La presse israélienne et la Berezina stratégique


Par Nicolas Bonnal – Octobre 2019 – Source nicolasbonnal.wordpress.com

Nicolas Bonnal

Israël est le grand perdant de la situation actuelle au Moyen-Orient. Il va payer les pots cassés du déclin occidental, en premier. Aujourd’hui ce sont les russes, les chinois et les iraniens qui appliquent la sobre doctrine de Théodore Roosevelt au début du siècle dernier : prenez un gros bâton mais discutez à voix basse. Or l’Occident ne sait que gueuler en n’astiquant pas son bâton. Sa corruption, son aveuglement, sa médiocrité ont une dimension confondante ; on n’a jamais vu cela dans l’histoire et il faudra le prochain écroulement financier pour que peut-être, on se réveille.

Car on peut toujours rêver.


Mais restons en Israël.

Pour évaluer la défaite locale, rien ne vaut la presse israélienne, toujours plus honnête et compétente que la presse occidentale et française. Étant en première ligne, elle ne rigole pas.

Invoquant ainsi la nette détérioration de la situation dans les territoires occupés durant le mandat de Benjamin Netanyahou, le journal israélien Yediot Ahronoth dresse un bilan des dix ans de pouvoir de ce désastreux indéboulonnable qui nous rappelle Merkel :

Israël a perdu des pans entiers de sa puissance de dissuasion face à l’Iran, mais aussi face à ses alliés. De graves erreurs commises par Netanyahou ont fait qu’Israël se trouve dans une impasse stratégique avec en filigrane ses ennemis qui l’assiègent, son protecteur qui le lâchent et une Russie qui tire profit de cette situation.

L’article d’Yediot Ahronoth, signé Daniel Friedman, ajoute :

Outre la tourmente politique intérieure, Netanyahou a récemment souligné que l’Iran menaçait sérieusement Israël. Mais qu’a-t-il fait pour la contrer? Rien ou plutôt ce qu’il a fait n’a rien changé à la donne. La menace iranienne et celle de ses alliés se sont exacerbées pendant son mandat. L’influence de l’Iran partout dans la région, en particulier en Syrie, a été considérablement renforcée depuis que Netanyahou est devenu le Premier ministre », a fait remarquer le journal alors que Benjamin Netanyahou vient tout juste d’avouer son échec dans la formation d’un nouveau cabinet…

Et ce n’est pas tout. Le pays du génie juif (22% des prix Nobel, le vingtième siècle ayant été comme on sait « le siècle juif ») s’avoue vaincu par l’Iran des mollahs sur le plan technologique et scientifique. Mais où est passé Einstein ? Et qui a dit que l’islam faisait reculer ? L’Iran n’est pas l’Arabie…

Friedman poursuit sur l’incessante reculade :

De même, les groupes militaires palestiniens, notamment le Jihad islamique et le Hamas, ont été renforcés depuis la prise de fonction de Netanyahou. L’arsenal balistique du Hamas s’est considérablement développé permettant de prendre pour cible Tel-Aviv et l’aéroport de Ben Gourion, voire des localités plus éloignées. Le Jihad islamique s’est doté, lui, de son propre arsenal et mène des opérations en plein cœur d’Israël. Et que dire de la Cisjordanie qui semble désormais avoir tissé des liens avec Gaza alors qu’il y a quelques années encore Ramallah agissait de concert avec Israël. Ayant concentré tous ses efforts sur la consolidation de son propre pouvoir, Netanyahou a pris des mesures qui se sont avérées inefficaces pour contenir la pluie de missiles du Hamas et du Jihad islamique.

Jadis redouté et célébré, Netanyahou fait fuir tout le monde, y compris électeurs et alliances (il lui restera François Hollande pour se consoler).

Friedman souligne ensuite les déboires de la politique internationale de Netanyahou et son cabinet :

Cette politique est à l’origine de la détérioration des relations de Tel-Aviv au niveau international. Les ambiguïtés dans les relations avec la Russie, la déperdition des relations amicales avec l’Europe, la méfiance par rapport à la Maison Blanche et la perte du soutien du parti démocrate américain ainsi que de la communauté juive aux États-Unis, en sont la preuve. N’ayant aucune perspective de la fin de diverses sanctions par de nombreuses organisations internationales contre Israël, la défaillance de la politique israélienne sur le plan international a deux origines : l’Iran et la Palestine. Ces deux dossiers ont terni l’image d’Israël, l’Iran ayant bien joué toutes ses cartes et affaibli son rival israélien. Mais avec un 1er ministre militaire au pouvoir en la personne de Gantz, Israël peut-il s’en prendre militairement à l’Iran? Force est de constater que faute de moyens, Tel-Aviv est incapable de se doter de nouveaux armements et de développer des systèmes de défense antimissiles pour se lancer dans une confrontation militaire avec l’Iran. Surtout que ce pays possède des engins qui dépassent nos boucliers antimissiles et que pour y parer il nous faudrait du temps et de l’argent. Quant au défi que représente Gaza, l’option militaire semble être la seule solution, mais elle est exclue en raison de ses coûts élevés et ses conséquences politiques majeures.

