Par Andre Vltchek – Le 2 janvier 2016 – Source New Eastern Outlook
Jour et nuit, depuis des années, une force écrasante a violenté ce pays tranquille, l’un des berceaux de la civilisation humaine.
Des centaines de milliers de gens sont morts, et des millions ont été forcés de fuir à l’étranger ou ont été déplacés à l’intérieur du pays. Dans beaucoup de villes et de villages, il ne reste plus une maison intacte.
Mais la Syrie, contre vents et marées, est toujours debout.
Pendant ces trois dernières années, j’ai travaillé dans presque tous les pourtours de la Syrie, découvrant la naissance d’État islamique dans les camps gérés par l’Otan construits en Turquie et en Jordanie. J’ai travaillé dans les Hauteurs du Golan occupées, et en Irak. J’ai aussi travaillé au Liban, un pays actuellement forcé d’accueillir plus de 2 millions de réfugiés (la plupart syriens).
La seule raison pour laquelle l’Occident a commencé son épouvantable campagne de déstabilisation était qu’il «ne pouvait pas tolérer» la désobéissance de la Syrie et la nature socialiste de son État. En bref, la manière dont l’establishment syrien plaçait le bien-être de son peuple au-dessus des intérêts des entreprises multinationales.
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Il y a plus de deux ans, mon ancienne monteuse de cinéma indonésienne a exigé une réponse sur un ton quelque peu fâché :
«Il y a tant de gens qui meurent en Syrie ! Cela en vaut-il vraiment la peine ? Ne serait-ce pas plus facile et mieux pour les Syriens de seulement renoncer et de laisser les États-Unis avoir ce qu’ils exigent ?»
Chroniquement pétrifiée, cette jeune femme recherchait toujours des solutions faciles qui la maintiendraient en sécurité, et en sécurité avec des avantages personnels importants. Comme beaucoup d’autres du même âge dans cette époque, afin de survivre et d’avancer, elle a développé un système complexe reposant sur les trahisons, l’autodéfense et les leurres.
Comment répondre à une telle question ? Elle est légitime, après tout.
Eduardo Galeano m’a dit : «Les gens savent quand il est temps de se battre. Nous n’avons pas le droit de le leur dire… mais quand ils le décident, nous avons l’obligation de les soutenir, et même de les conduire s’ils nous sollicitent.»
Dans ce cas, le peuple syrien a décidé. Aucun gouvernement, aucune force politique ne pourrait pousser un pays entier à un héroïsme et à un sacrifice aussi énormes. Les Russes l’ont fait pendant la Seconde Guerre mondiale, et les Syriens le font aujourd’hui.
Il y a deux ans, j’ai répondu de la manière suivante : «J’ai été témoin de l’effondrement total du Moyen-Orient. Plus rien ne tenait debout. Les pays qui avaient choisi leurs propres voies ont été littéralement rasés. Les pays qui ont succombé aux diktats de l’Occident ont perdu leur âme, leur culture et leur essence et ont été transformés en certains des endroits les plus misérables sur la terre. Et les Syriens le savaient : s’ils se rendaient, ils seraient transformés en un autre Irak, Yémen ou Libye, ou même en un Afghanistan.»
Et donc la Syrie s’est levée. Elle a décidé de lutter, pour elle-même et pour sa région du monde.
Encore et encore, elle s’est maintenue à travers l’élection de son gouvernement. Elle s’est appuyée sur son armée. Quoi que dise l’Occident, quoique écrivent les ONG traîtresses, la simple logique le prouve.
Ce pays modeste ne possède pas ses propres médias puissants pour partager avec le monde l’étendue de son courage et de son agonie. Ce sont toujours les autres qui commentent son combat, souvent de manière totalement malveillante.
Mais il est indéniable que si les forces soviétiques ont stoppé l’avance des nazis allemands à Stalingrad, les Syriens ont réussi à arrêter les forces fascistes des alliés occidentaux dans cette partie du monde.
Bien sûr, la Russie a été directement impliquée. Bien sûr, la Chine se tenait là, bien que souvent dans l’ombre. Et l’Iran a apporté son soutien. Et le Hezbollah basé au Liban a fait face, ce que je décris souvent comme un combat épique pour le compte de Damas contre les monstres extrémistes inventés et armés par l’Occident, la Turquie et l’Arabie saoudite.
Mais le crédit principal doit revenir au peuple syrien.
Oui, aujourd’hui il ne reste rien du Moyen-Orient. Aujourd’hui, il y a plus de larmes que de gouttes de pluie qui coulent sur cette terre ancienne.
Mais la Syrie résiste. Brûlée, blessée, mais debout.
Et comme cela a été largement rapporté, après que les forces armées russes sont venues à la rescousse de la nation syrienne, plus d’un million de Syriens ont pu retourner chez eux… Souvent pour ne retrouver que cendres et dévastation, mais chez eux.
Comme les gens sont retournés à Stalingrad, il y a 70 ans.
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Donc quelle serait maintenant ma réponse à la question de savoir «si l’autre voie ne serait pas plus facile», celle de se rendre à l’Empire ?
Je suppose que ce serait quelque chose comme ça :
«La vie a un sens, elle n’est digne d’être vécue que si certaines conditions de base sont remplies. On ne trahit pas un grand amour, que ce soit l’amour pour une autre personne ou l’amour de sa patrie, de l’humanité ou des idéaux. Si on le fait il vaudrait mieux ne pas être né du tout. Alors je dis : la survie de l’humanité est le but le plus sacré. Pas quelque gain à court terme ou la sécurité, mais la survie de nous tous, des gens, ainsi que la sécurité pour nous tous, les êtres humains.»
Lorsque la vie elle-même est menacée, les gens tendent à se lever et à combattre, instinctivement. Dans de tels moments, quelques-uns des chapitres les plus monumentaux de l’histoire humaine sont écrits.
Malheureusement, pendant ces moments, des millions meurent.
Mais la dévastation n’est pas due à ceux qui défendent notre espèce humaine.
Elle est due aux monstres impérialistes et à leurs serviteurs.
La plupart d’entre nous rêvent d’un monde sans guerre, sans violence. Nous voulons que la vraie bonté l’emporte sur la terre. Beaucoup d’entre nous travaillent sans relâche pour une telle société.
Mais jusqu’à ce qu’elle soit construite, jusqu’à ce que tout l’égoïsme extrême, l’avidité et la brutalité soient vaincus, nous devons lutter pour quelque chose de beaucoup plus modeste – pour la survie des personnes et de l’humanisme.
Le prix est souvent terrible. Mais l’alternative est un énorme vide. Ce n’est rien, simplement – la fin, l’arrêt complet !
A Stalingrad, des millions sont morts pour que nous puissions vivre. Rien n’est resté de la ville, à part quelque acier fondu, des briques éparses et un océan de cadavres. Le nazisme était stoppé. L’expansionnisme occidental a entamé sa retraite, cette fois en direction de Berlin.
Aujourd’hui la Syrie, calmement mais stoïquement et héroïquement, résiste aux plans occidentaux, qataris, saoudiens, israéliens et turcs de mettre fin au Moyen-Orient.
Et les Syriens ont gagné. Pour combien de temps, je ne sais pas. Mais ils ont prouvé qu’un pays arabe peut encore vaincre les hordes meurtrières les plus puissantes.
Andre Vltchek est philosophe, romancier, cinéaste et journaliste d’investigation. Il a créé Vltchek’s World, il est un utilisateur de Twitter engagé et travaille en particulier pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.
Traduit par Diane, vérifié par Ludovic, relu par Literato pour le Saker francophone
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