La dernière croisade et le nouveau millénaire


Par Batiushka − Le 20 septembre 2023 − Source Global South

Introduction : La refonte de l’ordre mondial

Les événements en Ukraine, « l’homme qui se noie et qui noie son sauveteur avec lui« , au cours des dix-neuf derniers mois, peuvent être décrits comme la dernière croisade de l’Occident. La Fédération de Russie a anéanti les armées ukrainiennes et les armées supplétives à base de mercenaires, ainsi que l’équipement de l’OTAN, dans ses steppes dévastées. Cette immense tragédie, qui a coûté la vie à plus de 500 000 soldats ukrainiens, n’est qu’un des changements historiques qui se produisent dans le monde. D’une certaine manière, en effet, ce qui se passe entre la Russie et l’Ukraine de l’OTAN est relativement mineur. Il ne s’agit pas seulement de la dissolution de l’ancienne Ukraine de conception soviétique et de l’ancienne OTAN, mais c’est symptomatique de bien d’autres choses. Des événements bien plus importants se sont déroulés dans le reste du monde, sur toute la planète. Quels sont-ils et pourquoi ce changement historique, voire millénaire, se produit-il aujourd’hui ?

L’accord conclu après la Seconde Guerre mondiale provoquée par les nazis entre des États-Unis victorieux et une URSS encore plus victorieuse est terminé. L’empire soviétique à l’étoile rouge, né d’un changement de régime orchestré par les Britanniques en février 1917, et l’empire américain à l’étoile blanche, né de la doctrine Truman en mars 1947, ont duré dans les deux cas trois générations. L’URSS a pris fin en décembre 1991 et les États-Unis en février 2022, avec l’opération militaire spéciale en Ukraine visant à libérer de l’OTAN l’est et le sud de l’Ukraine soviétique (russe jusqu’en 1922). L’Empire américain, qui n’avait plus de raison d’être depuis la fin de la guerre froide en 1991, a vu son temps s’écouler et nous assistons à un changement historique évident. L’ensemble de l’ordre mondial est en train d’être remanié. L’ère des empires est révolue, les anciennes institutions s’effondrant l’une après l’autre.

Symptômes en dehors de l’Occident

Les destructions causées par le Printemps arabe orchestré par les Américains et qui a débuté en 2010 ont pris fin en Syrie. Grâce à l’intervention militaire russe et au cessez-le-feu syrien de 2020, la majeure partie du pays est de nouveau aux mains des Syriens après la défaite des islamistes financés et entraînés par la CIA. Le président Assad, dont on disait il y a douze ans qu’il ne lui restait que deux semaines à vivre, est en Chine pour parler de reconstruction et d’investissement. La Turquie, autrefois pro-américaine, envisage de quitter l’OTAN et de rejoindre les BRICS. Il ne reste que quelques Américains dans le nord de la Syrie qui continuent à voler le pétrole syrien. Dans le Caucase voisin, l’Arménie, marionnette des États-Unis, a perdu son combat contre l’Azerbaïdjan, qui s’est rallié au point de vue russe. L’Arménie est désormais isolée, sans aucun espoir d’aide de la part des États-Unis ou de leurs caniche de l’UE. Son seul espoir est que son peuple renverse son dirigeant fantoche et commence à coopérer avec ses voisins.

Après 150 ans d’exploitation impitoyable, l’Afrique se débarrasse de la France coloniale et des États-Unis. Certains membres de l’Union africaine ont menacé de quitter le pion américain qu’est l’ONU. L’Amérique latine, notamment le Brésil et la Colombie, rejette les États-Unis. L’Inde a dit au caniche canadien des États-Unis de cesser d’interférer. Ainsi, les plans américains visant à perturber les relations entre l’Inde et la Chine, et donc à saper les BRICS, se sont retournés contre eux. Pendant ce temps, BRICS + va de l’avant. Le 1er janvier, il comptera onze membres issus de quatre continents et son prochain sommet se tiendra sur le territoire de la Fédération de Russie. Les principaux acteurs du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite et l’Iran, réconciliés par la Chine, sont deux des nouveaux membres des BRICS. Tous deux sont riches en pétrole et les BRICS +, avec le Venezuela pro-russe, contrôlera la majeure partie du pétrole mondial. Et les BRICS +, avec des alliés comme l’Indonésie, mettent progressivement fin au dollar, qui a permis aux États-Unis de dominer le monde pendant trois générations.

Les symptômes en Europe

Reste l’Europe, dont les dirigeants semblent avoir choisi la tiers-mondisation qu’elle s’est imposée, en guise de châtiment pour des péchés non expiés. L’élite oligarchique sélectionnée par les États-Unis du Royaume-Uni désuni et appauvri, dont les infrastructures grinçantes sont similaires à celles de la Russie des années 1990, a choisi de donner des dizaines de milliards de livres sterling à des projets néoconservateurs américains fous et ratés à l’étranger, en Afghanistan, en Irak et maintenant en Ukraine. En conséquence, ses systèmes de santé et d’éducation, chroniquement sous-financés et en grève, sont en train de s’effondrer, certains bâtiments s’écroulant littéralement à cause du béton bon marché, les 10 % les plus pauvres mangent dans les banques alimentaires, de nombreux jeunes vivent chez leurs parents car ils n’ont pas les moyens d’acheter leur propre maison, ses villes et ses entreprises de services publics sont en faillite, ses aéroports sont en plein chaos, ses chemins de fer sont au mieux comiquement inefficaces, ses routes sont embouteillées et pleines de nids-de-poule, et ses minuscules forces armées ressemblent à celles d’une république bananière.

