L’économie russe supporte mieux les sanctions que l’Occident ne s’y attendait

Le 21 janvier 2015 – Source: RT Deutschland

Par sa politique de sanctions, l’Occident croyait que la Russie changerait sa position dans la crise ukrainienne. Certes, les conséquences des récents développements sur l’économie russe ne sont pas passées inaperçues, cependant le pays semble mieux supporter les sanctions que l’Ouest ne l’avait espéré.

BANQUE DE RUSSIE

Pendant que l’Occident souffre sous le poids écrasant de sa dette extérieure et refuse de voir les signaux apocalyptiques sur la situation financière dans le sud de l’Europe, la Banque centrale russe s’est permis mardi d’annoncer que l’économie du pays, malgré les sanctions anti-russes et la crise du rouble, avait vu sa dette extérieure diminuer de 17,7% au cours de la dernière année [la dette exprimée en pourcentage du PIB tombant de ce fait sous les 10 % contre 12% auparavant].

Dans l’année écoulée, l’endettement à l’étranger de la Fédération de Russie a fondu d’environ 129 milliards USD. Des 728,86 milliards USD au 1er janvier 2014, il ne restait que 599,5 milliards USD au 1er janvier 2015. Cela se passe donc très différemment des autres pays de la zone euro (prévisions fin 2015) :

  • Grèce : 400 milliards €
  • Italie : 2 800 milliards €
  • France : 2 300 milliards €
  • Espagne : 2 600 milliards €
  • Le montant total de la dette en zone euro est de 11 000 milliards, soit dix-huit fois plus que la Russie.

Cela se passe aussi autrement que prévu en Russie, au vu des craintes exprimées lors du vote des sanctions financières massives du printemps 2014 [décrétées par l’Europe , les USA, le Canada et d’autres]. Aujourd’hui, la dette russe est ventilée comme suit :

  • 171,1 milliards USD du secteur bancaire
  • 376,5 milliards USD d’autres secteurs de l’économie
  • 10,4 milliards USD de la Banque Centrale Russe, basée à Moscou (rappelons que la BCE vient de passer au rachat de dettes type junk bonds [dettes pourries] auprès des banques européennes pour 1 100 milliards d’euros sur les les vingt-quatre mois à venir.
  • 41,5 milliards USD d’autres autorités russes.

Les problèmes économiques restent, depuis la crise ukrainienne de l’année dernière, une charge pour l’économie interne de la Fédération de Russie. Comme conséquence de la chute du prix du pétrole, la Russie, en tant que grand exportateur d’énergie, est obligée, dans le cadre de sa planification budgétaire, de lier le rouble russe au cours du pétrole et celui-ci est de ce fait en chute libre. De janvier à décembre 2014, la monnaie russe a perdu plus de 41% face au dollar et 34% face à l’euro.

Même si les importations ont par conséquent renchéri, la faiblesse du rouble comporte aussi des aspects positifs. Les biens manufacturés et les services produits en Russie sont moins chers sur les marchés internationaux, et du coup plus attrayants, ce qui pousse les productions industrielles locales et aide ainsi à encourager et à renforcer les Russes de la classe moyenne.

Le président Poutine a dit dans son allocution de décembre [à propos de la situation économique du pays] que la crise durerait au plus deux années. Après cela Moscou pourrait se réjouir du regain de compétitivité des acteurs économiques locaux. Les entreprises d’Europe et des États-Unis pourraient en revanche manquer d’atouts sur le marché russe, qui aura d’ici là trouvé de nouveaux partenaires économiques ailleurs.

Traduit par Toma relu par jj pour le Saker Francophone

Commentaires du traducteur

Il me semble intéressant de mettre en parallèle les modèles différents dans lesquels vivent l’Europe de l’Ouest et la Russie, chacun de leur côté. Si on sait que beaucoup de différences opposent les deux « blocs » sur les plans politique, culturel et historique, il apparaît bien que la crise ukrainienne a provoqué/confirmé un schisme économico-politique et aussi financier; et apparemment, ce ne serait pas au désavantage de la Russie, même si on nous raconte le contraire toute la journée dans les médias de masse.

