Le silence des agneaux


Par Martin Sieff −  Le 27 mai 2020 − Source Strategic Culture

− Inspecteur Gregory : Y a-t-il un autre point sur lequel vous souhaiteriez attirer mon attention ?

− Sherlock Holmes : Oui, sur l'incident curieux du chien pendant la nuit.

− Gregory : Le chien n'a rien fait pendant la nuit.

− Sherlock Holmes : C'était ça l'incident curieux.

«L'aventure de Silver Blaze» - Par Arthur Conan Doyle

 La pédiatre du Boston Medical Center, la Dr Sara Stulac, tient Nairobi Kyra Osorio, âgée de cinq mois, lors d’un examen de routine dans une ambulance devant le domicile d’Osorio pour apporter des soins de routine et des vaccinations programmées aux enfants au milieu de la COVID-19 à Boston, Massachusetts, États-Unis, le 8 mai 2020. REUTERS / Brian Snyder

Un autre silence étrange pèse désormais sur le monde entier : une catégorie entière de Chiens de garde internationaux et supranationaux, soi-disant redoutables et rassurants, est restée silencieuse alors que la pandémie de la Covid-19 ravage le monde. Les mesures de défense les plus efficaces sont prises par la Chine, la Russie, et jusqu’en Corée du Sud, en Israël, et elles sont exécutées par des États nationaux traditionnels qui agissent avec audace et détermination pour protéger leurs propres populations. Mais où sont les Nations Unies ? Où est l‘Organisation mondiale du commerce ? Le Fonds monétaire international ? La Banque mondiale ? L’Organisation mondiale de la santé a manifesté un comportement honteux, et une incompétence totale au cours des premiers mois de l’épidémie.

Alistair Crooke a écrit sur ce site à juste titre : “La pandémie de COVID-19 va marquer un tournant dans l’histoire qui a finalement et irréversiblement condamné tous ces corps augustes et vénérés à finir dans les poubelles de l’histoire.”

L’ONU se révèle être un spectateur ridicule et vain – aussi pertinent que la Société des Nations adoptant des résolutions condamnant les conquêtes nazies en Europe occidentale en 1940.

Quant à la puissante Union européenne, elle est déjà devenue – au grand amusement et au mépris de tous – un Saint Empire romain-germanique moderne – un ensemble de palais vides fantomatiques et inutiles, qui n’intéresse même pas les fantômes : une sinistre farce, vide de sens, sans pouvoir, ni intégrité, ni crédibilité dans le monde.

Cette implosion finale, cet effondrement total d’un cortège interminable de corps constitués, d’«acronymes» impressionnants d’agences parasitaires – révèle une simple réalité que les élites libérales de l’Occident refusent de reconnaître depuis des décennies : elles ne valaient déjà rien au départ. Elles échouent depuis des décennies. Le grand audit de la pandémie les a dévoilées comme inutiles, faillies, mortes.

L’immense troupeau de Chiens de garde mondialisés n’a jamais été bien courageux. Il n’a jamais eu ni griffes, ni crocs, ni tripes. Ils ne protégeait rien ni personne. Il  a seulement servi de couverture aux prédateurs mondiaux qui ont siphonné les richesses des nations en développement, et ensuite volé, aux travailleurs du monde prétendument développé, tout leur maigre confort et leur  modeste sécurité, durement gagnés, sous les mots de code Open Borders et Free Trade.

Ainsi, l’échec et la vanité des agences supranationales durant la pandémie ne manifeste pas le silence de chiens de garde puissants, efficaces et courageux : c’est le silence des agneaux.

Reconnaître cela, c’est reconnaître que la prétendue domination libérale du monde depuis l’effondrement du communisme a toujours été une horreur hybride – à moitié un fantasme naïf à la Bisounours, et à moitié un enfer horrible dans lequel des dizaines de millions d’enfants et de jeunes femmes ont été vendus comme esclaves sexuels alors que les cartels de la criminalité mondiale prospéraient. Cela se produit là où les gouvernements nationaux sont faibles. Pas là où ils sont forts.

L’ère de l’État-nation est révolue : voilà le slogan dogmatique de la démocratie libéral, répété ad nauseam par des hommes et des femmes, soi-disant sages, qui se sont soumis, béatement et sans relâche, pendant trois quarts de siècle, aux volontés des grands et puissants de ce monde.

