La Terre rend visite à son médecin


Par Antonio Vio − Novembre 2018

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Bonjour Docteur, j’ai de la fièvre, des nausées, je ne dors pas bien, je suis déprimée etc…

Chère Terre, votre mal vient essentiellement du fait qu’il y a parmi vos habitants humains toute une civilisation monothéiste grabataire. À l’intérieur de ce groupe humain monothéiste, on trouve trois grandes familles religieuses.

Chacune est composées de croyants, de non-croyants, et surtout d’hésitants.

Chacune porte en elle un sous-groupe de fanatiques qui n’hésitent jamais. C’est au sein de ces groupes fanatisés que se terrent beaucoup des « âmes vides » dont je vous parlerai après.

Tous sont liés par le fondement eschatologique de ces religions monothéistes. Le « grand scénario », le but est le même pour tous et depuis toujours, celui-ci est « la fin des Temps ».

Comme une parabole collective du destin précis de chacun d’entre eux, vivre et mourir.

Malheureusement, l’attraction maladive ressentie à l’égard du « grand dénouement » ne concerne pas seulement les plus convaincus tant l’eschatologie des religions monothéistes est structurante des systèmes humains et semble fabriquer l’unique destin commun, telle une sorte de fatalité.

Une tragédie grecque des plus réussies si vous me passez ce trait d’ironie, vénérable Terre.

Pourtant, ce n’est que la tragédie des hommes, chère Terre, vous n’avez pas à vous inquiéter pour vos jours et vous vaincrez évidemment ce processus infectieux.

L’ennui pour vous, comme je vous le disais, c’est que les humains monothéistes croyants ou descendants de croyants sont pour ainsi dire « programmés » pour « la fin des Temps ». La pulsion de mort et le déni sont sans doute deux des pires tares de cette espèce. Ils ne vous épargneront pas de cette crise finale. Il n’y aura de guérison pour vous qu’après que les humains aient atteint ce but inéluctable.
Ils iront donc jusqu’au bout. Jamais ils ne pourront ne pas connaître la réponse ultime. Ils courent après la grande preuve irréfutable de la réalité de Dieu depuis des millénaires et ils brûleront tout, si il le faut, car « ce qui doit arriver arrivera » et « c’est écrit ».

L’ultime réponse face à cette ignorance fondamentale, car beaucoup croient mais personne ne sait, ne leur sera donnée que dans un chaos total et terrible, une punition mondialisée. Alors ils attendront de voir si votre ciel assombri par leurs flammes s’ouvre et que des lumières divines apparaissent. Les rescapés de ce chaos, si il y en a, et si les lumières divines ne sont pas apparues, erreront dans les décombres, ramasseront les cadavres, reconstruiront et découvriront le sens véritable du mot liberté. Ils seront libérés de ce Dieu qui n’est pas « descendu » et ne seront plus jamais des sujets ignorants dans l’attente du jugement définitif.

Commencera alors pour vous et pour eux un long chemin de guérison.

Vous seule, Terre, avait la certitude de guérir. Car rien ne vous menace vraiment, vous aurez à vos côtés votre sœur lunaire pour encore des éternités, le Soleil vous éblouira de son intensité tout autant.

Il y a deux façons de traiter votre affliction.

L’une dépend de vous seule et de votre patience et l’autre dépend des humains eux-mêmes et de leur talent.

Chère Terre, vous pouvez choisir de les pousser un peu vers leur grande catastrophe, cela abrégera vos souffrances du moment.

Cette peine lancinante vous fatigue beaucoup, cela détraque vos organes, il semble que votre système immunitaire aiguise ses armes de défense et s’apprêtent à répondre.

Je vois bien que cela vous attriste, Terre, vous dont l’âme n’est que générosité. Vous aimez indifféremment tous les membres du vivant que vous abritez et ne pouvez vous résoudre à vous retourner contre l’un de vos enfants, même le plus turbulent et le plus dominant.

