Le spectacle de la prétention


“Non seulement il n’y a pas de menace russe qui soit indépendante de la politique américaine, mais c’est l’expansion de l’OTAN pour “répondre à la menace russe” qui crée la menace même que l’expansion est censée contrer.” – Alastair Crooke


Par James Howard Kunstler – Le 27 janvier 2023 – Source Clusterfuck Nation

Char Abrams M1

Je doute que beaucoup d’Américains – même les masses enfoncées dans la suffisance vaccinale et la Trump-o-phobie obsessionnelle – croient que le projet américain en Ukraine fonctionne pour nous. Bien sûr, pour commencer à réfléchir à cette débâcle, il faut au moins soupçonner que notre gouvernement ment sur pratiquement tout ce à quoi il a la main. Nommez une chose sur laquelle il ne ment pas, je vous mets au défi.

Alors, quel est le but du projet ukrainien ? D’utiliser ce triste pays comme un vecteur pour neutraliser et détruire la Russie. On ne saurait trop insister sur la stupidité de cet objectif. Et pourquoi avons-nous voulu faire ça ? Parce que… des raisons. Oh ? Et quelles étaient-elles ? Eh bien, la Russie était… là. Oh ? Et que faisait-elle ? Elle essayait de prendre le contrôle du monde ? Euh, non. En fait, elle essayait juste de redevenir une nation européenne normale après son expérience traumatisante de 75 ans de communisme, qui s’est terminée en 1991.

Et puis, après ça, elle s’en sort plutôt bien sous M. Poutine. Ai-je dit cela ? Oui, je l’ai dit, parce que c’est un fait. La Russie a rédigé de nouvelles lois sur la propriété privée, a rendu le commerce à nouveau légal et a permis à ses citoyens de faire des affaires. La Russie ne menaçait aucune autre nation, et surtout pas son ancienne province, l’Ukraine. Elle avait même invité l’Ukraine à devenir un membre souverain de son association commerciale, l’union douanière, avec un groupe d’autres États régionaux qui avaient des intérêts rationnels à avoir de bonnes relations régionales. C’est ce qui a déclenché l’ire des maniaques du département d’État américain – sous la direction du secrétaire John Kerry, alias le coupeur de cheveux à la recherche d’un cerveau – qui, en 2014, ont décidé de renverser le gouvernement ukrainien.

Le projet depuis lors a été d’utiliser le gouvernement ukrainien contrôlé par les États-Unis pour contrarier la Russie et, finalement, pour attirer la Russie dans une opération militaire destinée, a dit plus d’une fois le Secrétaire à la Défense Lloyd Austin, “à affaiblir la Russie”. Eh bien, tout ce que nous avons fait là-bas, depuis huit ans de bombardements du Donbass, jusqu’à l’expulsion de la Russie du système bancaire occidental, en passant par le déversement de milliards de dollars américains dans le gouvernement corrompu de l’Ukraine, n’a fait que renforcer la Russie à l’intérieur, gagner l’approbation de nombreuses autres nations qui s’opposent à l’ingérence américaine dans leurs régions, et diriger la pauvre Ukraine vers le cimetière des États défaillants.

Nous sommes en train de perdre cette guerre par procuration inutile de la manière la plus flagrante possible, tout en donnant une bonne image de la Russie. La Russie aurait pu mettre fin à la guerre en cinq minutes en transformant Kiev en cendrier, mais elle a passé les huit premiers mois de l’opération à essayer d’éviter de démolir l’infrastructure de l’Ukraine, afin de ne pas en faire un État défaillant (ce qui poserait de nouveaux et pires problèmes). M. Poutine a fait de nombreuses ouvertures pour négocier la fin du conflit, toutes rejetées par l’Ukraine, les États-Unis et ses “partenaires” de l’OTAN.

Donc, maintenant, la Russie s’efforce sur le terrain de réduire la capacité de l’Ukraine à continuer à faire la guerre en tuant systématiquement les troupes que l’Ukraine lance bêtement sur la ligne de combat, et en détruisant ses armes lourdes. L’Ukraine est à peu près à court de ses propres soldats et armes. La Russie manœuvre pour écraser ce qui reste et mettre un terme à ces hostilités inutiles. Contrairement à la propagande américaine, la Russie n’a pas l’ambition de conquérir le territoire de l’OTAN. Son objectif est plutôt de rétablir l’ordre dans un coin du monde qui a été sa sphère d’influence légitime pendant des siècles – et qui a plus d’une fois servi de paillasson aux armées européennes pour envahir la Russie.

Apparemment, nous ne pouvons pas laisser la Russie nettoyer le désordre que nous avons créé – ou nous prétendons ne pas pouvoir le faire, même si cela se produit de toute façon, que cela nous plaise ou non. Alors maintenant, les États-Unis promettent d’envoyer 31 chars M1 Abrams à l’Ukraine. Un geste audacieux, vous pensez ? Pas vraiment. Le temps que ces chars arrivent dans les environs de l’Ukraine, cette guerre sera probablement terminée. Sans parler de la difficile tâche de former les quelques Ukrainiens éligibles restants, âgés de seize à soixante ans, au maniement des chars, à la formation des équipes d’entretien et à la livraison des stocks de pièces de rechange – vous voyez où cela mène – sans parler de la certitude que les Russes les feront simplement exploser dès qu’ils apparaîtront sur les lieux. Quoi qu’il en soit, 31 chars à peine exploitables n’ont aucune valeur par rapport aux centaines de T-72 soutenus par des chars T-14 plus récents que les Russes peuvent rassembler juste au-delà de leur frontière avec l’Ukraine.

L’offre de chars est, malheureusement (pour la dignité de notre pays), une blague, une sorte de dernier faux semblant avant que tout cela ne se termine dans l’ignominie pour l’équipe de “Joe Biden” – ou qui que ce soit. Les répercussions risquent d’être désastreuses pour notre pays, pas nécessairement en termes de troubles militaires supplémentaires dans d’autres pays (ce que nous n’avons probablement pas la capacité de faire maintenant), mais quelque chose de plus personnel : l’effondrement du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale et une perte vicieuse du pouvoir d’achat chez nous. Cela provoquerait une situation pire que la Grande Dépression des années 30, et c’est probablement là que les choses vont.

La mésaventure ukrainienne disparaîtra de la conscience collective de l’Amérique en une minute à New York et un quatrième tour de désordre politique intérieur grave commencera en peu de temps. Si vous pensez que le mandat de “Joe Biden” a été un désastre jusqu’à présent, attendez. Vous n’avez encore rien vu.

James Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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