Le 17 october 2016 – Source thesaker
Le Président de la Russie a répondu aux questions des journalistes russes après le Sommet des BRICS à Goa
Question : Beaucoup a été dit dans les médias occidentaux au sujet des BRICS qui passeraient par une période difficile. Depuis que le Brésil a un nouveau président, le pays est supposé se demander s’il a besoin des BRICS. Il y a peu de secret sur la tension qui existe entre l’Inde et la Chine. En fait, les États-Unis ont été de plus en plus proactifs en ce qui concerne l’Inde.
Vous avez dit à plusieurs reprises que vous considériez les BRICS comme une association importante et viable. À votre avis, quelle est la gravité des défis, le cas échéant, auxquels les BRICS font face ? Vont-il réussir à les surmonter et quelles sont les perspectives de développement des BRICS en général ?
Le Président de la Russie Vladimir Poutine : Certains de nos partenaires sont toujours en train de chercher les questions et les défis, quoi que nous fassions. Mais comme on dit en Russie, pourquoi vous inquiéter de la paille dans l’œil de votre ami quand vous avez une bûche dans le vôtre.
Il y a toujours des problèmes, partout et dans les relations entre tous les pays. Est-ce que cela signifie que les pays, dont les représentants parlent ainsi des BRICS, n’ont pas des problèmes avec leurs partenaires et alliés stratégiques les plus proches ? En fait, ils ont beaucoup de problèmes.
S’il n’y en avait pas, ils auraient signé et ratifié depuis longtemps le Traité sur le commerce et l’investissement et le partenariat transatlantique (TTIP), et auraient résolu de nombreuses autres questions. Cependant, les problèmes qu’ils rencontrent sont toujours là, et ils sont réels. Donc, il n’y a rien de spécial au sujet des problèmes. Voici comment les choses fonctionnent dans le monde entier.
Tous les pays, et plus encore les grandes puissances, ont leurs propres intérêts qui peuvent aller à l’encontre de ceux de leurs alliés les plus proches. Cela dit, qu’est-ce qui sous-tend l’intérêt mutuel des pays du BRICS ? Il est sous-tendu par la similitude de leurs économies et les objectifs auxquels ils sont confrontés. C’est tellement évident que vous n’avez pas besoin d’être un expert pour comprendre cela. Il suffit de regarder leurs structures économiques, leurs modèles de développement, leurs taux et objectifs de croissance.
Vous savez, c’est l’intérêt objectif de maintenir les contacts, et de promouvoir la coopération dans divers domaines, qui se trouve au cœur de notre association et encourage à l’optimisme.
En outre, pour être honnête, je suis heureux de cette rencontre, car pour la première fois, j’ai vu toutes les parties impliquées se montrer vraiment intéressées à développer des relations dans ce cadre, qui pourrait ouvrir la voie à une coopération dans des domaines spécifiques.
De nouveaux domaines de coopération et de nouveaux cadres, par exemple la coopération industrielle, sont développés au-dessus de structures qui existent déjà, comme la Nouvelle Banque de développement et le Fonds de réserve contingent des BRICS avec un capital total de $200 milliards, un montant substantiel qui va augmenter à l’avenir.
Nous discutons de l’introduction de normes techniques uniformes. Ce sont des initiatives fondamentales qui ouvrent la voie à l’harmonisation du développement et des politiques économiques.
Hier soir, mon collègue brésilien et moi avons eu une longue conversation pour examiner l’état de nos économies respectives. Il est apparu que nous avons beaucoup en commun. Nous sommes confrontés à des défis mondiaux communs et il sera plus facile de les surmonter si nous combinons nos efforts.
Dans l’ensemble, j’ai une vue très positive de cette association, et je pense que les BRICS ont toutes les chances de se développer davantage.
Question : Le vice-président américain Joseph Biden a promis hier de vous envoyer un message et de répondre au piratage des États-Unis dont la Russie est accusée…
Vladimir Poutine : Il n’y a rien d’étonnant à cela.
Question : En fait, c’était une menace venant d’un fonctionnaire de très haut niveau, et si je ne me trompe pas, il vous a ciblé personnellement. Vous attendez-vous à des attaques de piratage contre la Russie ou d’autres types d’attaques ?
Vladimir Poutine : Vous pouvez vous attendre à tout de la part de nos amis américains. Mais y a-t-il quelque chose de nouveau dans ce qu’il a dit ? Comme si nous ne savions pas que les organismes gouvernementaux américains espionnent et écoutent électroniquement tout le monde ?
