensions le long de la ligne de front. Ses activités produisent un résultat tout à fait différent.
Ce n’est pas la première fois que l’OSCE agit de cette façon. Elle a laissé un mauvais souvenir en Ossétie du Sud quand elle était complice de l’invasion par la Géorgie. L’organisation a entravé le processus de mise en place de mesures pour défendre Tskhinvali et d’autres zones peuplées de l’Ossétie du Sud, les observateurs de la Mission ont fermé les yeux sur la concentration d’armes lourdes par les forces armées géorgiennes dans la zone de conflit et le fait que la Géorgie mettait en œuvre une politique de terreur d’État contre l’Ossétie du Sud.
Gennady Kokoev, un expert politique, a dit que l’OSCE avait mené régulièrement des activités ayant pour mission de faire reculer les forces d’Ossétie du Sud (y compris les armes défensives) de la zone de conflit pour les désarmer complètement et donner ainsi un avantage unilatéral à la Géorgie. L’OSCE disposait en interne d’informations d’initiés sur l’action criminelle planifiée. Les représentants de l’organisation se sont comportés d’une manière lâche. Ils ont également commis un crime en quittant la ville trois heures avant l’offensive de pilonnage de Tskhinvali.
L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont reconnus par la Russie en tant qu’États indépendants. L’OSCE n’a pas de mission là-bas depuis 2009. Il y a probablement de sérieuses raisons à cela. En 2013, deux officiers du Royaume-Uni et de Pologne ont été arrêtés. Ils opéraient sous le couvert de l’OSCE dans le voisinage d’un dépôt de munitions de la Russie. Il est maintenant reconnu que des infiltrés ont travaillé pour la mission de l’OSCE en Ossétie du Sud avant que les troupes géorgiennes ne l’envahissent sur ordre du président d’alors Mikhaïl Saakachvili. Dans les deux cas, il s’agissait de missions de routine pour mener des activités d’espionnage comme ils le faisaient habituellement.
Willy Wimmer, ancien Secrétaire parlementaire du ministère fédéral allemand de la Défense et vice-président de l’OSCE, a déclaré que «les Américains ont vraiment fait tout leur possible pour éviter la création de la CSCE* – une organisation de type OSCE – dans la partie asiatique du continent parce que cette forme de coopération internationale entrait en contradiction avec les intérêts américains et la grande réussite de Nazarbayev a été qu’une telle organisation n’a jamais vu le jour sous la forme de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai)».
Dans son interview, il a également ajouté que «le conflit en Yougoslavie a révélé certains comportement brutaux qui me rendent très prudent aujourd’hui, en parlant de la mission de l’OSCE en Ukraine. En ce temps-là, au Kosovo, les observateurs étaient sous le commandement d’un Américain. La propre expérience de l’OSCE a révélé que si une mission est dirigée par les Américains, il n’y aura pas de rapport entre la réalité et ce que les observateurs ont enregistré. La seule information qui sera publiée sera celle qui est utile pour les objectifs de la politique américaine. Cela signifie que à ce moment là, en Yougoslavie, les diplomates et les militaires allemands, ont rapporté des informations tout à fait exactes, mais ce qui était écrit dans les rapports de l’OSCE sous la pression des Américains était tout le contraire. Et ensuite, les dirigeants allemands, Fischer, Schroeder et Scharping ont trouvé des raisons pour justifier le déclenchement d’une guerre. Ainsi, la pratique de l’OSCE est en contradiction avec la réalité et nous avons aussi appris, par expérience, que les observateurs ont été utilisés à des fins de renseignement plus d’une fois.» Il a donc bien précisé qu’ils ont mené des activités d’espionnage sous le couvert des missions de l’OSCE, et que cela pourrait arriver en Ukraine.
La sécurité collective en Eurasie est trop importante pour être la responsabilité d’une organisation qui est en fait un corps pro-américain avec une autorité légale douteuse. La création de mécanismes alternatifs à l’OSCE peut représenter un effort long et dur. Mais le moment est venu de réfléchir à la question et, sans doute, de commencer à prendre des mesures concrètes dans ce sens.
Andrey Areshev
(*) CSCE – Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Elle a été rebaptisée en Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 1995