Cette semaine, le marché a salué, par une nouvelle hausse des places boursières européennes, la décision du chef de la Banque Centrale européenne, Mario Draghi, qui vient de dévoiler son super QE [Quantitive Easing consistant à offrir des liquidités aux banques en rachetant leurs dettes pourries – celles toujours et encore là  – de la crise de 2008], étalé sur vingt-quatre mois. On oublie que ce plan de sauvetage (encore un) va gonfler la dette de la BCE de 1 100 milliards d’euros supplémentaires, supplément garanti par des instruments financiers pourris, prenant ainsi de facto le relais des États de la zone euro, tous à bout de souffle après la crise de 2008. Pour mettre les choses en perspective, la dette totale de la Grèce est de 400 milliards d’euros, donc le QE de Draghi de 2015 serait égal au triple de la dette totale de la Grèce ! Quand on lit dans l’article de RT Allemagne que la Banque centrale de Russie possède… 10,4 milliards de dette en dollars, c’est au total une petite semaine du QE de M. Draghi !

Tout cela nourrit le sentiment que, financièrement aussi, la zone euro vit dans un mensonge permanent, un narratif imposée, qui fait que nous naviguons en zone euro dans un monde parallèle au monde russe, entre autres. Endetté plus que tous les autres (hormis le Japon et les USA, sic !) sur la planète, ce bout péninsulaire du continent eurasiatique qu’on appelle Europe, continue de vivre au-dessus de ses moyens. Les critères de convergence de l’accès à la zone euro sont depuis longtemps oubliés, car la dette ne devait en théorie pas dépasser 60 % du PIB. A un moment où le PIB au mieux stagne, voire baisse le plus souvent, et où l’assistance sociale de la BCE aux banques sera in fine payée par les citoyens de la zone euro, contribuables et/ou déposants, eh bien voyez-vous?, à ceux-ci  on ferme les hôpitaux, les maternités, les écoles, on réduit leur encadrement en personnel, on réduit tous les services de l’État, hormis ceux liés à notre sécurité contre la menace islamiste.

Les pourcentages de dette exprimés en points de PIB explosent.  Fin 2014, ils s’établissaient comme suit: France (95%), Espagne (100%), Belgique (101,5%), Irlande (121%), Chypre (122%), Portugal (126%), Italie (135%) et Grèce (177%). La zone euro, dont la moyenne s’établit à 96% fin 2014, et qui dépassera probablement les 100 % en moyenne fin 2015, verra la moitié de sa population supporter un endettement supérieur à 100%.

Source: http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20140506trib000828599/sept-pays-de-la-zone-euro-depasseront-les-100-de-dette-publique-cette-annee.html

Tout cela mis en perspective, on a désormais d’autant plus de mal à comprendre la note octroyée généreusement à la Russie, BB– soit un cran au-dessus de Junk Bond, par les agences de notation occidentales. On comprend encore moins les double et triple A ou les A++ dont bénéficient encore ici et là certains pays de l’Union européenne et de la zone euro.

Il faut aussi rappeler que l’économie réelle de la zone euro s’établit de fait à 44 800 milliards d’euros, belle performance, cette zone intégrée est le premier marché d’économie réelle dans le monde. On peut se dire que 1 100 milliards de QE, ce serait énorme. Mais non, vu que la totalité de cet argent est destinée uniquement au secteur financier et à ses dettes pourries et que l’économie réelle n’en profitera pas. Le tout est totalement fictif, hors de la réalité ou dans la réalité d’un monde parallèle auxquels les citoyens européens, sauf pour les 1% (ou 0.1%?) du haut du panier. Le secteur financier représente 2 024 800 milliards d’euros soit quarante-cinq fois plus que l’économie réelle. La finance est donc totalement déconnectée de la réalité concrète.

Comme conclut le site http://www.les-crises.fr/comment-la-bce-se-moque-du-monde/, on peut résumer la chose de la manière suivante:

Ainsi, c’est un peu comme si, dix minutes avant que le Titanic ne se fracasse sur l’iceberg, la BCE arrivait en barque, lançait une corde à un milliardaire pour qu’il descende dans la barque et prene sa place sur le bateau – le tout en lui rachetant au passage son billet à plein tarif…

Merci Draghi ! Merci l’euro !

Reste à vous demander: dans quel monde financier préférez-vous vivre? Le russe ou l’européen?

Toma relu par jj pour le Saker Francophone

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