Tout le monde ne sait que trop bien tout cela, il y a longtemps que ce sujet n’est plus un secret, il y a suffisamment de preuves à l’appui. Des milliards de dollars sont dépensés dans cette activité, avec la NSA et la CIA travaillant aux côtés d’autres organismes gouvernementaux. Il y a des témoignages et des confessions à part entière.
En fait, ils espionnent non seulement leurs ennemis réels ou potentiels, mais aussi leurs alliés, y compris les plus proches d’eux. Nous connaissons tant de scandales d’écoutes téléphoniques impliquant de hauts responsables gouvernementaux des pays qui sont des alliés des États-Unis, donc il n’y a absolument rien de nouveau ici.
La seule chose nouvelle est que pour la première fois les États-Unis ont reconnu à un niveau élevé, d’abord, qu’ils font réellement cela, et ensuite qu’il s’agit d’une sorte de menace, ce qui est évidemment incompatible avec les normes internationales du dialogue. C’est évident.
Apparemment, ils sont un peu nerveux. La question est de savoir pourquoi. Je pense qu’il y a une raison. Vous savez, dans une campagne électorale, le gouvernement en place fabrique soigneusement une stratégie pré-électorale, et tout gouvernement, en particulier lorsqu’il cherche à obtenir une réélection, a toujours des problèmes non résolus. Il a besoin de montrer, d’expliquer aux électeurs pourquoi ces problèmes sont restés en suspens.
Aux États-Unis, il y a beaucoup de ces problèmes, ils ont certainement leur compte. Bien qu’ils soient l’économie de premier plan dans le monde, une grande puissance, sans aucun doute, il y a encore beaucoup de difficultés non résolues. Par exemple, la dette publique massive est une bombe à retardement pour l’économie américaine et pour le système financier mondial. Personne ne sait quoi faire. Peut-être que la dévaluation à l’avenir pourrait aider, ou quelque chose. Mais quoi ? Il n’y a pas de réponse. C’est juste un exemple.
D’autres exemples peuvent être cités en politique étrangère. Le processus de réconciliation au Moyen-Orient, d’une manière générale, est certainement en perte de vitesse, y compris entre Israël et la Palestine, malheureusement. En outre, les tensions sont de plus en plus grandes entre les États-Unis et leurs alliés habituels dans la région.
On ne va pas aller en profondeur dans cette discussion – c’est leur affaire. Je dis simplement qu’il y a beaucoup de problèmes, et dans ces conditions, beaucoup choisissent de recourir aux tactiques habituelles de distraction des électeurs.
À mon avis, c’est exactement ce à quoi nous assistons. Comment le font-ils ? Ils essaient de créer un ennemi et de rallier la nation contre cet ennemi. L’Iran et sa menace nucléaire iranienne n’a pas bien marché pour cela. La Russie est une affaire plus intéressante. À mon avis, cette carte est jouée en ce moment.
Je l’ai dit récemment à un forum VTB, il n’est pas sage de sacrifier les relations russo-américaines pour résoudre les problèmes politiques internes actuels, car cela détruit les relations internationales en général.
Par ailleurs, je n’ai pas entièrement répondu à votre question. Cette partie a quelque chose à voir avec votre second question – au sujet de savoir qui développe des relations, avec qui et comment. L’Inde, par exemple, se fait un ami des États-Unis. Tant mieux pour eux ! Les États-Unis sont une grande puissance, et l’Inde est une grande puissance. Les grandes puissances ont des intérêts et elles poursuivent ces intérêts dans un format multilatéral. Il est impossible d’imaginer le monde moderne différemment.
Plus ce processus est intense et global, plus le monde est stable. J’espère que, une fois ce débat terminé, une fois que cette période difficile dans la vie politique des États-Unis aura pris fin, nous verrons une chance de rétablir les relations entre la Russie et les États-Unis.
Remarque : Donc, nous ne devrions pas voir cela comme une menace ?
Vladimir Poutine : Je viens de le dire, tout peut arriver. Avec cette surveillance mondiale, je suppose qu’ils ont certaines informations. Cette information peut être facile à compiler.
Les gens peuvent être nourris avec une demi-vérité ou un quart de vérité, ou même seulement un peu de vérité diluée dans le mensonge, et ces informations peuvent être utilisées pour tromper le public dans un pays ou un autre. La Russie ne fait pas exception, nous sommes souvent la cible de ces attaques. Nous savons ce que c’est.
