Par Alexander Vorontsov – Le 18 juin 2016 – Strategic-Culture.
À en juger par la déclaration du président sud-coréen Park Geun-hye, le 13 juin, Séoul a décidé de rompre le dialogue avec la Corée du Nord, en exigeant que Pyongyang commence par arrêter son programme nucléaire. Comme nous le savons, la Corée du Sud a rompu tous les canaux de communication avec le Nord et fermé la dernière association économique collaborative – une zone industrielle commune à Kaesong – après que la Corée du Nord a procédé à son quatrième essai nucléaire et au lancement de satellite en janvier-février 2016.
À cet égard, il convient de mentionner les ouvertures conciliantes faites à Séoul au 7e Congrès du Parti des travailleurs de Corée (PTC), tenu en mai, avec au programme la tenue de pourparlers de haut niveau entre les autorités militaires et la décision de tenir une réunion inter-coréenne en août pour discuter de la réunification.
Le gouvernement nord-coréen a également adressé une invitation au dialogue à Washington. Celle-ci incluait en particulier l’idée, très appréciée des experts, d’un ensemble d’accords, une sorte de moratoire pour un moratoire : Pyongyang arrêterait ses essais nucléaires pendant un certain laps de temps et les États-Unis arrêteraient leurs exercices militaires annuels à grande échelle avec la Corée du Sud, à proximité de la zone démilitarisée ou au moins les organiseraient dans une zone plus éloignée de la Corée du Nord.
Malheureusement, ces propositions de la Corée du Nord ont été rejetées, comme toutes les précédentes. L’excuse typique pour rejeter les avances nord coréennes est l’argument selon lequel chaque proposition pacifique de Pyongyang n’est que de la propagande destinée à camoufler un acte de provocation imminent qui nécessite d’être préparé à l’avance, sans perdre de temps à étudier les signaux diplomatiques émanant des rives de la rivière Taedong.
Refuser catégoriquement d’instaurer le dialogue avec la Corée du Nord ne prouve qu’une chose : que Washington, Séoul et leurs alliés ont un programme alternatif, visant à un changement de régime en Corée du Nord en imposant les sanctions les plus sévères, en mettant la pression sur le pays et en l’isolant au maximum.
Cela explique aussi l’attitude négative de Séoul envers l’invitation de Pyongyang à reprendre les discussions sur la perspective de réunification coréenne lors d’une réunion le 15 août, qui coïncidera avec le 71e anniversaire de la libération de la Corée de la domination coloniale japonaise. Cela montre clairement les différences fondamentales entre les deux parties, en ce qui concerne la façon de réunir leur nation divisée.
Le gouvernement actuel à Séoul tente de réunir la Corée en avalant le Nord et essaie d’y arriver le plus rapidement possible.
Par contre, Pyongyang propose une autre approche – se réunir en formant une République confédérale de Koryo. Ce plan, mis au point pendant le règne de Kim Il-sung, a été confirmé dans les ouvertures faites vers la Corée du Sud en mai-juin 2016.
L’essence de l’idée de la Corée du Nord est la formation d’une république confédérale, qui permettrait l’existence de deux systèmes sociaux et deux gouvernements au sein d’une seule nation et d’un seul État. La formule suppose que les deux Corées devront d’abord co-exister dans le cadre d’une formation étatique commune, puis se rapprocher progressivement.
La Corée du Nord estime que les deux parties coréennes ne doivent pas copier aveuglément l’expérience d’autres pays, mais devraient former une entité qui correspond à l’expérience historique des Coréens, sans demander l’autorisation de se réunifier à des forces extérieures.
Toutes les initiatives de paix de Pyongyang ont été formulées au cours du dernier congrès du parti. À notre avis, cet événement était digne de beaucoup plus d’attention que ce que les médias du monde entier lui ont donné.
Le 7e Congrès du Parti des travailleurs de Corée (PTC) a eu lieu du 6 au 9 mai 2016, après une interruption de 36 ans. Il a ouvert une nouvelle étape dans le développement de la République populaire démocratique de Corée. Parmi ses réalisations les plus importantes, les suivantes méritent d’être soulignées.