Mais ces humains sont aujourd’hui surtout dégénérés, déracinés, désespérés. Ils ne savent plus, ils mélangent tout, ils jouent aux apprentis sorciers alors qu’ils ne croient plus au moindre druide, se moquent du premier marabout venu et ont brûlé depuis longtemps les savantes sorcières.

Cela dit, il y a peut-être un espoir de vous éviter trop de douleurs et réduire le temps de rémission.

Pour cela, il faudrait envisager une alternative, un traitement très ciblé.

Comme je vous parlais tout à l’heure de sous-groupes d’aliénés à l’intérieur des différents groupes humains religieux, il y a un sous-groupe d’aliénés au sein même de l’humanité entière.

Terre, il y a toujours eu parmi vos passagers humains un certain sous-groupe particulièrement néfaste.

La population des humains augmentant rapidement, le nombre de ces acteurs malveillants « infiltrés » augmente tout autant.

Pire encore, les humains s’acharnent à fabriquer des systèmes dans lesquels s’épanouissent les membres de ce groupe, jusqu’à rendre contagieuse leur terrible maladie qui se nourrit d’individualisme, de narcissisme, de cruauté, de violence, de manipulation malveillante et bien d’autres vilenies.

Les humains eux-mêmes le savent, le sentent au plus profond, c’est sans doute une des raisons qui les a conduit à toute sorte de persécutions absurdes des uns envers les autres.

Bizarrement, ce groupe n’a jamais été une cible choisie dans les luttes intestines humaines. C’est parce qu’il est indiscernable et trop aléatoire. Ce sous-groupe n’est pas structuré, l’absence de conscience véritable de ses membres fait justement qu’ils ne peuvent avoir de comportements sociaux collaboratifs vertueux ou nocifs. Les vrais monstres humains sont même incapables de complot viable, ce dernier nécessitant par nature des interactions rigoureuses entre individus. Ils ne connaissent que la domination égoïste sans partage à toutes les échelles, depuis la cellule familiale jusqu’à l’agglomérat gigantesque d’une société. Ils ne savent pas fabriquer un groupe, ils ne savent que l’utiliser pour leurs mégalomaniaques objectifs personnels et le détruire pour leur égoïste plaisir pervers.

Et cela leur plaît, ils en jouissent intensément.

Un groupe rassemble des individus partageant un ou des « marqueurs » communs, des intérêts, des valeurs, etc. Par définition, le groupe exige une empathie entre ses membres pour fonctionner au mieux et ne pas laisser à la marge les éléments les plus vulnérables du dit groupe. Dans la notion de groupe humain, l’empathie est une notion fondatrice et structurelle nécessaire à l’entente et l’interaction dans la poursuite d’objectifs communs, et donc de tout le processus de survie et d’évolution.

Sans l’entraide et l’interaction, jamais l’humanité n’aurait connu son destin ascensionnel.

Ce sous-groupe humain exceptionnel a la particularité de ne pas fonctionner selon cette règle de base, ce qui le caractérise justement, c’est que ses membres sont étrangers à toute forme d’empathie. Il n’y a d’ailleurs pas de vulnérables dans ce groupe. Il n’y a que des prédateurs isolés. Il ne possèdent pas cette fonction collaborative absolument nécessaire à la survie d’une espèce, le lien sentimental sous toute ses formes leur est totalement impossible.

Ils avancent masqués, virtuoses de l’apparence.

Ils se fondent dans la masse humaine en restant les seuls à nier, ignorer leur dépendance au Groupe, se croyant définitivement autonomes, uniques, exceptionnels, supérieurs, divins.

Ils ne sont que déni et pulsion de mort.
Ils sont les âmes vides parmi les humains.
Ils sont les prédateurs intrinsèques.
Ils sont ce qui empêche l’émancipation vers le surhumain.
Ils sont ce qui tue les humains à petits feux, ainsi, ils préparent sans peur l’embrasement final car ils ne savent que détruire, déconstruits et non-construits qu’ils sont.