Question : Monsieur le Président, saviez-vous que vous êtes en vedette dans le nouvel épisode du dessin animé Les Simpsons ? Vous y poussez en faveur de Trump. Quelle est votre préférence réelle ? On vous l’a déjà demandé à plusieurs reprises – Clinton ou Trump ?
Et une autre question : Le vice-président américain a déclaré récemment que personne ne pouvait influencer les résultats des élections américaines. Franchement, essayons-nous même d’interférer ? En avons-nous encore besoin ?
Vladimir Poutine : Que dit-il, précisément ? Nous ne pouvons pas fondamentalement les affecter. Donc, le journaliste a eu besoin de le presser : pas fondamentalement, ou pas du tout ? Il semblait reconnaître que nous avons effectivement pu jouer un rôle, mais je voudrais vous rassurer tous, y compris nos partenaires et amis américains : nous ne prévoyons pas d’influencer la campagne électorale aux États-Unis.
La réponse est très simple : nous ne savons pas ce qui se passera après que le Président des États-Unis est élu. Mme Clinton a choisi une rhétorique et une attitude agressive à l’égard de la Russie, et M. Trump, au contraire, appelle à la coopération, au moins contre le terrorisme.
Nous allons certainement accueillir tous ceux qui veulent travailler avec nous, et non, nous ne sommes pas intéressés à nous quereller sans cesse avec quelqu’un, ce qui ne fait que créer des menaces pour soi-même et le monde, ou à tout le moins rend plus difficile d’atteindre les résultats escomptés dans la lutte contre le terrorisme.
Nous ne savons pas ce qui se passera après les élections. Nous ne savons pas si, oui ou non, le candidat présidentiel Trump donnera suite à ses intentions, jusqu’où il ira dans une coopération avec nous, ni si Mme Clinton va s’en tenir à sa rhétorique dure anti-russe si elle est élue présidente, ou peut-être qu’elle ajustera également sa position. Nous ne pouvons pas savoir maintenant.
Je le répète encore une fois : sacrifier les relations russo-américaines à cause des événements politiques internes aux États-Unis est nuisible et contre-productif. Cela n’est pas la première fois. Regardez toutes les campagnes électorales précédentes – c’est encore et toujours la même histoire, comme je le disais.
Et puis ils chuchotent à notre oreille : «Attendez juste la fin. Ça passera, et les choses vont revenir à la normale.» Vous savez, ce n’est même plus drôle. Mais si quelqu’un veut une confrontation, ce n’est pas notre choix. Confrontation signifie problèmes. Nous ne voulons pas de ça. Au contraire, nous aimerions trouver un terrain d’entente et travailler ensemble pour relever les défis mondiaux auxquels sont confrontés la Russie, les États-Unis et le monde.
Question : Vendredi, un sommet de l’OTSC a eu lieu à Erevan, où Alexandre Loukachenko a déclaré que l’organisation a besoin de formuler de nouvelles priorités, pour devenir au moins respectée sinon crainte. Pourriez-vous préciser ce qui a été discuté exactement, quelles sont les nouvelles priorités ? Croyez-vous que les autres organisations militaires ne remarquent même pas l’OTSC ? Et, en parlant de priorités : la situation du Haut-Karabakh est-elle une priorité pour l’OTSC ?
Vladimir Poutine : Je vais commencer par ce que vous avez dit à la fin. Nous avons parlé du Haut-Karabakh et d’une tension précise survenant entre des pays qui sont d’anciennes républiques soviétiques. Voici ce que je pense – et ce que je dis à mes collègues à ce sujet : regardez, il y a des questions qui se posent entre les États membres de l’OTAN, par exemple, entre la Turquie et la Grèce sur la question chypriote. Cela n’a rien de nouveau.
Il est bien connu que ces problèmes ont persisté pendant de nombreuses années, voire des décennies. Mais l’OTAN va-t-elle en guerre contre l’un puis l’autre ? Et pour nous, cela n’a même pas d’importance si un pays est une ancienne république soviétique, fait partie de l’OTSC ou non. Il importe que nous ayons des relations historiques particulières avec tous ces pays, et qu’elles sont plus profondes que les relations entre les États membres de l’OTAN. Nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte.
L’OTSC a été créée pour faire face aux menaces externes. Certes, nous devons répondre en quelque sorte à ce qui se passe à côté de chez nous, mais nous devons nous efforcer de résoudre pacifiquement tous les problèmes ayant des racines dans le passé par le biais d’un compromis – compromis que les deux parties sont prêtes à accepter. Dans ce contexte, nous avons discuté de la question du Haut-Karabakh et d’autres problèmes.