Le congrès a marqué la fin de la période transitoire pour la mise en place de la direction de Kim Jong-un, confirmant à la fois la continuité dans les engagements du gouvernement précédent et la viabilité des nouveaux objectifs et des nouvelles politiques.
Comme tout le monde le sait, Kim Jong-il, le père de l’actuel dirigeant de Corée du Nord, qui a dirigé la République populaire démocratique de Corée de 1994 à 2011, n’a pas organisé de congrès du parti – il adhérait à une politique donnant la priorité à l’armée, considérée comme le principale force motrice de la société. C’était dû à la nécessité de surmonter la grave crise économique du milieu à la fin des années 1990.
Kim Jong-un a cependant estimé qu’il était possible de revenir à des pratiques politiques normales en rétablissant l’équilibre des secteurs gouvernementaux, ce qui renforce également le rôle du parti. Le nouveau chef est arrivé au pouvoir avec l’idée que «tout le monde doit exercer sa propre tâche : l’armée doit défendre l’État; le parti doit fournir la direction politique et le cabinet des ministres doit assurer le développement économique». Le congrès du parti, qui s’est tenu après une interruption de 36 ans, a confirmé qu’il a réussi à mener à bien son plan et à revenir aux principes de gouvernance pratiqués par son grand-père, le fondateur de la République populaire démocratique de Corée, Kim Il-sung.
La politique visant à développer parallèlement l’économie et la défense nucléaire a également été renforcée au 7ème Congrès du WPK.
L’un des chevaux de bataille des critiques occidentaux de cette approche est l’argument selon lequel il est impossible de combiner ces deux objectifs. Ils disent qu’un gouvernement qui développe des armes nucléaires est incapable de mettre en œuvre avec succès un programme de développement économique et d’améliorer le niveau de vie de la population. Le développement de la Corée du Nord montre cependant le contraire. Même avec des sanctions de plus en plus strictes, le PIB continue de croître à un rythme modéré mais constant, de plus en plus d’innovations économiques sont mises en œuvre, ce qui entraîne un boom de la construction apparemment sans fin, principalement dans la capitale. On constate également une augmentation des récoltes, ces dernières années, et une réduction considérable de la pénurie alimentaire. Le congrès du parti a identifié le transfert de tous les secteurs de l’économie à un niveau scientifique et intellectuel comme une priorité. Des témoins oculaires témoignent que ce n’est pas seulement un slogan, et l’informatisation réussie d’une partie de plus en plus grande de l’industrie nationale a eu un effet matériel tangible au cours des dernières années.
Ces jours-ci, même certains experts américains reconnaissent le caractère unique du phénomène nord-coréen, dont l’essence est que, malgré les sanctions internationales, Kim Jong-un est arrivé à gérer avec succès le développement conjoint du potentiel nucléaire militaire de son pays et d’un certain niveau de croissance économique suffisant pour améliorer la vie d’une grande partie de la population nord-coréenne. En conséquence, la Corée du Nord est non seulement capable de survivre sans l’aide du Sud, mais n’a pas non plus le besoin désespéré de dialoguer avec elle.
Le 7e Congrès du PTC a également confirmé le sérieux de l’approche gouvernementale nord-coréenne pour faire des affaires dans le secteur nucléaire, y compris un engagement envers les exigences de non-prolifération nucléaire. Notez que les attentes de nombreux observateurs, qui croyaient que le cinquième essai nucléaire serait mené en guise de cadeau pour le congrès du parti, ne sont pas remplies. Les interprétations alarmistes des déclarations de Pyongyang sur le droit de la République populaire démocratique de Corée à une attaque nucléaire préventive, qui ont été faites au moment d’une crise militaire et politique en mars et avril lors d’exercices militaires américains et sud-coréens à grande échelle, ont également été laissées en suspens. Il a été fermement déclaré à la tribune du congrès du parti, que la Corée du Nord n’a pas l’intention d’utiliser ses armes nucléaires en premier.
La République populaire démocratique de Corée d’aujourd’hui est un pays confiant dans ses propres capacités et dans sa capacité à développer davantage son système social et économique.
Alexander Vorontsov
Traduit par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone.