La dernière tranche d’aide américaine est une «superbe récompense» à la droite dure israélienne


Par Ben White – Le 18 septembre 2016 – Source Al Jazeera

Les munitions figurant sur la «liste de courses» d’Israël pourraient bien être utilisées lors de futurs raids contre la bande de Gaza, affirment des observateurs.

L’accord d’aide militaire est une aubaine pour l’armée israélienne dont la tâche principale est la gestion d’une occupation sur la durée, selon les analystes.

Le nouvel accord d’aide militaire conclu entre les États-Unis et Israël le 14 septembre pourrait renforcer un gouvernement israélien de droite dure qui montre déjà peu d’inclination à faire des concessions substantielles aux Palestiniens, selon les analystes.

«La principale leçon que la droite israélienne, de plus en plus extrémiste, va tirer de cet accord est que, bien loin d’entraîner des retombées négatives à l’internationale, son comportement est au contraire récompensé», a déclaré Mouin Rabbani, un chercheur éminent de l’Institut des études palestiniennes, à Al Jazeera.

Le comportement en question, a ajouté Rabbani, a consisté, non seulement à «accélérer de manière exponentielle l’expansion coloniale en Cisjordanie», mais aussi à «s’ingérer de manière éhontée dans la politique intérieure américaine», par exemple lorsque Netanyahou a ouvertement exprimé sa préférence pour Mitt Romney dans les élections de 2012, et aussi ses efforts, plus récemment «pour mobiliser le Congrès américain contre la Maison Blanche dans l’affaire de l’accord nucléaire iranien».

Le Protocole d’accord (MoU) a été signé à Washington par Jacob Nagel, le conseiller pour la sécurité nationale d’Israël, et Thomas Shannon, le sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, en présence des ambassadeurs des deux pays.

Le nouvel accord d’aide militaire se monte à 38 milliards de dollars étalés sur 10 ans, à compter de l’exercice budgétaire 2019. Ces 3,8 milliards de dollars par an s’ajouteront aux 30 milliards de dollars d’aide annuelle actuelle ; cependant, le nouveau protocole d’accord comprend des fonds pour la défense antimissile qui étaient déjà octroyés annuellement en plus de ces 30 milliards.

L’accord annule également le droit d’Israël à dépenser 26,3 % du total de l’aide auprès de ses firmes nationales d’armes, et oblige Israël à se fournir exclusivement chez les fabricants d’armes américains.

Bien que les responsables américains et israéliens invoquent les menaces régionales pour justifier l’exorbitant programme d’aide militaire, ce sont, en fait, les Palestiniens qui sont les plus grandes victimes des offensives militaires israéliennes. Les munitions répertoriées sur la «liste de courses» d’Israël, pourraient très bien être utilisées dans les futurs raids contre la bande de Gaza, selon les observateurs.

Nadia Hijab, la directrice exécutive d’Al Shabaka, le réseau d’information palestinien, note que le gouvernement américain a réussi à récupérer une partie de son propre argent – ou plutôt celui de ses contribuables – en éliminant la partie de l’aide qu’Israël pouvait consacrer à sa propre industrie de défense.

«Rien de tout cela, bien sûr, n’améliore en rien la vie des Palestiniens qui vivent, depuis près de 50 ans, sous occupation militaire israélienne», précise Hijab.

Ces restrictions, et le fait que l’augmentation de l’aide en termes réels n’est pas aussi importante que des politiciens israéliens l’auraient voulu, ont conduit certains d’entre eux – dont l’ancien premier ministre israélien Ehud Barak – à accuser le Premier ministre Benjamin Netanyahou de ne pas avoir conclu le meilleur accord possible.

Selon les analystes, il est difficile de savoir si l’animosité évidente que se témoignent Netanyahou et le président Barack Obama – qui s’est manifestée par les tentatives infructueuses du premier pour faire échouer l’accord avec l’Iran – ont eu un impact significatif sur le nouveau protocole d’accord.

«Ce “débat” est essentiellement une affaire de politique intérieure israélienne», a dit Khaled Elgindy, un membre du Centre de l’Institution Brookings pour la politique du Moyen-Orient, à Al Jazeera. «Ehud Barak semble suggérer que la mauvaise relation de Netanyahou avec l’administration Obama a, en quelque sorte, mis en péril le programme global d’aide. Mais, à mon sens, rien ne permet de le penser.»

Cependant, on peut se poser une autre question : est-ce que l’accord laissera à Obama – dans la petite fenêtre de tir qui sépare les élections de novembre et son départ officiel de la Maison Blanche – assez de marge de manœuvre pour une dernière initiative diplomatique qui risque d’être mal accueillie par Netanyahou ?

Obama, lui-même, dans son communiqué de presse sur la signature de l’accord d’aide militaire, a semblé faire le lien entre le Protocole d’accord et la nécessité d’une «solution à deux États au conflit israélo-palestinien, en dépit des très inquiétants développements sur le terrain qui portent atteinte à cet objectif».

Lors d’une conférence de presse, l’Israélien Nagel a rejeté sans ambages l’idée d’établir un lien entre le Protocole d’accord et la Palestine. «Un mur de feu séparait les positions des équipes de négociation étasuniennes et [israéliennes] sur cette question», a-t-il commenté.

Hijab ne mâche pas ses mots : «Obama s’est clairement lavé les mains des Palestiniens depuis quelques années, a-t-elle déclaré à Al Jazeera. Même s’il faisait une dernière tentative pour sauver la solution à deux états qui devient de moins en moins possible, cela aurait sans doute pour effet d’affaiblir – plutôt que de renforcer – les Palestiniens en érodant le droit international.»

Pour Rabbani, même si Obama lançait une initiative diplomatique avant janvier 2017 «pour essayer d’obtenir d’Israël qu’il renonce à une bonne partie du contrôle qu’il exerce sur les Palestiniens, les Israéliens se sentiraient assez sûrs d’eux pour ignorer ses pressions».

Israël a de bonnes raisons de se sentir sûr de lui. Pendant le mandat d’Obama, Israël a saboté les négociations de paix menées par les Américains en construisant sans arrêt des colonies et en revenant sur un accord de libération de prisonniers, et a assassiné 2200 Palestiniens dans un assaut sans précédent de 50 jours sur Gaza.

Rien de tout cela – ni la légalisation de colonies de peuplement illégales, ni l’escalade dans la démolition de maisons palestiniennes, ni le rejet explicite d’un État palestinien par des ministres israéliens de haut rang – n’a provoqué la moindre réaction significative des États-Unis, sans parler de sanctions !

Rabbani souligne que c’est cela qui «caractérise depuis des décennies la teneur des relations américano-israéliennes. Israël fait, dans l’ensemble, ce qui lui plaît, et même lorsque ce qu’il fait défie ouvertement les politiques et les positions déclarées de Washington, la réaction américaine est limitée et fuyante».

Selon Elgindy, «Il est plus que probable que le gouvernement de Netanyahu persiste dans sa trajectoire actuelle, non seulement à cause du Protocole d’accord, mais parce qu’il n’y a rien [et certainement rien de ce qui sort de Washington] qui l’en empêche – ni même tente de le freiner».

Ainsi, alors que «le montant exorbitant du plan d’aide offre à Obama un excellent bras de levier, conclut Elgindy, il y a eu très peu de signes au cours des sept dernières années» qui pourraient laisser penser qu’il soit prêt à s’en servir.

Traduction : Marie Staels

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