En fait, ce que je viens de dire n’est pas si différent de la position de M. Loukachenko. Mais il est préférable de lui demander de clarifier ce qu’il pensait et ce qu’il estime nécessaire de faire. C’est un conférencier assez impressionnant, et il élaborera sur ce sujet lui-même.
Question : Puis-je poser une question à propos de l’économie nationale ? Avec l’acquisition de Bashneft par Rosneft dans le cadre du programme de privatisation, nous sommes en train de privatiser Rosneft. Les acheteurs potentiels sont encore inconnus, mais Rosneft a déclaré qu’elle envisageait un rachat d’actions, ce qui est parfaitement correct avec les pratiques des entreprises, mais d’autre part, ce ne serait pas une véritable privatisation. Êtes-vous d’accord avec cela ?
Vladimir Poutine : Oui, je suis d’accord. Je vais l’expliquer.
Vous avez absolument raison, un rachat n’est pas notre but. L’idée n’est pas de voir Rosneft racheter ses propres actions et s’en tenir là. Même si cela se produit, c’est seulement une étape intermédiaire vers une véritable privatisation, avec des investisseurs stratégiques, peut-être internationaux, mais sous le contrôle de l’État, parce que Rosneft est sous contrôle de l’État, les représentants du gouvernement au conseil d’administration ont encore le pouvoir.
Si Rosneft est en mesure de vendre ses propres actions en collaboration avec le gouvernement russe et, si cela se fait, cette privatisation à grande échelle d’une grande entreprise publique russe sera une étape naturelle, mais sans en perdre le contrôle.
Mais si le marché est faible, si nous ne pouvons pas parvenir à un accord, alors nous n’excluons pas un rachat comme une étape préliminaire pour poursuivre le processus de privatisation. Donc, je tiens à vous rassurer, ainsi que les experts qui suivent ceci de près : nous n’allons pas construire le capitalisme d’État, comme je l’ai dit à plusieurs reprises.
Nous allons poursuivre le chemin de la véritable privatisation, mais pas dans un marché en baisse. Et si nous le devions, nous nous entendrons avec ceux qui comprennent que même si le marché est en baisse, il montera à nouveau, et nous voulons investir avec un certain bonus.
Ou nous allons le faire un peu plus tard, mais le budget de l’État va obtenir de l’argent d’une manière ou d’une autre cette année, voila ce qui importe.
Je dirais que c’est un plan assez prudent, même complexe, que le gouvernement a approuvé.
Question : Monsieur le Président, pourrais-je poser une question à propos de l’annulation de votre visite en France. Le président français François Hollande a dit qu’il voulait discuter de la situation en Syrie avec vous, mais vous avez annulé le voyage. Pourquoi est-ce arrivé ?
Vladimir Poutine : Vous avez peut-être mal compris le Président français. Le but principal, la raison principale de mon voyage prévu en France était d’assister à l’ouverture de notre centre religieux et culturel et de visiter une exposition d’art russe.
En fait, le but de la visite était juste cela – notre présence à ces événements culturels internationaux. Cependant, les circonstances entourant le problème syrien, pour une raison quelconque, ont fait que la France a décidé qu’une rencontre était maintenant impraticable.
Quant à la deuxième question, nous ne l’avons même pas négociée, c’est arrivé voila tout. Nous avons des problèmes en dehors de la Syrie, de sorte qu’il aurait été possible de discuter d’autres questions. En outre, la France n’est pas aussi profondément impliquée dans le processus de paix syrien. À un moment, le porte-avions Charles de Gaulle a atteint les côtes de la Syrie, et nous sommes convenus de travailler ensemble dans une certaine mesure, mais après quelques jours, le navire est reparti vers le canal de Suez. Qu’y avait-il alors à discuter ?
Certes, nous sommes toujours prêts à négocier avec tout le monde. En outre, nous sommes intéressés à ce que d’autres pays s’impliquent dans ce processus, en particulier une grande puissance comme la France, avec ses capacités.
Mais, encore une fois, ce n’était pas le but principal de mon voyage à Paris, et quand la raison principale a été annulée, il n’y avait simplement plus aucun sens à discuter de problèmes mineurs de l’ordre du jour.
Je voudrais répéter, bien que la France fasse partie du groupe des Amis de la Syrie, elle n’est pas profondément impliquée dans les questions syriennes.