La France, contrôlée par les Rothschild et en proie aux émeutes, est humiliée et expulsée d’Afrique, ce qui, selon un ancien président français, la réduira également au statut de pays du tiers monde (« Sans l’Afrique, la France descendra au rang de puissance du tiers monde », Jacques Chirac, 2008). Quant à l’ancienne puissance allemande, elle est en récession, ayant choisi la désindustrialisation, grandement aidée par ses écolos et, surtout, par la destruction par les États-Unis de gazoducs vitaux en provenance de Russie. Et l’élite politique allemande anti-allemande a silencieusement accepté ou ouvertement applaudi son assassinat économique par les États-Unis. Quant au reste de l’UE, il est cruellement divisé entre l’est et l’ouest, ainsi qu’entre le nord et le sud, comme le démontrent la Hongrie, la Croatie, l’Italie paralysée par les migrants, la Pologne trahie et d’autres pays comme la Slovaquie à l’est et au sud, et la Scandinavie et le Benelux à l’ouest et au nord.

Symptômes aux États-Unis

Dans les États-Unis d’Amérique, contrôlés par les oligarques et désunis par le parti unique, l’inégalité a atteint de nouveaux extrêmes. Le sans-abrisme, qui résulte en partie de la toxicomanie généralisée et de la désindustrialisation, est devenu encore plus courant. Il est vrai que les grandes sociétés pharmaceutiques américaines, l’« industrie » financière et les hommes d’affaires qui délocalisent sont devenus très riches, mais ce n’est pas le cas des personnes licenciées par les usines fermées, qui n’ont pas les moyens de se payer des soins de santé ou même un logement. Ici aussi, nous assistons à une tiers-mondisation à grande échelle, non seulement dans les grandes villes d’autrefois comme Los Angeles, Detroit et Portland, aujourd’hui en partie aménagées pour accueillir les nouvelles masses recroquevillées du cauchemar américain, mais aussi dans les zones rurales déshéritées et droguées comme les Appalaches.

L’autre grand problème est peut-être l’immigration. C’était une chose entre 1825 et 1975, lorsqu’un pays immense et en plein développement pouvait rapidement absorber, assimiler et employer les millions de pauvres de l’Europe, qu’il exigeait et accueillait, comme le proclamait la Statue de la Liberté française 1. Mais aujourd’hui, où vont ces dizaines de millions de personnes, où vivent-elles et où travaillent-elles ? Avec la frontière américaine ouverte à la multitude de pauvres d’Amérique latine, créée par les propres changements de régime des États-Unis en Amérique latine, où les politiciens qui souhaitaient la justice sociale ont été et sont régulièrement remplacés ou assassinés par des voyous et des gangsters fascistes promus par la CIA, il s’agit là d’un ennemi juré. Semer le vent et récolter la tempête.

Conclusion : La refonte de l’ordre mondial

Si l’ordre mondial est en cours de refonte, à quoi ressemblera l’avenir ? Tout d’abord, il n’y aura plus de « pays exceptionnels » imaginaires comme les États-Unis ou, d’ailleurs, la France, avec son « exception française » tout aussi flatteuse. Tous seront au même niveau, car nous sommes les accoucheurs de la renaissance du monde multipolaire, celui qui existait il y a un millénaire, avant que « l’Occident » ne s’approprie l’idée démoniaque qu’il était exceptionnel. Il a ensuite proclamé qu’il avait le droit de dominer le monde entier, mettant en œuvre son arrogance par des « croisades », commençant officiellement en 1095, bien qu’en fait elles aient commencé avant cela, et se terminant officiellement avec la « croisade » du pape George Bush contre l’Irak en 2003, bien que l’attaque contre la Russie aujourd’hui soit en réalité la croisade du pape Joseph Biden, en effet, c’est la dernière croisade de l’Occident.

La soupe alphabétique des anciennes institutions avec lesquelles ma génération a grandi a disparu ou disparaîtra inévitablement : l’URSS, l’UE, l’OTAN, l’ANASE, l’OCDE, le FMI, le FMI, le G7, AUKUS, l’ONU, le Royaume-Uni, et peut-être aussi les États-Unis. Nous nous dirigeons vers une Alliance Mondiale des Peuples Souverains, une A.M.P.S. qui est le dernier souffle, parce que l’alternative est un vaste zone dévastées par des frappes nucléaires inspirée par les néocons dont même T.S. Eliot n’aurait jamais pu rêver. Tel est le futur présent, le futur monde multipolaire de la Russie, de la Chine, de l’Inde, de l’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Océanie et de tous les autres, l’Alliance des sept milliards, à laquelle le milliard restant sur ses îles et dans la péninsule européenne sera obligé de se joindre et de coopérer sur un pied d’égalité, à moins qu’il ne veuille vraiment se suicider. L’ancien millénaire est terminé. En avant vers l’avenir !

Batiushka

Recteur orthodoxe russe d’une très grande paroisse en Europe, il a servi dans de nombreux pays d’Europe occidentale et j’ai vécu en Russie et en Ukraine. Il a également travaillé comme conférencier en histoire et en politique russes et européennes.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

  1. « Donnez-moi vos fatigués, vos pauvres, Vos masses recroquevillées qui aspirent à respirer librement, Les déchets misérables de votre rivage grouillant ».
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