Chaque année, d’innombrables conférences et institutions, de New York à Genève et Davos, répètent le mantra par cœur. Le récit conforme est le suivant : «Les problèmes auxquels le monde est confronté sont devenus trop grands et trop complexes pour être abordés par tout État-nation ou tout groupe d’États-nations agissant de concert. Le monde doit se rassembler pour résoudre ses problèmes »

Mais il n’y a toujours eu qu’un seul et unique problème, loin d’être minime, avec ce dogme quasiment universel.

C’est tout simplement faux.

L’ordre supranational mondial n’a pas tenu ses promesses.

Aujourd’hui, le commerce international de la drogue est beaucoup plus vaste, plus organisé, plus riche et plus puissant que jamais dans l’histoire. Il a survécu à une guerre civile à grande échelle, coûtant au moins 40 000 vies, avec le gouvernement fédéral mexicain, efficace et puissant, depuis le début du siècle, défiant aussi le nombre important des forces de l’ordre américaines, brouillonnes, en toute impunité.

L’horrible fléau de la traite des êtres humains, le maquignonnage – en particulier – de femmes et des jeune enfants des deux sexes à des fins criminelles est désormais plus répandu que jamais dans l’histoire du monde.

L’Organisation internationale du Travail (OIT), basée à Genève et largement respectée, estime les bénéfices mondiaux de ce commerce illicite à 99 milliards de dollars par an, soit onze fois le chiffre de 2005.

Toutes les preuves empiriques sont claires. Les États-nations qui ont conservé un contrôle strict sur leur immigration et leur commerce ont survécu et prospéré. Certains, notamment la Russie, qui semblait se désintégrer au cours de la dernière décennie du XXe siècle, se sont endurcis, devenant plus forts que jamais, non seulement en puissance militaire, mais aussi en réalisant des gains importants de prospérité et de sécurité économique pour leur propre peuple.

La Chine, en 40 ans d’engagement constructif avec l’Occident mais en gardant un contrôle très fort sur ses politiques d’importation – bien qu’elle soit à l’OMC depuis 20 ans – a vu son revenu annuel par habitant passer de 200 à 10 000 dollars pour ses 1,3 milliard d’habitants, le gain le plus important et le plus durable pour tant d’êtres humains dans l’histoire du monde.

Cet objectif n’a pas été atteint en bradant la souveraineté du gouvernement national, mais en l’utilisant de manière responsable et énergique pour tirer parti des conditions du marché mondial.

En revanche, l’ONU n’a fait aucun progrès significatif dans l’application du pouvoir supranational. Les rares fois où ses dirigeants ont persuadé les États-nations de laisser l’ONU organiser une initiative importante, les résultats ont été dérisoires ou bien pires.

L’exemple le plus notable de cela a été lorsque la sous-secrétaire d’État américaine, Susan Rice, a prévalu sur le président Bill Clinton pour laisser les Nations Unies gérer le maintien de la paix dans la petite nation africaine du Rwanda : l’organisation des Nations Unies et ses responsables se sont révélés une macabre plaisanterie, car plus d’un million d’innocents ont été massacrés dans un génocide racial en moins d’un mois. Quelques milliers de soldats envoyés par la Russie et les États-Unis auraient pu empêcher tout cela.

Le résultat est clair : chaque fois que les gouvernements nationaux prenaient au sérieux le Credo supranational, comme les membres de l’UE, ils devenaient beaucoup plus faibles et le ressentiment du public augmentait rapidement, en même temps contre le gouvernement national, et  contre le gouvernement supranational supposé plus fort, auquel ils avaient abandonné leur autorité.

En revanche, les gouvernements qui se tiennent à l’écart du Credo supranational et de ses organisations comme la Russie, la Turquie et l’Iran – ou qui ne le font que du bout des lèvres tout en poursuivant leurs propres intérêts nationaux comme la Chine et l’Inde – se renforcent.

Le redoutable effet de la pandémie a confirmé cet énorme changement dans l’évolution en cours de l’humanité. Comme Georg Wilhelm Friedrich Hegel l’aurait immédiatement reconnu, le Zeitgeist, l’esprit du temps a changé. L’ONU, l’UE et leurs acolytes, les agneaux supranationaux, restent silencieux car ils sont déjà morts.

Martin Sieff

Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone

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