Il faut dissoudre l’AIPAC et supprimer l’influence d’Israël sur la politique américaine

Par Philip Giraldi – Le 11 mars 2015 – Source ICH

[Ce qui suit est une version légèrement révisée d’une conférence que j’ai donnée le 1er mars 2015 à Washington, pendant les manifestations contre l’AIPAC et la visite de Netanyahou. Deux jours plus tard, le producteur de Hollywood Arnon Milchan, que je cite ci-dessous, était assis au balcon de la maison des VIP, rayonnant, comme s’il assistait à la lune de miel de Netanyahou avec le Congrès. Ce pourrait être la première fois qu’un agent clandestin au service d’un pays étranger qui a espionné les États-Unis, a été ainsi honoré. Mais je ferais observer que l’événement a été doublement significatif, du fait que l’orateur, le Premier ministre Netanyahou, a aussi été impliqué dans le même vol de la technologie nucléaire américaine.]

J’aimerais me concentrer sur deux questions. La première est la nature de la relation spéciale existant entre Israël et les États-Unis, et la seconde est le rôle du lobby israélien, et plus particulièrement de l’AIPAC [Comité américain pour les affaires publiques israéliennes], pour modeler cette relation. J’ai été conseiller en politique étrangère pour Ron Paul en 2008 et je me considère moi-même comme politiquement conservateur. Je respecte le fait que les nations doivent être attentives à leurs intérets, mais, en raison de mon expérience personnelle de vie et de travail à l’étranger pendant de nombreuses années, j’en suis venu à reconnaître que les États-Unis sont une anomalie, dans la mesure où ils persistent à faire le tour du monde en faisant des choses qui n’ont absolument aucun sens. Cela a été particulièrement vrai ces quarante dernières années, avec des invasions, des interventions et des assassinats ciblés qui sont devenus les formes privilégiées du discours international pour Washington.

Beaucoup de gens seraient d’accord avec ce que je viens d’observer, mais peu reconnaissent le rôle de la relation spéciale avec Israël dans l’élaboration de ce que les États-Unis sont devenus. Tout à fait franchement, la relation est à la fois déséquilibrée eu égard aux intérêts perçus d’Israël et terrible pour la longue souffrance des Palestiniens, très mauvaise pour les États-Unis car elle nuit à l’image américaine dans le monde entier, et même mauvaise pour Israël car elle permet à son gouvernement d’agir à mauvais escient et, pour finir, de manière contre-productive.

Je tiens tout d’abord à dire du leitmotiv souvent répété qu’Israël est le meilleur ami de l’Amérique ou son plus fidèle allié, que tout cela est une question fondamentale souvent ressassée pour excuser un comportement qui autrement serait incompréhensible. A part être un bénéficiaire pour plus de trois milliards de dollars par an émanant des contribuables états-uniens, Israël n’est pas un allié et ne l’a jamais été. Il n’y a aucune alliance quelconque avec Israël, en partie parce qu’Israël a une frontière qui s’est déplacée vers l’est au cours de ces cinquante dernières années puisqu’il continue à absorber le sol palestinien. Sans une frontière internationalement reconnue, il est impossible de définir une relation entre deux nations. Israël n’a pas non plus de valeur stratégique pour les États-Unis, par conséquent parler d’une alliance, qui suppose la réciprocité, est ridicule.

Mais je ne dis pas pour autant qu’Israël n’interagit pas avec Washington. En effet, certains pourraient dire qu’il a une influence disproportionnée par rapport à certaines politiques étrangères et nationales. La tendance à recourir à la force comme première option dans les interactions internationales est peut-être due au fait que Washington imite lui-même Tel Aviv, ou vice versa, puisque ni les États-Unis ni Israël ne semblent plus s’intéresser à la diplomatie.

La protection d’Israël par les États-Unis dans les instances internationales comme les Nations unies est une honte, et fait des États-Unis les complices des violations du droit international par Israël, ce qui inclut l’expansion de ses colonies ainsi que ses crimes de guerre. Sous Bill Clinton, les États-Unis ont plus ou moins adopté le modèle israélien dans la lutte contre le terrorisme, qui consiste en une réponse armée écrasante, sans jamais aucune négociation. Le soutien non critique de Washington à Israël, politiquement et militairement, a été un facteur majeur dans la motivation des auteurs de l’attaque terroriste du 9 septembre 2011.

