Le Grand Reset ? Poutine dit : “Pas si vite”


Par Tom Luongo − Le 10 Février 2021 − Source Gold Goats ‘n Guns

Avez-vous assisté au discours politique le plus important de ces six dernières années ? Il aurait été facile de le manquer étant donné tout ce qui se passe. En fait, j’ai failli le rater, et ce discours se situe à l’intersection de presque tous mes domaines d’études approfondies.

Le Forum économique mondial annuel s’est tenu la semaine dernière par téléconférence, ce que j’appelle le Davos virtuel, et lors de l’événement de cette année, le sujet principal était bien sûr leur projet appelé Grand Reset.

Mais si le FEM était si déterminé à présenter au monde le meilleur visage du Grand Reset, il n’aurait pas invité le premier ministre chinois Xi Jinping ou, plus important encore, le président russe Vladimir Poutine. Et c’est le discours de Poutine qui a fait s’écrouler le château de cartes qu’est l’agenda du FEM.

La dernière fois que quelqu’un est entré dans un grand forum international et a émis une critique aussi cinglante du paysage géopolitique actuel, c’était Poutine dans son discours aux Nations unies le 29 septembre 2015, deux jours avant d’envoyer un petit contingent de soutien aérien russe en Syrie.

Il y a critiqué non seulement les Nations unies, mais surtout les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, en posant la question la plus pertinente : “Comprenez-vous ce que vous avez fait ?”, après avoir déclenché le chaos dans une région du monde déjà chaotique ?

Aussi important que soit ce discours, ce sont les actions de Poutine qui ont défini l’ère actuelle des échecs géopolitiques sur le continent eurasien. La Syrie est devenue le nœud autour duquel la résistance au récit “EI est invincible” s’est déployée.

Et le mystère de qui était derrière cet EI, à savoir l’administration Obama, a été révélé à quiconque y prêtait attention.

Le président Trump s’est peut-être attribué le mérite d’avoir battu EI, mais c’est surtout Poutine et les forces russes qui, en reprenant la partie occidentale de la Syrie, ont permis que cela se produise, tandis que nos généraux mondialistes, comme James Mattis, faisaient le plus de dégâts possibles à la Syrie elle-même et le moins possible à EI, dans l’espoir de l’utiliser à nouveau un autre jour.

Et que vous soyez d’accord ou non avec la politique américaine en Syrie, ce qui n’est absolument pas mon cas, il est difficile de contester que l’intervention de la Russie a fondamentalement changé la politique et les conflits régionaux à court terme.

C’est le début de la déconnexion volontaire de la Chine, de la Russie et de l’Iran par rapport à l’Occident.

Pour s’être opposée aux plans des États-Unis et de l’Europe visant à consolider leur pouvoir au Moyen-Orient, la Russie a été vilipendée en Occident d’une manière qui fait ressembler l’endoctrinement que j’ai reçu lorsque j’étais enfant du temps de la guerre froide à des publicités pour vacances en Crimée.

C’est cette force de caractère et cette détermination qui ont défini les deux décennies de Poutine au pouvoir. Il a fait des merveilles dans la reconstruction de la Russie.

Il a commis de nombreuses erreurs, principalement en faisant confiance aux présidents américains et en sous-estimant l’arrogance et la voracité des dirigeants européens.

Cela dit, il a maintenant atteint ses limites, notamment avec l’Europe, et il a tracé une voie résolument indépendante pour la Russie, quels qu’en soient les coûts à court terme.

Et c’est pourquoi son discours au Forum économique mondial était si important.

Poutine n’y avait pas pris la parole depuis près de dix ans. À une époque où les marionnettes contrôlées par le FEM occupent les postes de pouvoir en Europe, au Royaume-Uni, au Canada et maintenant aux États-Unis, Poutine est entré dans le Davos virtuel et a renversé son café sur la moquette.

Dans des termes que je ne peux que qualifier d’indéfectiblement polis, Poutine a dit à Klaus Schwab et au FEM que leur idée de Grand Reset est non seulement vouée à l’échec mais va à l’encontre de tout ce qu’un leadership moderne devrait viser.