Même si BHL conseille la guerre ?

Le journal d’ajouter :

Nous ne sommes pas capables de faire face à l’Iran, nous devrions donc tenir compte de nos faiblesses et éviter les actes de provocation : pas d’annexion des parties de la Cisjordanie ni du Golan, soit des promesses électorales en l’air faites par Netanyahou. Notre seule solution? Se rapprocher de Ramallah et d’Abbas, pour qu’il neutralise Gaza et surtout ne plus penser à avoir un clash direct avec l’Iran.

Car personne ne veut de clash direct avec l’Iran (ou la Russie), et surtout pas le Donald. Si ce dernier est destitué et remplacé par les clowns du parti démocrate et les remugles du Deep State, préparez-vous à rigoler. Les navires US ne sont plus des menaces mais des cibles, comme dit Rohani.

Prenons un autre texte aussi impressionnant : le général israélien Eitan Ben Eliyahu, ancien commandant de l’armée de l’air d’Israël s’est penché à travers un article paru toujours dans le journal Yediot Aharonot sur les capacités de l’Iran dans le domaine de la technologie. Lui tire carrément la sonnette d’alarme.

Les capacités technologiques de l’Iran et de ses différents mandataires ont atteint un niveau tel qu’ils peuvent maintenant modifier l’équilibre des pouvoirs dans le monde.

Évoquant l’attaque en représailles de l’armée yéménite du 14 septembre contre les installations pétrolières saoudiennes (Aramco), le journal israélien a souligné qu’elle a été un franc succès opérationnel sous plusieurs angles :

  1. Les Saoudiens ont découvert l’attaque trop tard pour l’en empêcher ;
  2. L’emplacement exact de la base utilisée pour lancer les missiles reste inconnu ;
  3. La coordination entre les drones et les missiles de croisière était impressionnante,
  4. Les images post-attaque montrent des résultats précis, avec chaque cible touchée en son centre.

Dans une autre partie de son article, le général israélien note que depuis quatre ans, Israël attaque des cibles en Syrie afin d’abaisser l’influence régionale de l’Iran, mais ce pays a prouvé qu’il était capable de réaliser ses objectifs…

Selon Ben Eliyahu, l’Iran envoie le message qu’une attaque israélienne contre les forces iraniennes en Syrie pourrait donner lieu à une attaque similaire à celle perpétrée en Arabie saoudite. Faisant référence aux tentatives avortées d’Israël visant à convaincre Washington pour une attaque sur le sol iranien, le journal israélien rappelle qu’avec le retrait récent des militaires américains du nord-est de la Syrie, le régime israélien est de nouveau choqué. Ce qui montre que l’Iran a bien renforcé sa puissance dissuasive afin d’affaiblir la menace américaine dans la région et d’obliger les États-Unis à se retirer de l’Asie de l’Ouest.

La vérité c’est que l’Iran fanatique et arriéré de nos attardés de journalistes se balade, comme les russes et les chinois (voyez le dernier texte d’Orlov à ce sujet). Vient la cerise sur le gâteau – la tarte crémeuse sur le BHL :

Tous les plans iraniens sont en train de se réaliser. Il a réussi à affaiblir la menace américaine et à chasser Washington du Moyen-Orient. De plus, les sanctions de Trump ont conduit l’Iran à reprendre son enrichissement d’uranium.

Le général israélien conclue vers la fin de son article qu’Israël pourrait poursuivre sa politique actuelle envers l’Iran, tout en gardant à l’esprit que la prochaine attaque en Syrie pourrait entraîner une frappe chirurgicale de l’Iran et de ses alliés.

Une conclusion ? Dans mon livre sur Kubrick, j’ai eu recours à Isaïe pour certains « éclaircissements » de cette œuvre incomprise. J’y reviens :

Mais c’est ici un peuple pillé et dépouillé ; ils sont tous liés dans des fosses, et ils sont cachés dans des prisons ; ils sont devenus un butin, et il n’y a personne qui délivre, — une proie, et il n’y a personne qui dise : Restitue ! (Isaïe, 59, 22)

Et aussi (sur les hommes aux yeux fermés) :

Soyez étonnés et soyez stupéfaits ! Aveuglez-vous et soyez aveugles ! Ils sont enivrés, mais non de vin ; ils chancellent, mais non par la boisson forte. Car l’Éternel a répandu sur vous un esprit de profond sommeil ; il a bandé vos yeux ; les prophètes et vos chefs, les voyants, il les a couverts. (Isaïe, 29, 10)

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr, relu par Kira pour le Saker Francophone

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Sources

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