L’anomie et le règne des hors-la-loi


Par Alexandre Moumbaris – Le 15 mai 2019 – Source Les Dossiers du BIP

Anomie [« ανομία » provient du grec « α » (négatif) et « νόμος », loi ou principe] est le contexte dans lequel les lois et les principes font défaut, et en occurrence aussi les règles, la foi accordée aux traités, à la parole donnée…

Par conséquent un contexte d’anomie est lorsque la contrainte, violente ou pas, fait office de loi. Dans le cadre d’un État, c’est une dictature ou une oligarchie qui agit en dépit de toute restriction, basant son pouvoir sur la force et l’obéissance de ceux qui le servent, soit de leur propre chef, soit par contrainte. Face à une situation d’anomie les seules armes sont l’éthique et la moralité personnelle ou collective.

En tant que serviteurs d’un système, jusqu’où les forces au service de la répression, violenteront-elles leur sens éthique et moral, en obéissant aux ordres du pouvoir, ou à ce qu’elles estiment attendu de leur part ? Jusqu’où résisterait leur ethos avant qu’il ne prenne le dessus sur leur assujettissement alors qu’elles répriment et martyrisent la population innocente en colère, mais néanmoins sans armes. Peuvent-ils être complètement apathiques ou sadiques ? Il y a matière à réflexion, parce que l’étape suivante dans cette orientation, le mal-être grandissant dans la population, augure un avenir encore plus sinistre, pour elles aussi bien que pour le peuple victime.

Mais l’anomie n’est pas spécialement un mal français – entendons-nous : « métropolitain » – parce que les guerres coloniales soit de la propre initiative de l’État français, soit comme vassal des États-Unis et de l’OTAN, débouchent sur de bien plus néfastes cas d’anomie.

Les aveuglements, les amputations de mains ; les bastonnades ; les gazages ; les arrestations ; les peines de prison et les amendes pour des « délits fantaisistes » ; tous ces crimes malgré leur gravité restent impunis. Tout simplement la justice est aux abonnés absents. Le non-respect ainsi que la non-application des lois, c’est de l’anomie. L’interdiction de manifester et de se rassembler aux ronds-points met un point final au droit constitutionnel de manifester, de s’informer, notion que les citoyens français ont de droit … encore de l’anomie.

Nous constatons ce même phénomène, en plus grave encore, lorsque les pays puissants ont la prétention d’imposer leurs lois même au-delà de leurs frontières ; de pouvoir décréter illégitime telle ou telle action, transaction commerciale ou autre, prétendant que leurs lois sont universelles, et par exemple, permettre à un juge new-yorkais d’ordonner l’arraisonnement d’un navire de la RPDC en pleine mer, comme cela est arrivé il y a quelques jours. Où sont les lois qui protègent les avoirs d’un pays comme le Venezuela qui voit ceux-ci volés par les États-Unis, ou son or dans les coffres de la naguère prestigieuse Banque d’Angleterre, confisqué ? Quel pays dorénavant ferait confiance à cette établissement ? Comment appeler le fait de se voir spolier d’une partie de son argent placé en banque, comme ce fut le cas à Chypre et comme cela pourrait arriver en France où l’argent que vous possédez n’est protégé que jusqu’à un certain plafond ? Anomie encore.

Comment peut-il suffire qu’un voyou vénézuélien tel que Guaidó s’autoproclame président dans un square public au Venezuela pour être reconnu par une cinquantaine de pays étrangers, dont la France ? Cela en dit long sur l’anomie et le manque de scrupules de tous ces pays.

Sans énumérer les violations constantes du Droit international, celle du traité JCPOA par les États-Unis concernant le nucléaire iranien, montre que ce pays ne peut plus être pris au sérieux et perd toute crédibilité lorsqu’il lui faudra négocier ou signer un accord avec qui que ce soit. Anomie encore et toujours.

Et comment peut-on réagir quand Mike Pompeo admet publiquement et de façon éhontée, à l’Université A&M du Texas, avoir, lorsqu’il était directeur de la CIA menti, triché et volé. Mais cela ne l’a pas empêché d’assumer les fonctions de secrétaire d’État des États-Unis.

Combien de guerres ont été engagées par les États-Unis contre des pays beaucoup moins puissants sur des prétextes qui se sont par la suite – et même dès le départ de l’agression – révélés faux ; la  Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye… et actuellement la Syrie avec l’Iran en ligne de mire.

Dans un contexte d’anomie, on ne peut être sûr de rien, on ne peut compter sur rien, ni croire ce que les médias de masse nous disent, ni ce que nous voyons et écoutons à la télévision et à la radio…

Comment ne pas être inquiets devant l’anomie dont les grandes puissances nucléaires font preuve, par leur irresponsabilité et par l’éventualité d’un accident fortuit pouvant déclencher une guerre nucléaire où les survivants envieraient les morts ?

Alors, comment voulez-vous que les citoyens comprennent le monde autour d’eux, si déjà, à l’école, l’Histoire de leur pays et celle d’autres n’est pas correctement et honnêtement enseignée, et ensuite lorsqu’ils grandissent, gavés d’informations biaisées, fausses, les formatant à devenir des veaux politiques ?

Mais il y a une limite et nous en approchons. Des faits concrets de mal-être, de mauvaise-gouvernance nous feront atteindre le point où il ne sera plus possible pour la population d’accepter d’être gouvernée, ni au gouvernement de continuer à gouverner comme avant.

Alexandre MOUMBARIS

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