Question : Monsieur le Président, vous avez dit dans votre entretien avec les médias français que les Américains ont ignoré nos informations concernant les frères Tsarnaev. Y a-t-il une interaction ou un dialogue entre nous ?
Vladimir Poutine : Il y a toujours un dialogue. En ce qui concerne cette information… J’ai déjà oublié quand c’était ; vous vous en souvenez sans doute mieux que moi. Cela a eu lieu avant les événements tragiques survenus au marathon de Boston.
Plusieurs mois avant, nous avions informé nos partenaires américains. Le Service fédéral de sécurité de la Russie a fait cela sur mes instructions en leur envoyant une notification officielle écrite, avertissant que ces deux personnes pourraient poser un danger, et nous avons proposé de travailler ensemble sur ce sujet. Nous n’avons jamais reçu de réponse.
Quelque temps plus tard, M. Bortnikov [chef du Service fédéral de sécurité] m’a approché et m’a dit : «Ils n’ont pas répondu.» Je lui ai dit d’envoyer une autre notification, et il l’a fait. Pour autant que je me souvienne, nous avons reçu une réponse après la deuxième ou la troisième fois, disant : «Ce sont des citoyens des États-Unis, occupez-vous de vos propres affaires ; nous allons régler ça nous-mêmes.» Et j’ai dit : «Ok, c’est comme ça.»
Un ou deux mois plus tard, une attaque terroriste a eu lieu au marathon de Boston. Ceci est une preuve de plus que la position de ceux qui poussent à la coopération dans la lutte contre le terrorisme est la bonne. Nous avons toujours eu cette opinion.
Mais il y a aussi des exemples de coopération positive. Par exemple, lors de la préparation pour les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, les agences de renseignement américaines ont réalisé un bon travail, en relation avec nous, et nous ont aidés à assurer la sécurité. Nous avons apprécié cela.
Question : Monsieur le Président, nous savons que vous avez aussi parlé hier avec nos partenaires de l’Inde et de la Chine. Pouvez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ? Avez-vous porté une attention particulière à certaines questions ? Nous avons connaissance d’un important accord signé avec l’Inde pour le système S-400 Triumf. Quelle est la taille de l’accord, et quelles sont les raisons ? Avez-vous discuté d’autres aspects de la coopération technique militaire ?
Vladimir Poutine : En effet, l’Inde est l’un de nos partenaires prioritaires, et un partenaire stratégique. Je ne devrais pas avoir besoin de rappeler l’époque du slogan populaire Hindi Rusi bhai-bhai (les Indiens et les Russes sont frères). En fait, peu de choses ont changé depuis, et si quelque chose a évolué ce sont nos relations qui se sont accrues.
Mais la coopération technique militaire n’est pas le seul domaine d’intérêt pour nous. Malheureusement, nous n’avons pas pleinement profité de nos capacités dans l’économie civile, et il y a tant à faire.
L’Inde est un marché énorme avec 1,25 milliard de personnes. En outre, une partie importante de la population indienne a un niveau de vie assez élevé qui correspond à des niveaux de revenus moyens européens. C’est un marché très important et lucratif pour nos produits.
Nous avons essayé de trouver des créneaux supplémentaires pour la coopération. Les options étaient larges, par exemple, plus de contacts dans la recherche spatiale, l’aviation et la construction mécanique en général. En ce qui concerne la coopération technique militaire, la qualité de cette coopération est assez élevée, peut-être même meilleure qu’avec de nombreux autres pays : nous ne vendons pas seulement à l’Inde des armes modernes de haute technologie, mais nous avons également des projets de recherche conjoints.
Le contrat S-400 Triumf ne vaut pas des centaines de millions, mais des milliards de dollars.
Nous avons également convenu d’améliorer le missile BrahMos, qui sera lancé depuis le sol, l’air et la mer. Nous travaillerons également à élargir sa gamme. Et nous allons travailler ensemble sur un avion de cinquième génération. Il a déjà fait son premier vol, mais il y a des questions sur lesquelles nous devons travailler. Je parle de l’avion de combat T-50.
Comme je l’ai dit, nos relations dans ce domaine peuvent être décrites par notre volonté d’aider nos amis indiens à acquérir des compétences supplémentaires. Vous savez que nous avons organisé en Inde l’assemblage et la production des derniers chars T-90 de combat et de l’avion Sukhoi Su-30.
