Djihad 2.0 : le prochain cauchemar en préparation


Par Pepe Escobar – Le 25 mai 2017 – Source Sputnik News via entelekheia.fr

Armée nationale albanaise, une organisation paramilitaire classée groupe terroriste

Commençons par les 28 dirigeants de l’UE en discussion sur les Balkans occidentales au cours d’un sommet récent, et blâmant – qui d’autre – l’« agression russe » dans l’arrière-cour de l’UE.

Passons à un procureur monténégrin rageant a propos d’« agents de l’État russe » qui auraient tenté un coup d’État au cours des élections de 2016 pour empêcher le pays de rejoindre l’OTAN.


Et passons aux avertissements du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker selon lesquels la rhétorique anti-UE de Donald Trump peut mener à une guerre dans les Balkans. Avec sa condescendance habituelle, Juncker maintient que « si vous les laissez à eux-mêmes – la Bosnie et l’Herzégovine, la République serbe de Bosnie, la Macédoine, l’Albanie, tous ces pays – nous aurons une autre guerre ».

Les Balkans peuvent être au bord de l’explosion – encore une fois. Mais avec un changement ; contrairement à 1999, l’OTAN ne pourra pas bombarder une Belgrade sans défense pendant 78 jours. Une nouvelle génération de missiles russes est là pour l’en empêcher.

La tragédie de 1999 dans les Balkans avait été essentiellement lancée par des faux massacres au Kosovo organisés par le BND – le service des renseignements allemand – avec des Albanais locaux et des agents provocateurs du BND, qui tiraient des coups de feu des deux côtés pour lancer une guerre destinée à démembrer la Yougoslavie.

Tous les yeux sur l’Albanie

Ce qui transparaît de la conjoncture actuelle géopolitique est encore plus sale.

Les habituels feront comme d’habitude : blâmer la Russie sans se donner la peine de présenter la moindre preuve d’une quelconque mauvaise action russe.

Laissons un spécialiste, le Dr Olsi Jazexhi, directeur du Free Media Institute à Tirana, en Albanie, nous guider.

En décembre 2016, John Brennan, de la CIA, est allé en Albanie et y a édicté un fatwa de « guerre contre la Russie » – notamment en Macédoine.

Comme l’explique le Dr Jazexhi, après le départ de Brennan, Edi Rama, le premier ministre de la Macédoine et un bon ami de George Soros, a réuni tous les partis politiques albanais de Macédoine et leur a ordonné de soutenir Zoran Zaev contre Nikola Gruevski. Gruevski est considéré comme pro-russe et anti-OTAN, alors que Zaev lèche les bottes de Soros. En conséquence, Gruevski a été boycotté par les Albanais et Zaev a eu leur soutien pour former un gouvernement. La promesse de Zaev aux Albanais était que la Macédoine allait adopter l’albanais comme langue officielle et créer un troisième État à demi albanais dans les Balkans. Les Macédoniens se refusent à cette idée, mais Tirana et Edi Rama sont en train de monter les partis politiques albanais contre Gruevski. Le but final est l’accès de la Macédoine à l’OTAN.

Pendant ce temps, au Kosovo – essentiellement une escroquerie narco-mafieuse qui se prend pour un État et qui héberge Camp Bondsteel, la plus grande base militaire américaine à l’étranger de la planète – Hashim Thaci, le président ex-membre de l’Armée de Libération du Kosovo, bâtit « une armée pour le Kosovo ». La finalité en est d’intégrer le Kosovo à l’OTAN, même si la Serbie rejette cette idée pour son ancienne province autonome.

Jazexhi détaille aussi la façon dont « en Albanie, nous avons deux organisations terroristes majeures protégées par les Américains et les Européens ».

La première est celle qu’Ankara décrit comme l’organisation terroriste de Fetullah Gulen (FETO), supposément instrumentalisée par les renseignements allemands : « La Turquie proteste contre l’accueil fait au FETO par l’Albanie, mais les USA le gardent pour éventuellement l’utiliser contre Erdogan ».

Le deuxième est le Mojahedin-e Khalq (Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, MKO) qui se bat contre Téhéran : « L’Albanie est en passe de devenir le centre du MKO. John Bolton était récemment à Tirana, avec d’autres sympathisants internationaux du MKO. Ils préparent des attaques conte l’Iran et réclament un changement de régime. »

Maryam Rajavi, du MKO, a également visité Tirana, où elle a développé des plans pour « renverser les ayatollahs d’Iran ».

