Par Moon of Alabama – Le 19 octobre, 2021
Il y a deux ans, Macron, le président français, diagnostiquait la « mort cérébrale » de l’OTAN :
« Ce que nous vivons actuellement, c’est la mort cérébrale de l’Otan », a déclaré M. Macron au journal basé à Londres.
Il a averti les membres européens qu’ils ne pouvaient plus compter sur les États-Unis pour défendre l’alliance, créée au début de la guerre froide pour renforcer la sécurité de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord.
Depuis lors, la situation de l’OTAN s’est encore détériorée.
La deuxième plus grande armée sous commandement de l’OTAN, celle de la Turquie, est désormais hostile aux États-Unis qui continuent de soutenir les terroristes du PKK luttant contre l’État turc. Depuis la tentative de coup d’État de 2016 contre le président Erdogan, la Turquie s’est orientée vers la Russie. Elle a acheté des systèmes de défense aérienne russes qui lui permettraient de se défendre contre des attaques de l’OTAN. Depuis, les relations avec les États-Unis et l’OTAN se sont encore dégradées.
Le diagnostic de Macron a été posé lorsque les États-Unis retiraient certaines forces de Syrie. Les alliés de l’OTAN n’avaient pas été informés de cette décision. De même, le retrait des États-Unis d’Afghanistan cette année n’a pas été communiqué avant son annonce, alors que l’OTAN avait une mission officielle en Afghanistan. Le fait d’être ignoré par les États-Unis ne crée pas la confiance nécessaire à un partenariat militaire durable.
Puis vint la nouvelle alliance AUKUS, qui permet aux États-Unis de se concentrer sur la Chine tout en ayant privé la France d’un énorme contrat de sous-marins avec l’Australie.
Lorsque le président américain Biden a appelé Macron pour s’excuser de cette insulte, ce dernier a obtenu une déclaration de soutien des États-Unis à une armée européenne indépendante :
Les États-Unis reconnaissent également l’importance d’une défense européenne plus forte et plus capable, qui contribue positivement à la sécurité transatlantique et mondiale et qui est complémentaire de l’OTAN.
Les gens du siège de l’OTAN à Bruxelles auront lu cela avec de profondes craintes. Une armée propre à l’Union européenne, que la France promeut depuis longtemps, diminuera inévitablement le rôle de l’OTAN.
La mission initiale de l’OTAN, qui consistait à maintenir les États-Unis en Europe, à empêcher la Russie d’y pénétrer et à contenir l’Allemagne, s’est étiolée. Les États-Unis se concentrent sur la Chine et continueront à le faire dans un avenir proche. La Russie n’est plus intéressée par l’Europe. L’Allemagne n’est pas pertinente sur le plan militaire, sa population est vieillissante et elle n’est pas intéressée par une quelconque expansion.
La Russie n’ayant plus d’intérêt pour l’Europe, l’OTAN a également perdu son ennemi préféré. Alors que les États baltes, la Pologne et le Royaume-Uni continuent de présenter la Russie comme un ennemi – essentiellement pour des raisons intérieures – personne en Italie, en France ou en Allemagne ne pense que la Russie a l’intention d’attaquer qui que ce soit.
Les bureaucrates de l’OTAN savent tout cela. Pour rester en activité, ils continuent de s’en prendre à la Russie. Tout récemment, ils ont renvoyé chez eux des diplomates russes en poste au siège de l’OTAN, sans aucune raison valable. La Russie n’a pas été impressionnée par cette initiative. Elle a décidé d’ignorer dorénavant l’OTAN :
La Russie prévoit de mettre fin à son engagement diplomatique avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, a déclaré lundi le ministre russe des affaires étrangères, dernier signe en date de l’effritement des relations entre Moscou et l’Occident.
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Au début du mois prochain, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, la Russie mettra fin aux activités de son bureau de représentation au siège de l’OTAN à Bruxelles et retirera les lettres de créance diplomatiques des émissaires de l’alliance travaillant à Moscou.
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Au début du mois, l’OTAN a ordonné à huit diplomates russes de quitter la Belgique avant le 1er novembre, affirmant qu’ils étaient des agents de renseignement non déclarés. L’alliance a également réduit la taille du bureau de représentation russe.
