L’Amérique est-elle en train de devenir un État failli ?


Par Pat Buchanan – Le 10 aout 2021 – Source Unz Review

Soudain, dimanche, un rapport fascinant est arrivé sur les chaînes d’information câblées. L’ambassade des États-Unis exhortait tous les Américains à “quitter l’Afghanistan dès que possible”. Message : Partez tant que vous le pouvez.

La nouvelle selon laquelle trois capitales provinciales du nord, dont la ville de Kunduz, sont tombées aux mains des talibans, ce qui porte à cinq le nombre de capitales provinciales envahies depuis vendredi, ajoute à l’urgence.

L’énorme investissement en sang et en argent consenti par les États-Unis pendant deux décennies pour remodeler l’Afghanistan semble sur le point d’être anéanti, totalement, et nous sommes sur le point de subir notre pire défaite diplomatique et politique depuis la chute de Saïgon.

Pas une seule fois au cours de ce siècle, les États-Unis n’ont remporté de manière décisive l’une des guerres qu’ils ont lancées – en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen ou en Libye. Et le statut de superpuissance unique dont nous jouissions au début du XXIe siècle s’est envolé.

Pourtant, les faucons américains nous pressent vers une autre guerre, à Taïwan, au cas où Pékin exercerait sa revendication, bien que l’ancien président Richard Nixon et l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger aient affirmé en 1972 que Taïwan “fait partie de la Chine”.

Avant d’accorder une quelconque garantie à Taipei, nous pourrions examiner l’évaluation faite par le Pentagone des résultats d’une récente simulation de guerre au cours duquel les États-Unis affrontaient la Chine au sujet de Taïwan.

Comment cela s’est-il passé ? Selon le général John Hyten, vice-président des chefs d’état-major interarmées, “sans exagérer, l’exercice a lamentablement échoué “.

Une équipe rouge agressive qui avait étudié les États-Unis au cours des 20 dernières années nous a fait tourner en rond. … Ils savaient exactement ce que nous allions faire avant que nous le fassions, et ils en ont profité.

Sommes-nous, nous Américains, préparés, de quelque manière que ce soit, à une guerre aérienne, maritime et de missiles en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique occidental pour des îles qu’ils revendiquent comme leur territoire national historique et que nous n’avons jamais revendiquées comme nôtres ?

Chez nous, la pandémie de COVID-19, qui en est à sa quatrième vague, infecte 100 000 Américains chaque jour, et le nombre d’hospitalisations augmente proportionnellement. Pour le tiers de la nation qui n’est toujours pas vacciné, le variant delta est une condamnation à mort potentielle.

Malgré cette crise médicale qui nous est commune, notre clivage politique se manifeste par des batailles sauvages à propos des vaccinations, des masques et des mandats.

Et tandis que la COVID-19 continue d’infecter, d’hospitaliser et de tuer, des dizaines de milliers d’Américains meurent chaque année à cause des overdoses de médicaments et d’opioïdes. En 2020, selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies, 93 000 décès par overdose ont eu lieu dans le pays, et 3 overdoses mortelles sur 4 peuvent être attribuées aux opioïdes.

Plus d’Américains meurent chaque année d’overdoses d’opioïdes que tous les Américains morts pendant la guerre du Vietnam.

Les chiffres du déficit commercial américain viennent d’être publiés pour le mois de juin, et le déficit, rien que pour les marchandises, a augmenté pour atteindre 91 milliards de dollars pour le mois. Cela fait 1 000 milliards de dollars par an.

La plus grande partie de ce déficit commercial concerne la Chine, ce qui montre le niveau extraordinaire de dépendance des États-Unis, pour les nécessités vitales de la vie nationale, vis-à-vis d’une nation étrangère sans parler d’un adversaire comme la Chine.

À notre frontière sud, une invasion de notre pays est en cours.

Chaque mois où le président Joe Biden a été en fonction, les passages illégaux de la frontière ont augmenté. En juin, la patrouille frontalière a enregistré 178 000 arrestations à la frontière, soit un bond de 571 % par rapport à juin 2020. Les arrestations à la frontière ont déjà atteint leur plus haut niveau depuis 2000 et sont en passe d’atteindre 1,8 million cette année.

Biden manque à son premier devoir constitutionnel ; défendre les États-Unis contre les invasions étrangères. Nous, Américains, ne décidons plus qui vient dans notre foyer national et qui nous adopterons comme nouveaux citoyens. D’autres décident, d’autres déterminent notre avenir, pour nous.

Nous défendons les frontières de dizaines de nations ; nous ne pouvons pas, ou Biden ne veut pas, défendre les nôtres. Et, comme nous l’a rappelé l’ancien président Ronald Reagan, un pays qui ne peut pas ou ne veut pas défendre ses frontières n’est plus vraiment un pays.

Dans nos grandes villes, les fusillades et les meurtres publics ont déjà dépassé ceux des années précédentes. Les policiers, attaqués et maltraités par les élites et les personnes qu’ils protègent, démissionnent et prennent leur retraite en nombre record.

Réfléchissez.

L’Amérique est incapable de gagner les guerres qu’elle choisit de mener. Elle ne peut ou ne veut pas contrôler et défendre ses frontières contre une invasion massive de migrants. Elle ne peut pas stopper une flambée de criminalité et de meurtres dans ses grandes villes. Elle n’a pas enregistré d’excédent commercial depuis quatre décennies. Sa dépendance à l’égard des producteurs étrangers est sans précédent. Et ses déficits budgétaires continuent de battre des records chaque année, tout comme sa dette nationale qui monte en flèche.

N’est-ce pas là la description d’un État en faillite ou en déliquescence ?

Lorsqu’un jeune ami découragé lui a demandé si la défaite de Saratoga et la perte potentielle des colonies américaines signifiaient la ruine de la Grande-Bretagne, Adam Smith lui a répondu : “Il y a beaucoup de ruines dans une nation”.

Après la perte de ses 13 colonies, la Grande-Bretagne allait créer le plus grand empire depuis Rome.

Pourtant, s’il y a “beaucoup de ruines dans une nation”, nous, Américains, semblons certainement tester ces limites.

Patrick J. Buchanan

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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