La question-clé, comme le souligne Jazexhi, est que « après avoir transformé les Balkans en centre de recrutement pour Daech pendant la guerre de Syrie, les Américains sont dorénavant en train de transformer l’Albanie en plateforme pour un djihad 2.0 ».

Ce qui se passe aujourd’hui est donc une répétition de « la même erreur faite par les Albanais du Kosovo, qui ont lié leur avenir à 100% au Camp Bondsteel et seraient instantanément ré-envahis par la Serbie si l’OTAN ou les USA décidaient de s’en aller »  (ce qui se produira inévitablement un jour ou l’autre).

Pendant ce temps, l’Union européenne et les USA, qui veulent dé-radicaliser les wahhabites d’Europe, se taisent sur les djihadistes iraniens.

L’ennemi « invisible »

Ainsi, la pièce-clé du puzzle est la configuration de l’Albanie en centre de djihad 2.0 – contre les slaves de Macédoine, contre Téhéran, et aussi contre Ankara. Rien d’étonnant si le conseiller en chef du gouvernement albanais, jusqu’à ces derniers mois, était un certain Tony Blair.

Mais ensuite, c’est l’ennemi « invisible » qui compte.

En mars dernier, le président de la Serbie, Tomislav Nikolic, est allé à Pékin pour sa dernière visite officielle avant les élections du 2 avril. Le président chinois Xi Jinping a souligné que la coopération économique avec la Serbie – et plus généralement avec les Balkans – est une priorité pour la Chine.

C’est certain. En 2014, Pékin a créé un fonds appelé à investir 10 milliards d’euros en Europe centrale et de l’est. L’année dernière, China Everbright a acheté l’aéroport de Tirana, en Albanie. La banque d’exportation et d’importation de Chine finance la construction d’autoroutes en Macédoine et dans le Monténégro.

En Serbie, la corporation China Road and Bridge a construit le pont Pupin sur le Danube à Belgrade, pour une somme de 170 millions d’euros – c’est le « pont de l’amitié sino-serbe ». Il a été inauguré en 2014, et financé à 85% par un prêt de la banque d’exportation et d’importation de Chine.

Et la cerise sur gâteau du développement d’infrastructures est la voie ferroviaire à haute vitesse de plus de mille kilomètres et 2,89 milliards de dollars entre Athènes et Budapest, via la Macédoine et Belgrade.

L’UE a tiré la sonnette d’alarme à propos du tronçon (de 1,8 millions de dollars) Budapest-Belgrade, et enquête pour savoir si la section hongroise enfreint les règles strictes de l’UE selon lesquelles les appels d’offres publics sont obligatoires pour les grands chantiers de transport.

La légendaire arrogance de l’Occident sous-entend aussi que la Chine ne peut en aucun cas être capable de construire des voies ferrées à haute vitesse aussi bien, sinon mieux – et pour moins cher – que l’Europe.

Il se trouve que Budapest-Belgrade est le tronçon crucial de la route express terre-mer que Pékin s’était engagée à construire en 2014 avec la Hongrie, la Serbie et la Macédoine. En Europe du sud-est, c’est l’étape centrale de la nouvelle Route de la soie, aujourd’hui dénommée Initiative Belt and Road ; un couloir commercial entre le port du Pirée sur la Méditerranée – en partie possédé par la compagnie China Ocean Shipping depuis 2010 – jusqu’en Europe centrale.

La raison officielle de la présence de l’OTAN dans les Balkans est « le combat contre la menace du terrorisme ». Selon le Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, « J’ai récemment visité la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, et je suis encouragé par leurs efforts contre la menace de combattants étrangers ».

Les « combattants étrangers » se trouvent précisément chez eux, non seulement au Kosovo mais bientôt en Albanie, la capitale du djihad 2.0. Après tout, l’OTAN excelle dans la création de « menaces » essentielles à la justification de son existence.

Le djihad 2.0 peut bien être dirigé contre les slaves de Macédoine, contre l’Iran et contre la Turquie. Sans même parler du ventre mou de la Russie. L’angle invisible est qu’il peut toujours être déployé pour mettre à mal la dynamique de l’intégration de l’Europe du sud-est comme plateforme de la nouvelle Route de la soie.

Pepe Escobar

Traduction entelekheia.fr

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