Poutine s’est littéralement moqué de l’idée de la quatrième révolution industrielle – l’idée de Schwab d’une société planifiée grâce à l’IA, aux robots et à la fusion de l’homme et de la machine.

Il leur a carrément dit que leurs politiques, qui conduisent la classe moyenne au bord de l’extinction à cause de la pandémie de Covid-19, ne feront qu’accroître les troubles sociaux et politiques tout en garantissant l’aggravation des inégalités de richesse.

Poutine n’est pas un libertarien qui lance des fleurs, mais sa critique de l’ère post-soviétique hyper-financiarisée est juste.

L’ère dominée par la banque centrale et la fusion continue des pouvoirs de l’État et des entreprises a accru les inégalités de richesse aux États-Unis et en Europe, profitant à des millions de personnes tout en extrayant la richesse de milliards de personnes.

Écouter Poutine, c’est comme écouter un croisement entre Pat Buchanan et le regretté Walter Williams. Selon lui, l’idéal néolibéral “inviter le monde/envahir le monde” a détruit les liens culturels au sein des pays tout en anéantissant leurs perspectives économiques. Poutine a critiqué les taux d’intérêt zéro, l’assouplissement quantitatif, les droits de douane et les sanctions en tant qu’armes politiques.

Mais les cibles de ces armes, bien que nominalement dirigées contre sa Russie, étaient en réalité les moteurs de la vitalité de l’Occident, car les classes moyennes ont vu leurs salaires stagner et l’accès à l’éducation, aux soins médicaux et aux tribunaux pour redresser les griefs diminuer considérablement.

La Russie est un pays en plein essor, tout comme la Chine. Une fois que leurs liens seront suffisamment profonds pour stabiliser son économie, l’Iran se développera également.

Ensemble, ils sortiront la région d’Asie centrale du bourbier du XIXe siècle qui résulte de l’intervention britannique et américaine dans la zone. Le discours de Poutine a clairement montré que la Russie s’est engagée dans le processus de recherche de solutions pour que tous les peuples puissent espérer en l’avenir, et pas seulement quelques milliers d’oligarques bénis d’Europe.

Dans un discours moins conflictuel, le président Xi a dit la même chose. Comme Poutine, il n’a parlé que du bout des lèvres du changement climatique et de la neutralité carbone, se concentrant plutôt sur la pollution et la durabilité.

Ensemble, ils ont essentiellement dit au FEM de renvoyer le Grand Reset dans le trou dans lequel il a été conçu.

Je suis Poutine de près depuis près de dix ans maintenant. J’ai le sentiment que s’il s’était adressé à une classe de sciences politiques de niveau universitaire et non à une assemblée des personnes les plus puissantes du monde, il leur aurait ri au nez.

Mais, malheureusement, il comprend mieux qu’aucun d’entre nous qu’ayant été l’objet de leur agression pendant si longtemps, il a dû les traiter avec sérieux alors que leur prise de conscience de la réalité et leur lien avec les personnes qu’ils gouvernent étaient presque brisés.

À la fin de son discours, Klaus Schwab a interrogé Poutine sur les relations difficiles de la Russie avec l’Europe et sur la possibilité de les améliorer. Poutine n’a pas mâché ses mots.

Si nous parvenons à dépasser ces problèmes du passé et à nous débarrasser de ces phobies, alors nous connaîtrons certainement une étape positive dans nos relations.

Nous sommes prêts pour cela, nous le voulons et nous nous efforcerons d’y parvenir. Mais l’amour est impossible s’il n’est déclaré que par une seule partie. Il doit être mutuel.

Je n’ai pas l’impression, d’après ce que j’ai vu de l’administration Biden ou de la Commission européenne à Bruxelles, que quelqu’un ait entendu un seul mot de ce qu’il a dit.

Tom Luongo

Traduit par Zineb pour le Saker Francophone

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