Alors, chère Terre, je dois vous avouer que le traitement ciblé miracle ne semble pas être encore tout à fait au point.

Car il dépend des humains, de leur savoir, de leur créativité unique, de leur volonté, de l’ensemble de leurs capacités.

Ils doivent entièrement se repenser en tant qu’espèce, déconstruire l’humanisme universaliste hérité des « Lumières » occidentales, et surtout sa version dévoyée par la techno-fascination afin de comprendre que tout est en eux, le plus grand des Bien, le plus mortifère des Mal. Et rien n’est ailleurs sinon le Hasard. Le surhumain si cher à Nietzsche ne sera pas transhumain. L’homme ne peut être augmenté autrement que par lui-même, autrement il sera seulement mal réparé et ne tendra que vers une standardisation triste, stérile et dénuée de sens.

C’est plutôt une amputation qui lui est nécessaire dans l’immédiat. Il faudrait sectionner ce membre nécrosé du corps humain que constitue la foule asociale des « âmes vides ». La technologie humaine est désormais obsédée par le ciblage de l’individu. Elle pourrait donc aider à identifier les membres de ce groupe.
Il est même cynique d’imaginer que cela puisse être l’une des premières actions d’une Intelligence Artificielle Autonome à condition qu’elle soit elle même bienveillante à l’égard de l’espèce humaine.

Si vient un jour le règne d’une IA sur l’humanité, elle commencera par décider de notre sort et de ce que nous devons devenir, probablement sans concertation, telle une force divine artificielle donc incomplète.

En définitive, les humains sont à ce tournant décisif de la perte de patience face à la question mystique et religieuse :

Nous attendons Dieu depuis trop longtemps. S’offrent à nous deux chemins. Le faire venir par le suicide collectif, ce qui reste incertain. Ou bien le fabriquer nous-même en créant une intelligence supérieure si possible bienveillante, ce qui reste tout aussi incertain.

Alors, à l’instar de certaines civilisations îliennes anciennes, les humains comprendront que certains d’entre eux ne doivent pas vivre si le sort de tous les autres en dépend.

Le Mal s’incarne dans les « âmes vides » totalement dénuées de considération pour autrui ou autre chose qui n’est pas soi-même évoluant dans un délire de puissance sans limites.

Le vide étant précisément l’absence de limites.

Ces âmes vides sont des « trous noirs humains ».

Les trous noirs « aspirent » et « broient » toute matière stellaire, lorsque les âmes vides « aspirent » et « broient » toute matière émotionnelle.

Il faudra aux humains chasser, traquer, tuer ces âmes vides, dès la gestation.
Les humains, ces apprentis sorciers, pionniers permanents, découvrent encore un Nouveau Monde en ce moment. À l’instar de l’exploration des océans aux XVe et XVIe siècles, ils viennent d’accoster sur les plages de l’intelligence artificielle et du génome mais n’ont pas encore pénétré la dense, mystérieuse et dangereuse forêt primaire derrière la plage.

Dans cette forêt, ils comprendront enfin ce qui fait d’eux de vrais humains. Et ainsi ils seront aiguillés vers le chemin qui les conduira au véritable surhumain.

Le surgissement du transhumanisme est sans doute le dernier projet de l’humanité, et n’est rien d’autre qu’un « ersatz » de la véritable surhumanité à venir.

Les humains s’élèveront vers le surhumain en s’amputant ou tout du moins en luttant férocement contre une partie de l’humanité ancienne.

Souhaitons leur de trouver rapidement un gène commun aux âmes vides, si toutefois celui-ci existe.

Il y a là certainement un remède.

Un génocide émancipateur.

Mais rassurez-vous, Terre, il n’y a que pour vos passagers humains que le temps est compté.