Question : Compte tenu du thème de ce sommet du BRICS, pouvez-vous nous dire si vous avez discuté de la Syrie en détail, en tenant compte du fait qu’un accord sur le déploiement d’un groupe de la force aérienne russe en Syrie a été ratifié peu avant votre voyage ici ? Est-ce que les dirigeants des BRICS ont une position commune sur la Syrie ?
Vladimir Poutine : Oui, ils partagent en général une position commune et dans d’autres termes, chacun d’entre nous est d’accord sur la nécessité d’une lutte cohérente contre le terrorisme. Et nous croyons tous qu’il n’y a pas d’autre solution au problème syrien que diplomatique.
Dans ce contexte, j’ai informé tous nos collègues et amis, dans ce groupe de cinq membres, de notre point de vue sur la situation en Syrie et, en particulier, autour d’Alep.
Question : Monsieur le Président, un voyage à Berlin est prévu. Comme l’a dit votre aide, tout dépend de savoir si ceux qui représentent les parties en conflit en Ukraine seront en mesure de faire des progrès. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Avez-vous l’intention d’y aller ? Vous êtes invité assez fréquemment à propos de la résolution du conflit en Ukraine, et vous devez répéter maintes et maintes fois que, pour parler franchement, la balle est dans le camp des autorités ukrainiennes qui ne font pas ce qu’elles sont censées faire. À votre avis, comment cela pourrait-il changer ? Cette situation sans guerre et sans paix ne peut pas durer éternellement.
Vladimir Poutine : J’espère que cela ne durera pas éternellement, et je souhaite que tous ces problèmes soient résolus aussi rapidement que possible.
En ce qui concerne le voyage à Berlin, nous avons convenu avec le Président de la France et le Chancelier de la République fédérale d’Allemagne, par téléphone, qu’il serait souhaitable de se réunir à Berlin à condition que nos aides, qui, je pense se sont rencontrés samedi et dimanche à Minsk, aient réussi à amener le dialogue à un point où nous pourrions nous rencontrer pour formaliser ces arrangements. Si les aides ne parviennent pas à un accord, la réunion du format Normandie serait prématurée.
En ce qui concerne la question de savoir si l’Ukraine honore ses engagements. Je suis conscient que mon collègue Petro Porochenko a publié un article – je pense qu’il est paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung – dans une tentative de déplacer, une fois de plus, la responsabilité sur la Russie en faisant allusion à des questions de sécurité en suspens. Je crois que ceci est seulement un prétexte pour ne rien faire sur la voie politique.
Nous devons travailler sur plusieurs pistes en même temps, en résolvant les problèmes de sécurité tout en entreprenant des initiatives politiques pour promouvoir un règlement général et sur le long terme. Sinon, il sera impossible de parvenir à une résolution. Comment les gens qui vivent dans le Donbass peuvent-ils être sûrs qu’ils ne seront pas persécutés, arrêtés et emprisonnés sur des accusations de séparatisme ou de terrorisme ?
Beaucoup de gens pourraient faire face à des accusations sans fondement, sauf si une loi d’amnistie est adoptée à l’avance. Mais comment les gens peuvent-ils être sûrs que leurs droits seront respectés et garantis, si la Rada n’adopte pas une loi sur le statut spécial de la région, et que celle-ci soit incluse dans la Constitution ?
Pourquoi a-t-elle besoin d’être dans la Constitution ? Si cette loi est simplement adoptée et mise en œuvre, demain elle pourrait être déclarée inconstitutionnelle. Tout le monde comprend cela, elle doit être introduite dans la Constitution. Tout le monde le sait, et ils ont passé dix-sept heures à Minsk à discuter toute la nuit. Si cela ne se fait pas, cela signifie que le gouvernement actuel n’est pas prêt à résoudre les problèmes de ses régions du sud-est.
Question : Monsieur le Président, je voudrais parler à nouveau des BRICS.
Vous portez un costume bleu marine dans la photo de famille. Dites-moi, s’il vous plaît, vous a-t-on suggéré ce costume, ou était-ce votre choix compte tenu de la tradition indienne que veut que la couleur bleu marine symbolise la puissance et la lutte contre le mal ? Et une autre question : Michel Temer était à côté de vous. Vous avez dit que vous aviez parlé avec le Président du Brésil. Faut-il faire confiance à WikiLeaks qui a déclaré en 2011 que M. Temer aurait été recruté comme informateur par les États-Unis ? S’il vous plaît, rassurez-nous.
