Par Ugo Bardi – Le 10 juillet 2016 – Source Cassandra Legacy
Aujourd’hui, beaucoup des richesses monétaires de la planète sont entre les mains d’un petit groupe de gens super riches : l’équivalent virtuel de Picsou. Qu’est-ce qui se passerait si cet argent était volé par les Rapetou ou redistribué d’une manière ou d’une autre ? Cela changerait-t-il quelque chose, en termes de changement climatique et d’épuisement des ressources ?
Deux messages publiés récemment sur le blog discutent des conséquences possibles d’une redistribution de la richesse mondiale, sur les émissions de gaz à effet de serre. La première, par Jacopo Simonetta, qui soutient qu’une distribution plus égalitaire, qu’il appelle l’Opération Robin des bois, augmenterait les émissions et aggraverait le problème du changement climatique. L’autre, par Diego Mantilla, fait valoir le contraire.
Tant Simonetta que Mantilla commencent par une analyse de la corrélation entre les émissions de carbone et la richesse monétaire. Les données disponibles indiquent clairement qu’il existe une proportionnalité entre les deux paramètres. Et, bien sûr, aussi longtemps que cette proportionnalité est réelle, il en résulte que, peu importe la façon dont nous redistribuons la richesse monétaire, rien ne changera, ce qui est le point principal de Mantilla. Il cite ensuite l’exemple de Cuba comme un pays relativement égalitaire, mais à faible impact.
Cependant, la corrélation richesse/émissions est perdue quand nous allons à l’extrémité de la courbe − celle des super-riches− qui émettent proportionnellement moins que les pauvres. Par exemple, la valeur nette de Bill Gates est actuellement estimée à environ 80 milliards de dollars ; mais il est peu probable qu’il émette un million de fois plus de CO2 qu’un Occidental de la classe moyenne dont la valeur nette est, par exemple, d’environ 80 000 dollars. Donc, Simonetta fait valoir que prendre de l’argent aux riches pour donner aux pauvres augmenterait les émissions et aggraverait le problème du changement climatique.
Compte tenu de leurs hypothèses de départ, à la fois Mantilla et Simonetta ont peut-être raison. Mais le problème est différent et il réside dans le fait que l’argent est une entité purement virtuelle, alors que les ressources sont réelles. Aujourd’hui, l’industrie du combustible fossile produit quelque chose de l’ordre de 90 milliards de barils par jour de combustibles liquides, plus des carburants sous la forme de charbon et de gaz. Pourquoi une redistribution de la richesse monétaire mondiale devrait-elle modifier ces niveaux de production ? L’industrie pétrolière ne se soucie pas de savoir qui achète du pétrole et même la disparition hypothétique de la catégorie des super-riches signifierait simplement qu’il y aurait moins de jets personnels et plus de petites voitures. Mais, du point de vue des émissions et de l’épuisement des ressources, rien ne changerait.
C’est vrai, cependant, en première approximation, parce que le système économique changerait et s’adapterait à une redistribution de la richesse. Par exemple, Simonetta fait valoir que « l’opération Robin des bois produirait une réduction sensible de la mortalité, et probablement une augmentation de la natalité aussi, chez les personnes à bas salaires. Ainsi, une forte augmentation de la population serait à prévoir au moins pour une ou deux générations. » C’est parfaitement possible si, par exemple, les demeures des super-riches pouvaient être transformées en hôpitaux pour les pauvres.
Mais il peut aussi être vrai que la redistribution de la richesse entraînerait un grand nombre de personnes à passer par une transition démographique. Autrement dit, par exemple, transformer les demeures des super-riches en écoles publiques conduirait un grand nombre de femmes à être plus instruites qui, alors, auraient tendance à avoir moins d’enfants. Et cela permettrait de réduire les émissions.
En fin de compte, une redistribution substantielle de la richesse du monde en termes plus égalitaires aurait probablement peu d’effet à court terme, mais cela pourrait avoir des effets imprévisibles à long terme. Ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que le monde évolue dans le sens opposé à celui que Robin des Bois aurait voulu favoriser : les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Dans le même temps, nous continuons à émettre des gaz à effet de serre à des taux les plus élevés jamais observés dans l’histoire. Est-ce que ces deux tendances sont corrélées ? Difficile à dire, mais peut-être que passer à un monde alimenté par le renouvelable serait le meilleur moyen d’obtenir une répartition des richesses moins déséquilibrée.
Ugo Bardi
Note du Saker Francophone La conclusion est encore une fois orientée pour défendre son point de vue et il utilise la peur pour convaincre car bien sûr, nous sommes dans un moment unique, ne serait-ce que par le volume de population jamais vu. J'achète aussi un monde plus égalitaire, où la notion d'entraide surpasse la compétition, mais il ne suffit pas de le décréter, il faut trouver les moyens politiques de le mettre en place. Sinon, la mondialisation n'a pas rendu tous les pauvres plus pauvres, contrairement à ce qu'il dit, mais a seulement appauvri, et encore relativement, la classe moyenne occidentale. Ce n'est pas avec ce genre de tensions que l'on va convaincre la population d'adhérer à un projet de long terme.
Traduit par Hervé, vérifié par nadine, relu par Catherine pour le Saker Francophone