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Les relations avec l’alliance ont de toute façon déraillé depuis longtemps, a-t-il déclaré. L’OTAN avait déjà réduit à deux reprises la taille de la délégation russe, en 2015 et en 2018, a-t-il rappelé. « Au niveau militaire, il n’y a absolument aucun contact qui a lieu », a-t-il dit.
Selon lui, l’OTAN a mis en place un « régime prohibitif » pour les diplomates russes à Bruxelles en leur interdisant l’accès au bâtiment de son siège. S’ils ne se rendent pas dans ce bâtiment, ils ne peuvent pas entretenir de relations avec les responsables de l’Alliance.
Lavrov a laissé entendre que les expulsions de diplomates russes avaient été une mauvaise surprise, alors qu’il avait rencontré à New York, quelques jours auparavant, le secrétaire général de l’alliance, Jens Stoltenberg, et discuté de la désescalade des tensions.
« Il a souligné à tous égards l’intérêt honnête, comme il l’a dit, de l’Alliance de l’Atlantique Nord pour la normalisation des relations avec la Fédération de Russie », a déclaré M. Lavrov.
Depuis son action surprise contre les diplomates russes, le secrétaire général de l’OTAN s’est rendu aux États-Unis où il a reçu de nouvelles consignes. Il les a annoncés dans un entretien (payant) avec le Financial Times. Alex Lantier en fait le tour :
S’adressant hier au Financial Times de Londres, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a exigé que l’alliance militaire intensifie ses menaces contre la Chine. Ses remarques ont mis en évidence à la fois la politique extrêmement agressive menée par l’alliance de l’OTAN et les divisions explosives qui émergent parmi les puissances impérialistes de l’OTAN.
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Stoltenberg revenait d’une réunion avec Biden à Washington, où il a également pris la parole à l’université de Georgetown, exigeant de manière provocante que l’OTAN « s’active et en fasse plus » pour permettre aux pays situés aux frontières de la Russie de rejoindre l’alliance. Son interview au Financial Times était un message à peine déguisé de la Maison Blanche appelant les puissances de l’UE à s’aligner sur la volonté de guerre croissante des États-Unis à l’égard de la Chine.
L’OTAN, a insisté M. Stoltenberg, devrait viser non seulement la Russie, mais aussi la Chine. Il a critiqué « toute cette idée de faire une distinction entre la Chine, la Russie, l’Asie-Pacifique ou l’Europe », ajoutant qu' »il s’agit d’un seul et même environnement de sécurité, et nous devons l’aborder tous ensemble. … Il s’agit de renforcer notre alliance pour faire face à toute menace potentielle. »
Il a dénoncé la Chine, affirmant qu’elle constituait une menace majeure pour la sécurité de l’Europe.
Bonne chance pour vendre cela aux contribuables européens. La Chine n’est en aucun cas une menace pour la sécurité de l’Europe. Encore moins une menace à laquelle une alliance militaire liée à la géographie de l’Atlantique Nord doit ou peut faire face. La Chine entretient de bonnes relations avec la plupart des pays européens, fait du commerce avec chacun d’entre eux et elle est le premier client de l’Allemagne.
L’OTAN a été créée lorsqu’il était dans l’intérêt commun de ses membres de contrer l’Union soviétique.
En ce qui concerne la Chine, les intérêts américains et européens divergent fortement. Ce que les États-Unis considèrent comme un concurrent sérieux à leur rôle surdimensionné dans le monde est vu en Europe comme un partenaire non agressif qui crée de nouvelles opportunités économiques.
Au cours du sommet de l’OTAN qui se tiendra à Madrid l’année prochaine, les États-Unis voudront mettre la Chine fermement à l’ordre du jour de l’OTAN. Mais je doute fort que les pays européens de l’OTAN s’engagent à faire autre chose que des déclarations hypocrites. Ils ne vont certainement pas cracher de l’argent pour créer de nouvelles capacités de l’OTAN qui pourraient réellement être utilisées contre la Chine.
L’OTAN est morte. Elle a dépassé son objectif et son utilité.
Pour maintenir la paix en Europe, la création d’un nouveau cadre de coopération militaire parallèle à l’Union européenne est beaucoup plus logique. Il ne devrait pas s’agir de la force impériale agressive que la France envisage pour défendre ses intérêts en Afrique. Pour maintenir la paix en Europe, une coopération défensive, limitée sur le plan opérationnel à la géographie européenne de ses membres, est la plus logique. Le nouveau gouvernement allemand pourrait prendre l’initiative de la créer.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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