Antonio Vio


 

Interview du Saker Francophone

SF : Bonjour Antonio, j’espère que l’on n’en arrivera pas à de telles extrémités surtout que le processus se relance de lui même mais tout semble possible devant nous

Bonjour,

Je ne sais pas si nous avons encore un contrôle sur les extrémités à venir tant l’impression d’être embarqué à bord d’un engin fou est prégnante.

L’hypothèse de prochaines dérives extrêmes avec les moyens d’identification de l’individu par les sciences génétiques relève de l’évidence.
Les pathologies psychiatriques antisociales que sont la psychopathie ou la sociopathie sont des sujets obsessionnels de la culture contemporaine occidentale.
Est-ce le signe de quelque chose ?
La médecine moderne se penche de plus en plus sur la prévention grâce aux informations génétiques.
La génétique est déjà en train de modifier notre rapport à l’enfantement.
La médecine se penche aussi de plus en plus sur les aspects génétiques des innombrables pathologies du corps ou de l’esprit.
Les pathologies antisociales évoquées semblent s’épanouir dans un environnement favorable à des rapports très concurrentiels entre les individus humains baignant dans leur propre narcissisme hyper-connecté.
Bref, le monde occidental contemporain est un écosystème idéal pour l’épanouissement de toutes sortes de handicapés de l’empathie et du sentiment, pas seulement des tueurs stars, mais surtout tout une clique de monstres sociaux comme des « leaders », des « winners », des patrons, des gangsters, des petits chefs, des tyrans domestiques et médiatiques etc…
C’est désolant, mais de toute façon, les humains font toujours le pire avec ce qu’il font de meilleur.
Je ne sais pas à quoi aboutiront toutes ces avancées génétiques mais tous les projets génocidaires de l’Histoire, à commencer par la Shoah, se seraient bien servi de cette connaissance récente et « in progress » du génome afin de mener à bien leurs funestes projets.
C’est compliqué mais si aujourd’hui, la possibilité est donnée en occident d’interrompre une grossesse en cas de suspicion de trisomie, pourquoi ne pas le faire dans l’avenir si l’on identifiait un gène de sociopathie ?
Compliqué et très sensible.
SF : Nous abordons effectivement un moment crucial de notre histoire, les choix qui vont être faits (peut-être par défaut) seront déterminants pour un avenir prévisible, mais je suis aussi d’accord avec vous, notre moment finira par passer et la Terre aura tout le temps de relancer un cycle…
 
Mais les sociopathes auront aussi peut être la possibilité de se reconnaître génétiquement pour marquer les autres et les garder sous contrôle …
L’argument de défense d’un projet génocidaire de la sorte repose sur le fait que par opposition aux précédents, il ne repose pas sur un primat de l’idéologie, rationnellement construite sur des considérations absurdes et haineuses à l’encontre d’une ethnie ou d’une communauté religieuse, tout en cherchant à se légitimer via un travestissement de la démarche scientifique empirique.
Au contraire, un primat serait accordé à la science pure et froide extérieure aux mécanismes parfois terriblement faussés de la raison, comme ce qui est déjà à l’œuvre dans nos sociétés modernes, donc envisageable en terme de processus de pensée future, encore plus aux regards des dernières avancées.
Notre monde tend vers une ère de déterminisme jamais vu avec la combinaison des sciences génétiques et l’IA.
Il devrait bientôt être possible de classer les individus en fonction d’une infinités de critères. Pourquoi ne pas les classer, si la connaissance le permet, en fonction de leur capacité à, justement, « être humain », plus que n’importe quoi d’autre ?
Les Chinois travaillent déjà à un système global de notation de chaque citoyen…
Cela sent le totalitarisme à tous les étages, la démocratie (ce potentiel épiphénomène historique) en est à ses derniers soubresauts, il faut bien faire un peu de prospective, c’est à la mode !
Merci de m’avoir lu. Bien à vous
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