La déférence envers Israël débouche souvent sur des politiques états-uniennes absurdes et hautement préjudiciables pour d’autres intérêts. La Secrétaire d’État Condoleezza Rice a décrit la dévastation du Liban par Israël en 2006, au cours de laquelle quelque mille civils ont été tués et des infrastructures ont été détruites pour plus de deux milliards de dollars, comme l’enfantement douloureux d’un nouveau Moyen-Orient. Rice, qui parlait aussi de la peur d’un champignon atomique s’élevant au-dessus de Washington pour justifier l’invasion de l’Irak, loin d’être discréditée pour son manque de discernement, est actuellement professeur à l’université Stanford et on parle maintenant d’elle comme éventuelle sénatrice de Californie ou, à défaut, comme la prochaine commissaire de la Ligue nationale de football. Voilà pour l’impunité des États-Unis et pour le sens des responsabilités, il faudra repasser.

On pourrait en conclure que non seulement Israël n’est pas un allié, mais qu’il n’est pas tellement un ami non plus. Il a conduit des opérations massives d’espionnage à l’intérieur des États-Unis incluant des centaines d’étudiants des Beaux-Arts ainsi que des actes inamicaux tels que la célébration de l’effondrement des tours jumelles par les employés d’une société de déménagement israélienne située dans le New Jersey. Israël est régulièrement cité par le FBI comme le pays ami le plus actif en termes d’opérations d’espionnage contre les États-Unis, mais il ne se passe jamais rien. Les espions israéliens sont tranquillement renvoyés chez eux et les Américains qui espionnent au profit d’Israël sont rarement poursuivis en justice. L’an dernier, nous avons assisté à Hollywood à la remise d’un Oscar au producteur et citoyen israélien Arnon Milchan, même si des histoires circulaient sur sa collusion criminelle pour obtenir de la technologie américaine soumise à des restrictions dans le but de permettre à Israël de construire des armes nucléaires. Le ministère de la Justice n’a pas jugé bon de faire quoi que ce soit à son propos.
Israël est également impliqué dans les affaires internes des États-Unis.

De nombreux états ont maintenant leurs propres départements de sécurité intérieure et beaucoup des sociétés qui obtiennent des contrats pour assurer les services de sécurité sont israéliennes. La sécurité des aéroports est virtuellement un monopole israélien. Des officiers de la police américaine de plus en plus militarisée utilisent maintenant des subventions du gouvernement fédéral pour voyager en Israël afin d’y suivre des entraînements basés sur l’expérience israélienne avec les Palestiniens. Les Israéliens ont conseillé les tortionnaires de la CIA et du Pentagone et des conseillers israéliens étaient aussi présents à Abu Ghraib.

L’influence d’Israël sur les politiques de Washington est souvent synonyme de guerre. Des responsables américains très proches du gouvernement israélien ont été à l’origine de la ruée sur la guerre avec l’Irak. Si Washington déclare la guerre à l’Iran dans un futur proche, ce ne sera pas parce que Téhéran menace actuellement l’Amérique, ce sera parce qu’Israël et son puissant lobby aux États-Unis auront réussi à créer une histoire essentiellement fausse pour lancer une telle action. Le Congrès fait obligeamment avancer une législation qui engagerait les États-Unis à intervenir militairement en soutien d’une attaque israélienne unilatérale, ce qui signifie qu’Israël pourrait aisément se charger de décider si les États-Unis entrent en guerre ou non.

Israël interfère dans les élections américaines, en 2012 pour le compte de Mitt Romney, et aussi cette semaine en s’alignant sur les républicains contre le président des États-Unis pour durcir la politique contre l’Iran. Dans la perspective des élections de 2016, deux milliardaires juifs ont déjà annoncé clairement qu’ils dépenseraient tout ce qu’ils possèdent pour faire élire le candidat qui est le meilleur pour Israël. Comme Sheldon Adelson est un républicain et Haim Saban un démocrate, les deux principaux partis sont couverts et je voudrais avertir : « Attention à Hillary », candidate de choix pour Saban.

Israël a corrompu notre Congrès, nous l’observerons de nouveau mardi. Benjamin Netanyahou réprimande publiquement et rabaisse notre propre chef d’État, ses ministres au gouvernement insultent et ridiculisent John Kerry, et ses officiers de renseignement accèdent librement au Capitole, où ils tiennent des séances privées d’informations alarmistes et erronées pour les législateurs américains. Bref, Israël n’a aucune réticence à utiliser son énorme poids politique et médiatique aux États-Unis pour faire pression sur les administrations successives afin de les endoctriner à ses propres conceptions en matière de politique étrangère et de sécurité.

Au-delà de la corruption de notre processus politique, je crois que beaucoup dans cette salle seraient d’accord pour dire que la description et le traitement des Palestiniens ont été infâmes. Israël s’est engagée dans le vol de la terre et de l’eau et fait de son mieux pour rendre la vie des Palestiniens tellement misérable qu’ils vont tous décider de partir. Certains décriraient cela comme de la purification ethnique. Juste la semaine dernière, il y avait des rapports sur la manière dont les Israéliens coupent l’eau et l’électricité dans certaines parties de la Cisjordanie. Ils ont aussi remporté un procès truqué au tribunal de la ville de New York, qui mettra l’Autorité palestinienne en faillite.