Vladimir Poutine : Regardez, nous avons commencé par discuter du fait que les États-Unis espionnent et écoutent tout le monde. Chacun d’entre vous est surveillé par ces services. Ce n’est pas une blague, et je vais vous dire pourquoi. Vous avez certaines informations parce que vous êtes membres du groupe de journalistes présidentiels. Vous avez l’habitude d’entendre et de voir certaines choses, et de parler avec certaines personnes.
Vous discutez librement par téléphone, sur les systèmes de communication ouverts ; vous diffusez tout ce que vous considérez essentiel, ainsi que toutes vos pensées ou tout simplement vos conjectures. C’est intéressant. Il est donc possible d’ouvrir un fichier sur chacun de vous, et cela a probablement été fait. Et ils peuvent surveiller vos conversations. Tout cela est systématisé, regroupé et analysé. Voici ce que la National Security Agency (NSA) étasunienne est en train de faire.
Remarque : Et qu’en est-il des services secrets russes ?
Vladimir Poutine : Les services secrets russes opèrent en stricte conformité avec la loi. Comme nous l’avons appris des anciens fonctionnaires de la NSA eux-mêmes, cette agence américaine viole la loi. Nous agissons uniquement après des décisions de justice, et il se trouve que la NSA ne le fait pas. Il y a une grande différence dans les approches des services secrets russes et américains.
Je ne sais pas qui a été recruté et où, et je ne m’en soucie pas. Vous savez, les gens à un certain niveau sont guidés par les intérêts de leur propre pays, de leur État et de leur peuple. Je ne peux pas imaginer, même en théorie, qu’une approche différente soit possible. Je ne peux tout simplement même pas l’imaginer. Nous travaillons toujours avec les représentants d’un gouvernement, et nous essayons de construire des relations inter-étatiques positives et de confiance.
Question : Monsieur le Président, que pensez-vous de la possibilité de nouvelles sanctions au sujet de la Syrie ? Et une autre question. L’offensive à Mossoul est en cours, avec des tirs d’artillerie et aussi des raids aériens par nos alliés qui ont critiqué la Russie si fortement. Ces actions semblent être similaires. Pourquoi ces doubles standards ?
Vladimir Poutine : En ce qui concerne les sanctions, vous connaissez notre position. Elles sont contre-productives et nuisibles. Mais la chose principale est qu’elles n’atteignent jamais les objectifs fixés par ceux qui les imposent.
En général, en ce qui concerne les sanctions contre la Russie, peu importe qu’elles soient introduites à propos des développements dans le sud de l’Ukraine ou en Syrie, je peux vous dire que le but de ceux qui formulent et défendent cette politique n’est pas de régler un problème spécifique, par exemple, dans le sud de l’Ukraine, mais de contenir la Russie.
Même sans l’Ukraine, ils auraient trouvé un autre prétexte. Ils sont tout simplement mécontents du fait que la Russie soit en train de devenir, et je dirais même est devenue, un acteur international de premier plan, s’est consolidée politiquement et a montré une volonté de travailler avec tous ses partenaires. Les questions internationales exigent des concessions et des compromis. Mais ils ne veulent pas faire de compromis – ils veulent dicter leur volonté.
Ceci est le style que nos partenaires américains ont mis au point au cours des quinze ou vingt dernières années, et ils semblent incapables de le changer.
Voyez-vous qu’il n’y a pas de dialogue ? Ils nous disent juste ce qu’il faut faire et comment. Et puis ils inventent des méthodes pour que tout le monde autour d’eux accepte leurs positions. Leur formule est «Celui qui n’est pas avec nous est contre nous». C’est leur logique. Mais ce n’est pas productif, ce qui explique le nombre croissant de leurs échecs.
L’objectif de ces sanctions n’est pas de régler un problème, mais de contenir le renforcement de la Russie en tant que membre à part entière de la communauté internationale. C’est leur but. Mais il ne peut pas être obtenu avec ces méthodes.
Maintenant, en ce qui concerne Mossoul, la similitude est évidente. Quand on nous dit qu’il y a beaucoup de questions humanitaires autour d’Alep, nous pouvons, bien sûr, nous référer à Mossoul et dire à nos partenaires qu’ils devraient se rappeler que cette ville a des centaines de milliers de personnes aussi. C’est une ville de plus de un million de personnes, et les frappes aériennes et les bombardements sont très dangereux en termes de victimes civiles potentielles.
Nous espérons que nos partenaires américains et, dans ce cas, français prendront des mesures sélectives et feront tout pour réduire ou, mieux encore, exclure les victimes civiles. Bien sûr, nous ne ferons pas de battage autour de cela comme nos partenaires occidentaux le font parce que nous comprenons que nous devons lutter contre les terroristes et qu’il n’y a pas d’autre moyen en dehors de la poursuite des combats.
