Jancovici : entre vérité et contradiction


sakerPar Hervé – Le 6 avril 2016

Pour ceux qui suivent le dossier de l’énergie en France, on ne présente plus Jean-Marc Jancovici, le pétillant polytechnicien qui reste une figure médiatique importante du monde de l’énergie, interviewé régulièrement dans les médias mainstream pour donner son point de vue sur les politiques énergétiques.

Il est largement décrié par certains milieux anti-nucléaire pour ses positions pro-nucléaire, par certains écolos pour ses accointances techno-écologiques et sûrement par bien d’autres encore. Il ne s’agit pas ici de faire son procès mais d’analyser son discours sur le populisme.

A son crédit, il y a son site manicore et ses conférences, dont on peut critiquer les biais et les solutions proposées, mais qui sont des sources fort intéressantes pour qui cherche à comprendre le sujet et les enjeux. Il est aussi le patron de Mathieu Auzanneau (theshiftproject) qui sur oilman produit une excellente chronique sur le pétrole et est auteur de l’Or noir, livre relu par le pape du PeakOil en France et dirigeant de l’ASPOJean Laherrère.

 

Après cette brève introduction, attaquons l’interview sur Xerfi Canal. Je passe sur la «baisse de consommation pétrolière subie depuis 2006 car il n’y aurait plus assez de pétrole pour tout le monde», alors que l’actualité démontre le contraire, avec une surproduction certes probablement temporaire, par manque de consommateurs solvables.

2′ : Il crache le morceau au bout de 2′. Il isole bien la population en cours de déclassement social, les banlieusards du tertiaire qui «voteraient avec leur pied pour les populistes».  Il pourrait même remonter aux années Georges Marchais, où la classe ouvrière votant historiquement pour le PC a commencé à voter FN. Les sans-dents (et sans-cervelles ?) voteraient mal.

Et pire, les populismes monteraient dans toute l’Europe. On peut même y ajouter les USA avec Donald Trump, dont parle Ugo Bardi dans son dernier article autour du même thème.

Jean-Marc, Jean-Marc : petite définition de Wikipédia, pourtant pas un site populiste:

Le populisme désigne un type de discours et de courants politiques qui fait appel aux intérêts du «peuple» (d’où son nom) et prône à son recours, tout particulièrement en opposant ses intérêts à ceux de «l’élite».

3′ : Donc le populisme, ce n’est pas le «repli sur soi, je sors de l’ruro, je sors de l’Europe, etc.». D’abord on ne peut pas sortir de l’Europe, Jean-Marc, ça demanderait beaucoup d’énergie mécanique. On peut tout au plus sortir de l’Union européenne, idée défendue par un Jacques Sapir, entre autres, qui ne doit pas mal voter, lui.

S’ensuit une belle question existentielle du journaliste: «Est-ce que le concept de démocratie arrive à ses limites, car il est né et s’est développé dans un monde de croissance ?»

4′ : Son analyse sur les frottements entre les espaces de liberté de chacun selon la pente de la croissance est assez juste. Il faudrait cependant pousser l’analyse historique jusqu’à reconnaître que l’on n’a jamais été nulle part en Démocratie, au moins pas au sens où les citoyens le comprennent. On a un jeu d’élections, oui, mais ce n’est pas de LA démocratie, juste un théâtre pour masquer la réalité des rapports de classe.

Il nous donne ensuite une belle analogie avec un capitaine de bateau qui par gros temps prend toutes les décisions unilatéralement. Bien vu ! Mais le capitaine est SUR le bateau et il coule avec, s’il se trompe et a un peu d’honneur. Il n’a pas de parachute doré, de double nationalité, de lingots planqués au Panama comme nos capitaines de pédalos. Ça fait une sacrée différence, mon ami, et ceux qui votent mal commence à bien le voir, eux.

5′ : Petit plaisir en commun sur le lynchage en place publique des économistes : «Si on accepte l’idée que pour moi il y a de la physique derrière l’économie, cela oblige les économistes classiques à jeter bas l’essentiel de 100 ou 150 ans d’héritage intellectuel accumulé. Ils repartent à peu près nus et c’est évidemment une pensée très désagréable pour eux.»

Ce qui est vraiment très gênant dans ce mélange des genres technico-politiques, c’est de voir quelqu’un de très sensé quand il parle d’énergie insulter littéralement les populations en souffrance, leur reprochant avec mépris de s’exprimer par leur vote, la seule échappatoire possible non violente qu’on leur laisse.

Je lui rappellerais que ses études à Polytechnique lui ont été gracieusement offertes par ces mêmes personnes, pour qu’il puisse accéder à un ascenseur social afin, une fois en haut, de le leur renvoyer et de les défendre, faire du populisme donc.

Que les hommes politiques mentent par court-termisme, que les journalistes mentent par idéologie, on peut le comprendre, mais quand des personnes avec ce genre de QI et leur réflexion d’une vie autour des systèmes complexes se vautrent dans de tels bassesses intellectuelles, alors que les aspirations des populations sont trahies élections après élections, cela laisse rêveur.

Je serais curieux de savoir comme il voit le court terme pour les 100 millions d’Américains sans travail, les 10 millions de Français au bas mot dans la même situation, sans parler de tous ceux dans le monde qui attendent que la soupe passe un peu, en zigzaguant parfois entre les  bombes.

La situation va au mieux se dégrader doucement, c’est lui qui le dit par ailleurs. Il parle aussi de chocs démographiques à venir (sic). Devant de telles contradictions en quelques minutes de paroles, je ne saurais trop espérer que les deux parties de son brillant cerveau se connectent  rapidement pour en prendre conscience. La double pensée orwellienne en action est assez stupéfiante, et même si je suis derrière mon clavier, en partie grâce à lui et avec tout le respect que j’ai pour toi : Jean-Marc, toi et tes copains des grandes écoles, putain, réveillez vous ! Arrêtez de participer à la pensée unique ! Occupez vous de ce pour quoi on vous a formés: les Français.

Ils ne demandent plus la lune, juste que vous justifiiez de l’existence de l’État et du vôtre. Si cet État ne sert plus, il faudra s’en passer, comme les Romains l’ont fait finalement après quelques siècles d’agonie. J’ai le sentiment que ce coup-ci, l’histoire va aller beaucoup plus vite.

Et je ne saurais que te conseiller de lire le Saker Francophone un peu chaque jour, pour constater que la situation du monde est bien différente de celle qui s’étale dans les Échos.

Hervé pour le Saker Francophone

Relu par nadine pour le Saker Francophone

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