La politique de Netanyahou est de punir les Palestiniens en permanence, peu importe ce qu’ils font. Les États-Unis ont certainement adhéré à beaucoup de politiques déplaisantes ces quatorze dernières années, mais honnêtement, je pense que la majorité des Américains seraient outrés s’ils savaient comment les Palestiniens ont été réellement traités. Malheureusement, la machine de propagande d’Israël a été capable de maintenir un contrôle serré sur le récit propagé par les médias dominants. Les Arabes sont dépeints comme des terroristes tandis que les Israéliens sont vus comme des gens exactement comme nous.

Pourquoi tout cela est-il arrivé? Parce que les États-Unis sont un État ploutocratique qui permet aux oligarques israéliens richissimes de contrôler les médias et d’acheter les politiciens, mais malheureusement personne n’est autorisé à le dire, de peur que Abe Foxman, de la Ligue Anti Diffamation ne l’accuse de propager un stéréotype qui est un mythe antisémite. Les entreprises médiatiques et les politiciens nationaux sont en fait totalement corrompus par l’argent et le contrôle qu’il permet d’acheter, et pas seulement au nom d’Israël. Il faudrait être aveugle pour ne pas reconnaître ce fait.

C’est là que des groupes comme l’American Israel Public Affairs Committee [Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes], mieux connu sous l’acronyme d’AIPAC entre en scène. L’AIPAC n’est qu’une partie de la pieuvre qu’est le lobby israélien, mais il pourrait bien être considéré comme sa composante la plus efficace. L’AIPAC a un budget annuel de soixante-dix millions de dollars et deux cents employés à plein temps. Il a des milliers de bénévoles et des dizaines de milliers de contributeurs et de soutiens, dont beaucoup sont juste en ce moment à Washington [à cause de la visite de Netanyaou au Congrès, NdT].

Mardi, ils se rendront dans les bureaux du Congrès pour faire pression sur les sénateurs afin qu’ils se conforment aux desiderata de l’AIPAC au moment du vote.

L’AIPAC, qui est une organisation de lobbying de type IRS 501(c)4, est autorisée à garder secrète sa liste de donateurs. Elle a pour caractéristique d’opérer dans l’ombre. Elle prépare des prises de position écrites qui sont ensuite distribuées au Congrès et à de nombreux sénateurs largement ignorants de ces questions, qui répètent en perroquets ce que l’AIPAC leur dit. Le militant actif de l’AIPAC, Steve Rosen, s’est vanté un jour de pouvoir recueillir les signatures de soixante-dix sénateurs sur une serviette de table en vingt-quatre heures.

Les membres du Congrès savent que contrarier le lobby israélien peut nuire à leur carrière. Les sénateurs William Fulbright et Chuck Percy ont été parmi les premiers à sentir sa colère lorsqu’ils ont été confrontés à des adversaires bien financés soutenus par des campagnes de presse efficaces qui les ont vaincus malgré leurs bilans exceptionnels comme législateurs. Le fondateur de ma propre organisation, le Conseil pour l’intérêt national, le sénateur Paul Findley, a subi le même sort lorsqu’il s’est trouvé dans des démêlés avec le lobby. Au sein du gouvernement, la purge a aussi été massive, avec les traditionnels arabes du Département d’État contraints d’être remplacés par des amis d’Israël, dont bon nombre ont été désignés davantage pour des raisons politiques que pour des talents diplomatiques.

Il n’y a pas de solution facile à ce que je viens de vous dire. Il est certain que des médias plus honnêtes produiraient des électeurs américains mieux informés, mais bien que l’AIPAC ait défendu longtemps l’indéfendable, la corruption au Congrès est profonde. Et il est difficile de trouver une circonscription électorale quelque part aux États-Unis où il est possible de voter pour un candidat qui n’est pas ouvertement un supporter enthousiaste des relations avec Israël. En Virginie, l’an dernier, il y a eu plusieurs importantes élections au Congrès. Les positions des candidats sur Israël ont été minutieusement passées au crible bien avant que le vote n’ait eu lieu.

Mais, pour revenir à l’AIPAC, il faudrait demander que lui et d’autres organisations similaires qui sont les avocats d’Israël soient enregistrées conformément au Foreign Agents Registration Act [Loi sur l’enregistrement des agents étrangers] de 1938. Cela les obligerait à une totale transparence sur leur financement et cela informerait la population américaine que les organisations elles-mêmes ne sont pas nécessairement bénignes ni agissantes au nom des intérêts des États-Unis, ce qui est le subterfuge auquel elles recourent couramment. Il est plus que temps, certainement, de repousser une organisation qui promeut effrontément les intérêts d’un gouvernement étranger aux frais du peuple américain.

Merci.

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

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