Par Elena Bekic – Le 28 mars 2016 – Source Oriental Review
Dans son article Kurdistan – Turkey’s Kosovo [Le Kurdistan – Kosovo de la Turquie], le Prof. Sotirović a comparé différents aspects du Kurdistan turc à ceux du Kosovo, a trouvé certains parallèles et a pointé l’hypocrisie de la Turquie.
Alors que le Prof. Sotirović a raison dans son évaluation que la Turquie est, pour le moins, hypocrite, il a échoué à exposer les différences fondamentales entre le Kurdistan et le Kosovo. Son article contient certaines inexactitudes, interprétations erronées et manque de détails. Une comparaison aussi imprécise peut susciter une impression fausse chez le lecteur peu familier des Balkans. Il pourrait arriver à la conclusion que les Albanais du Kosovo ont subi le même degré de souffrances et d’injustice que les Kurdes, ce qui les a amenés ensuite à se rebeller. Ce serait induire sérieusement les lecteurs en erreur.
Pour étayer ce point de vue, voici quelques erreurs repérées dans l’article en question.
Statut de la minorité
«Les réticences obstinées de toute nature de la part du gouvernement turc à reconnaître l’existence séparée des Kurdes en tant que groupe ethnique ayant sa propre langue et sa propre culture…
Le refus par les Turcs de reconnaître un statut de minorité aux Kurdes garantissant un statut culturel national ou politique autonome au Kurdistan turc…
La politique discriminatoire et oppressive d’Ankara ont conduit finalement à la création du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en 1978, au nom de la lutte pour les droits non reconnus de la minorité kurde.
Les Albanais était dans une situation totalement inverse. Leur minorité ethnique était reconnue en Yougoslavie. Leur langue aussi. Les Albanais avaient leur État, l’Albanie, alors que les Kurdes n’ont jamais joui de ce privilège. La minorité albanaise avait son université ethnique unique, propre au Kosovo depuis 1969 (aucune démocratie occidentale n’a jamais permis à ses minorités de créer des universités).
En 1974, pour apaiser l’irrédentisme sans fin de la minorité albanaise et sa violence sporadique, le gouvernement yougoslave a taillé dans une partie de la terre serbe historique du Kosovo pour en faire une province autonome (cet acte peut être comparé au don égoïste de la Crimée à l’Ukraine par Krouchtchev en 1954).
Néanmoins, les Albanais, inspirés par des cercles anti-yougoslaves à l’Ouest, ont de nouveau provoqué des troubles en 1981, en exigeant la fédéralisation. Veuillez prendre note que 1981, c’était longtemps avant que Milosevic, l’homme fort, apparaisse. En fait, Milosevic est arrivé au pouvoir en 1989 en promettant au peuple qu’il mettrait fin à la violence albanaise au Kosovo.
Donc, si nous comparons les Kurdes humiliés en Turquie, et les Albanais privilégiés avant leur insurrection en 1981, nous devons dire que les deux cas sont fondamentalement différents.
La composante belliqueuse
… l’UCK [Armée de libération du Kosovo] – une organisation terroriste typique, conçue comme une réplique du PKK, de l’IRA, de l’ETA ou du Hezbollah.
C’est implicitement faux. L’UCK est une branche paramilitaire de la mafia albanaise profondément implantée (pour mieux comprendre l’histoire, la nature et le contexte culturel de la mafia albanaise, lisez l’article très perspicace de Jana Arsovska Gender-based subordination and trafficking of women in ethnic Albanian context. The upward revaluation of the Kanun morality [Journal of Moving Communities, vol.6, No.1, May 2006]).
Cette nouvelle marque, Armée de libération du Kosovo, a été inventée à de simples fins de propagande. L’intention était de donner la fausse impression au public occidental que le projet soutenu par les États-Unis était en fait une lutte pour la liberté de quelqu’un, ce qui, si c’était vrai, en ferait une cause légitime. L’UCK (lire : la mafia albanaise) était armée, entraînée et introduite en Yougoslavie par la CIA. Elle continue à la soutenir à ce jour dans sa citadelle du Kosovo.
En revanche, le nom du Parti des travailleurs kurdes reflète l’idéologie marxiste de son dirigeant. Le nom ne semble pas avoir été choisi pour satisfaire les goûts des consommateurs de la propagande des médias commerciaux occidentaux.
Nombre de victimes
En matière de comparaison, pendant la crise du Kosovo en 1998-1999, tant les Occidentaux que les États -Unis ont vu seulement des actes terroristes commis uniquement par le gouvernement de la Serbie…
Si nous comparons les dizaines de milliers de civils kurdes exterminés et les centaines de milliers expulsés de Turquie, de 1978 à aujourd’hui, avec les «actes terroristes commis par le gouvernement de la Serbie», le tableau ne sera pas aussi impressionnant que celui-là :
«Un an plus tard, le Tribunal pénal international, une instance en effet mise en place par l’Otan, a annoncé que le compte final des corps trouvés dans les charniers du Kosovo était de 2788. Cela incluait les combattants des deux camps, des Serbes et des Roms assassinés également par l’UCK albanaise…» (John Pilger, Reminders of Kosovo)
En outre, un seul des faits de terreur cités plus bas peut-il justifier la lutte pour l’auto-détermination ?
«En effet, alors même que Blair, le chef de guerre, faisait une tournée triomphale au Kosovo libéré, l’UCK procédait au nettoyage ethnique de plus de 200 000 Serbes et Roms de la province. En février dernier, la communauté internationale dirigée par les États-Unis reconnaissait le Kosovo, qui n’a pas formellement d’économie et est dirigé, en effet, par des bandes criminelles qui font du trafic de drogue, de femmes et de la contrebande. Mais il a un atout précieux : la base militaire américaine de Camp Bondsteel, décrite par le commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe comme « une version plus petite de Guantánamo.» (John Pilger, Don’t Forget Yugoslavia)
Et pour ce qui concerne la précision, nous voudrions aussi remarquer que l’État en 1999 était la Yougoslavie, et non la Serbie.
Invités sur le territoire
… [Les Kurdes sont] la population la plus ancienne en Turquie vivant en Anatolie depuis presque 3000 avant que les premiers Turcs (Seldjoukides) arrivent à la fin du XIe siècle.
Le cas des Albanais du Kosovo est à l’opposé. Selon un recensement turc réalisé au Kosovo en 1455 (!), il y avait 13 000 foyers serbes et seulement 46 foyers albanais là-bas.
Depuis que les Albanais du Kosovo ont obtenu leur indépendance de fait en 1999, ils s’attachent à profaner, exploser et à réduire à un tas de décombres les églises et les monastères médiévaux serbes uniques dans tout le Kosovo. Seulement quatre des nombreux monastères serbes au Kosovo sont inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, mais ils sont encore menacés malgré la protection offerte par les forces internationales de maintien de la paix. Des centaines d’autres sites culturels serbes font l’objet d’une élimination totale due à l’auto–détermination albanaise barbare. Dans ce sens, le Kosovo devrait être comparé non pas au Kurdistan mais à DAECH/EI.
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker francophone