Question : Pour continuer avec la Syrie, des fleurons de la marine russe, un porte-avions et le croiseur lance-missiles guidés Moskva sont en route pour la Méditerranée. Est-ce que cela signifie qu’il y aura une attaque sur les bastions terroristes ?
Vladimir Poutine : Vous attendez-vous vraiment à ce que je vous dise quand et où quelque chose pourrait commencer ?
Question : Une autre question sur le même sujet. Les relations diplomatiques entre la Russie et les États-Unis ont été aggravées par la question syrienne. Vous attendez-vous…
Vladimir Poutine : Excusez-moi ?
Question : – Les relations avec les États-Unis ont été aggravées par la question syrienne.
Vladimir Poutine : Vous le pensez vraiment ?
Question : – Il me semble que c’est le cas.
Vladimir Poutine : Vous vous trompez. Pensez à la Yougoslavie. Voilà quand tout a commencé. Je n’étais même pas encore le président. Est-ce moi qui me suis retourné vers l’Atlantique ? Je pense que c’était Primakov.
Question : Oui, Yevgeny Primakov.
Vladimir Poutine : Par ailleurs, Boris Eltsine était aussi estimé et agréable [pour l’Occident] jusqu’à ce qu’il prenne une position très dure sur la Yougoslavie. Alors tout le monde a commencé à remarquer sa consommation d’alcool et d’autres comportements compromettants. Voilà quand tout a commencé.
Vous voyez, comme je viens de le dire : ils n’aiment pas notre indépendance croissante, le problème est là. Ensuite, cela a continué avec l’Irak, que nous n’avons pas provoqué, que je sache. Je sais cela très bien parce qu’ils ont essayé de me convaincre de prendre une position sur l’Irak qui a finalement été reprise par les dirigeants allemands et français. Après la pendaison de Saddam Hussein, tout le monde était heureux. Rappelez-vous ce qu’ils ont dit ? «Vous étiez contre, mais ils sont venus et ont gagné.» Qu’ils aient ou non gagné est une question qu’on peut se poser.
Tout comme la Libye, l’Irak n’a jamais été un centre du terrorisme. Mais après que toutes les institutions gouvernementales ont été détruites, les deux pays se sont transformés en foyers de terrorisme. Maintenant, nous sommes à un point où nous devons prendre d’assaut Mossoul où vit un million de personnes avec des aéronefs, des chars et de l’artillerie. C’est le résultat. Comment procéder avec la Libye n’est pas clair du tout.
L’État a cessé d’exister. Maintenant, c’est un foyer du terrorisme, avec un afflux massif de réfugiés. Êtes-vous sûr que nos relations avec les États-Unis se sont détériorées en raison de la Syrie ? Non, pas à cause de la Syrie, mais en raison des tentatives faites par un pays d’imposer ses décisions au monde entier.
Nous ne sommes pas contre ce pays, mais nous sommes contre les décisions unilatérales et irréfléchies qui ne respectent pas les spécificités historiques, culturelles et religieuses des autres pays, même s’il y a des conflits et des tensions là-bas.
Question : Donc, nous ne pouvons pas espérer d’amélioration ou de désescalade jusqu’à ce qu’une nouvelle administration prenne le relais ?
Vladimir Poutine : Je crois que l’on devrait toujours espérer pour le mieux. Nous maintenons le contact avec l’administration américaine actuelle. M. Kerry a récemment rencontré M. Lavrov, et, en général, nous maintenons le contact avec le président Obama. L’administration américaine continue de travailler, bien qu’il y ait moins d’un mois jusqu’au jour du scrutin. Je crois que l’élection [présidentielle américaine] est en novembre.
Ils continuent de travailler, et nous devons le faire avec eux, ils travaillent intensivement et jusqu’au dernier jour. Comme je l’ai dit, nous entretenons des contacts dans presque tous les domaines, et nous allons travailler avec nos partenaires américains, mais seulement s’ils sont prêts à travailler avec nous.
Question : Monsieur le Président, votre position sur les sanctions est bien connue, et je la partage complètement. Mais qu’en est-il de la réponse…
Vladimir Poutine : Ceci est tout ce que vous avez à dire.
Remarque : Ce n’est pas l’objet de la question…
Vladimir Poutine : Dommage ; cela aurait pu être une bonne fin.
À suivre…
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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